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 Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]

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Mathusalem




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Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]  Empty
MessageSujet: Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]    Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]  I_icon_minitimeLun 9 Jan - 22:17

- La traque reprend.
PAX VENATOR !

Les traqueurs luttaient ardemment contre la peur. Chacun avec leurs armes, leurs pensées. Ils savaient bien ce qui les attendait là bas, de l'autre coté, tous en avaient eut le terrible aperçu. Le désert est le plus vorace des monstres, le plus impitoyable, le plus implacable. Un enfer dans lequel il leur faudra tous replonger bientôt.
On se sentirait presque comme un condamné amené vers le billot.
Là, ballotté dans la jeep, l'horreur revenait par flash : la faim, la soif, la douleur, la chaleur, les insomnies, les crampes, la morsure brûlante du vent...
Pourtant, tous répondirent aux sergent, d'une voix et d'une seule : PAX VENTAOR. Le cri de l'Ordre. Il n'y avait plus que là où puiser force et courage. Aussi, de voir Cassius ainsi, réanimé après sa propre traversée du désert, d'une nouvelle flamme intérieure ardente et bouillonnante d'une rage si exaltée, qu'elle en fut obligatoirement contagieuse auprès de ses frères et sœurs d'armes. L'on ne pouvait affronter le désert le dos courbé, mais seulement droit, la mâchoire serrée et la fureur d'en découdre. Cette traversa sera un combat, alors autant rentrer dans cette arène du désert avec une rage guerrière.

Père Mamoud avait ordonné à Philippe, le jeune conducteur de caravane, d'amener les traqueurs jusqu'aux bords de la mythique Géhenne. Le sfaxien ressentit la tempête d'énergie dégagée par les traqueurs, lui donnant une chaire de poule sur chaque parcelle de sa peau. La tension était bien tangible et cela le rendit nerveux plus que de raison. Le garçon en avait la gorge douloureusement serrée, les mains et le front moites.
Il lui fallait briser le silence, ce fut plus fort que lui, instinct de conservation ou sinon il se serrait littéralement étouffé dans cette atmosphère anxiogène. Alors le conducteur bégaya de nervosité :
- Des soldats viendront bientôt de Rome...
Sa propre bêtise le fit trembler. Philippe s'en serrait donné un coup de poing. Pauvre imbécile, s'insulta-t il, ils sont au courant, on leur a bien assez répété comme ca ! Vite trouves quelques chose d'autres... dis quelque chose bon sang ! Que lui avait dit Fary se matin déjà ?
- O-o-ou pas. Y parait que ça se corse là bas. La reine d'Espagne s'est réfugiée en Italie pour fuir le duc du Portugal, devenu félon.
Qu'est ce que cela allait il chambouler dans le jeu politique continental ?
Philippe s'aperçu d'un coup d’œil à son rétroviseur qu'il n'était pas plus écouté que le bruit du moteur de la jeep. Les traqueurs se tenaient coi. La grande blonde fumait cigarettes sur cigarettes avec son collègue à la gueule balafrée, alors que l'autre gamine se tenait la tête basse, regardant ses mains, se demandant peut être si celles ci tremblaient toute seules ou bien à cause des vibrations du véhicule. Les deux autres avec leurs épées gardaient un regard dur, froid, terrifiant, fixant la route défilant devant eux, sans ciller.
Philippe déglutit difficilement et arrêta enfin d'épier les traqueurs. C'était inconfortable ce mélange de crainte et de respect qu'il éprouvait envers ses passagers.

- Voilà donc le Village... Souffla Philippe plus pour lui même qu'autre chose.
Il s'agissait du fameux village des "fiévreux". Ces pauvres hères qui avaient eut le malheur de survivre à la fièvre noire. Ils étaient devenues complètement abrutis, comme de vieux gâteux à peine capable de se nourrir. Alors ils avaient été placé là, en quarantaine. L'on allait leur porter de la nourriture régulièrement, et s’enquérir de leurs états. Enterrer les morts aussi.
Et un beau jour...
Un beau jour voilà qu'ils étaient tous partis. Vers l'Est.

Après le village, la route dura encore près d'une heure. La jeep croisa oasis et champs de cailloux, de vielles ruines aussi, parfois impressionnante comme le bout d'un immense pont suspendu dont il ne restait qu'un pylône en béton supportant une portion de route sur sa tête.
Puis l'on s'engagea enfin en contrebas. Le Golf se dévoila à leur vue.
Vaste. Si vaste qu'il touchait l'horizon et à l'Est, et au Sud et au Nord.
Une eau noire, si noire qu'elle semblait avaler la lumière. Elle ne brillait pas sous le soleil mais restait opaque.
Plus l'on s'approchait, plus la vision du Golf se nuançait. L'on distinguait une eau tirant sur le vert en bordure de plage et des rochers recouverts de mousses et de coques.

La jeep décèlera en douceur et stoppa sa course finalement à une trentaine de mètre seulement du rivage. Sur leur droit se dressait une série de rocher et, plus bas, au bord de l'eau mouillait à moitié une grosse structure de bois. Un hangar à bateau, envahit d'algues et de mollusques grisâtres.
Sur leur gauche se trouvait une grande maison, s'élevant sur deux étages, accrochée par une véranda aux vitres si sale qu'on ne pouvait y voir à travers.
Les traqueurs débarquèrent alors.
Philippe alla ouvrir le coffre de la jeep pour en sortir deux caisses pleines de fruits amenées des jardins de Sfax, gorgés de sucre et de vitamines.

L'odeur de la mer était forte. Comme celle d'un marécage le soir d'une chaude journée d'été. Ça puait la vase et la bourbe.
La plage n'était pas faite de sable, mais de terre sèche qui descendait en faible pente jusqu'à se noyer dans l'eau stagnante.  

Soudain : grondement de tronçonneuse.
Les traqueurs levèrent leurs armes et se tournèrent vivement vers les rochers sur leur droite.
Un homme se tenait là haut.

Spoiler:

D'un bond il atterrit en bas de son rocher. L'individu leva alors bien haut son arme, pas le moins du monde inquiété de tout ces canons prêts à faire feu, et fit vrombir sa tronçonneuse  pour toute réponses aux traqueurs qui lui ordonnait de baisser son arme.

Philippe accouru alors, gambadant follement et difficilement, les deux caisses de fruits portées encore à bout de bras, pour s'interposer entre les traqueurs et l'homme à la tronçonneuse.
Essouflé il leur fit :
- C'est... Moshé ... !
Comme pour appuyer les dires du sfaxiens, l'homme fit vrombir doucement le moteur de sa machine en appuyant sur la gâchette.
De l'autre coté, la porte de la maison s'ouvrit et laissa en sortir une femme portant une lourde robe blanche.
Elle s'approcha, s’arrêta une seconde pour lorgner le groupe, puis reprit sa marche jusqu'à Philippe, tendant les bras pour lui prendre sa cargaison de fruits.
- Mamoud veut que vous fassiez traverser le Golf à ces chevaliers du Krak.
- Du Krak. Hm.

Encore une fois, la femme les jaugea ostensiblement. De près l'on constata que sa robe était sale, terreuse au niveau des pieds, et rapiécé aux épaules. Elle portait un ensemble de foulard sur la tête, lui cachant le visage mis à part ses yeux.
Après analyse, elle consentit à dire :
- Bien. Prenez place au bateau, nous partons.
Et elle partit en direction de la maison, embarquant avec elle les fruits qui avaient servit de payement.
Les traqueurs, eux, suivirent Moshé qui resta pourtant mué, jusqu'au hangar à bateau.

C'était un ancien navire de pêche tout ce qu'il y a de plus simple. Quinze mètres sur quatre, un pont dégagé mis à part le post de pilotage couvert au centre. La coque était recouverte de barbelé et de pic en fer fichés dans les planches de bois.
Moshé le passeur s'afféra à dénouer tout un tas de cordage. C'était un homme à la carrure imposante, son visage se trouvait caché par un masque, un patchwork de cuir et de plaque en métal lui couvrant tout sauf les yeux, la bouche et son menton poilu. Sur son dos il portait tout un attirail lui permettant d'accrocher sa tronçonneuse quand elle se trouvait éteinte.
- On est prêt capitaine ?
La femme venait de refaire son apparition, sautant d'un bon sur le pont du bateau. Moshé lui répondit que par un coup de menton donné dans le vent, ce après quoi la femme acquiesça en silence.
- Je suis Saïda.
Mamoud a grassement payé pour que l'on vous amène jusqu'à Yefren. Il devait vraiment vouloir se débarrasser de vous.
Ché !

Rex n'esquissa pas l'ombre d'un sourire :
- Combien de temps cette traversée ?
Elle haussa les épaules lourdement :
- Deux heures comme huit. Ça dépend des esprits, de votre karma et du temps.
Surtout du temps.

Saida claqua alors dans ses mains et les enjoignit alors à s'asseoir sur les bancs se trouvant sur les bords du navire :
- Installez vous donc.
Et puis elle disparu dans la cabine. Sans disparaître puisque l'habitacle était cerclé de vitres.
Les moteurs du navire vrombirent alors et l'embarcation fit ses premiers pas hors du hangar.

La traversée commença.


* * *



La berge n'était plus qu'une bande se superposant à l'horizon qui se fondait déjà dans la brume.
Tout le Golf semblait recouvert par ce fin brouillard, recouvrant à peine la surface de l'eau sur la longueur d'un bras.
- Est ce que vous avez croisés des traqueurs dernièrement ?
Rex s'était accoudé à la cabine, les mains au chaud dans les poches de son manteau alors que le froid les gagnait tous.
- Oh oui. Tout les jours on en a.
C'est bien connu que les traqueurs nous sont d'une grande assistance dans le coin.

Rex fronça des sourcils sévèrement. Il n'aimait pas le ton que prenait Saida. Oh non il ne l'aimait pas.
La pilote continua pourtant :
- La dernière fois que j'en ai vu un j'étais pas plus haute que mon genoux. Mon père a sortit toute la smala de la casbah. Des traqueurs en Libye, quelle fête ! Il était si fier le pauvre... Son ton fut triste. Puis elle reprit, amer : A la fin de sa vie il vous maudissez tous. C'était il y a dix ans de cela. Les tempêtes de sables engloutissaient les cultures, et les monstres ravageaient les campagnes.
Et personnes, personnes pour entendre nos appels à l'aide.
Saida faillit cracher par terre, mais elle s'abstint au dernier moment, respectant tout de même la présence du chevalier. Pauvre homme mon père. Si il avait su ce que les dix prochaines années aller nous réserver... Tout a empiré puissance dix.
Elle tourna alors la tête vers Rex, las et n'attendant pas vraiment de réponse.
- Des traqueurs ont ils traversés le Golf au court des deux dernières semaines ?
Rex n'en démordit pas dans ses recherches. La pilote souffla alors, cherchant à peine dans sa mémoire :
- Mouais. Non je pense pas.
Silence. Saida se gratta le nez alors que le souvenir d'une conversation avec un caravanier lui revint :
- Y a un autre passeur plus au sud. Il aurait fait traverser des mercenaires y a quelques temps je crois.
Ils auraient payé Hakim avec un camion putain. Pas une ruine, un qui marche.
C'est ce qu'on m'a dit en tout cas.

Elle posa ses deux avant bras sur le tableau de bord alors que Rex assimilait l'information.
- Hakim est un chien doublé d'un baiseur de porc. Pas plus réglo qu'un macaque.
Les cadavres de ces types doivent flotter quelques part.
Ché !

- J'en doute.
Svetlana s'était tenue non loin, fumant sa cigarette au bord de l'eau. Saida questionna alors :
- Qu'est ce qui amène autant de traqueurs dans le coin d'un coup alors, dites moi donc.
La balkane jeta son mégot dans la flotte et se leva lentement :
- Ils seraient partis bastonner du raiders.
Saida marqua franchement son étonnement :
- Des raiders ? Y a plus de raiders dans le coin grâce aux Vigiles.
- Grace ?
La pilote décrocha un sourire en coin et se permit de les ignorer, passant plutôt sa tête par la vitre.
A l'avant, Moshé se trouvait toujours à la même place, un pied sur le bastingage, penché devant à humer l'eau, tronçonneuse à la main mais éteinte.
Saida fronça des sourcils, rentra sa tête dans la cabine et tourna le gouvernail de quelques pouces.
Elle sembla se détendre alors. Et reprit :
- Des décennies que les soldats du Krak on pas foutu un pied en Libye.
Qu'est ce que vous connaissez donc de nous hein ? De nos catastrophes ? De nos monstres ? Des vigiles

- C'est toute l'Afrique qui est touchée.
Saida souffla grossièrement.
- C'est en Libye que ça a commencé. D'abord au Cyrénaïque, puis en Libye...
Avant de se propager bien des années après de l'autre coté du Golf, au pays de Tunis puis plus à l'Ouest, en suivant l'atlas. Ché ! C'est nous qui avons subit le plus. Toute notre terre est morte.
Et qu'avez vous fait pour nous pendant que nous agonisions?

- L'ordre ne lutte pas contre les éléments.
Et Svetlana qui renchérit :
- Quand aux Vigiles, l'ordre reste neutre, nous nous occupons pas des raiders.
Saida faillit s'étouffer.
- Des raiders ?! Elle ria. Les Vigiles font ce que vous auriez du faire. Et ce que vous devriez faire. Nous protéger des mutants !
- Ils vont dans les villages, enlèvent des habitants.
- Ils font ce que vous n'avez pas fait, traqueurs.
Les Vigiles s'occupent des psychonautes.


La tronçonneuse de Moshé vrombit alors.
Saida sortit de sa cabine pour aller le rejoindre.

Le passeur tenait son arme bien bas, plongeant la lame de sa machine dans l'eau. Puis il se releva d'un coup et se tourna vers la pilote. Il fit vrombir une fois, puis deux fois la tronçonneuse. Saida cracha quelques mots en arabe et leva les mains au ciel. Moshé répondit en appuyant longuement sur la gâchette de sa machine, faisant hurler le moteur de la tronçonneuse.
- Que se passe-t-il ?
Elle se tourna, et répondit mollement :
- Rien. Il se passe rien.
A quoi bon répondre à leurs questions ? Cela faisait bien longtemps que Saida avait cessée de parler de la Géhenne et de ses mystères avec ses passagers.
C'était totalement inutile, à chaque fois les gens restaient totalement incrédule. Alors oui, à quoi bon ?

Parler du Vortex ? Saida ne l'avait aperçu qu'une seule fois, le genre de vision qui vous change à jamais. Mais comment l'expliquer à des profanes du Golf ? Impossible tout simplement. Le Vortex n'était pas qu'un trou au milieu de l'eau... il était autre chose. Saida en était venu à le considérer comme un être vivant. Car le Vortex se déplaçait. Il disparaissait et réapparaissait ailleurs. Aléatoirement ? Ca non, il avait sa logique propre.
Quoi d'autre... Leur parler de ces ruines de villes dans la Géhenne ? Ces tours où vivaient d'étranges communautés humaines ? Simple à expliquer pourtant.
Non. Car comment faire accepter le fait que ces villes noyées se déplaçaient ?
La aussi Saida avait ses théories. Le Vortex était à l'origine, pour elle, des déplacements aléatoires de ces villes.
Et quoi d'autres encore ? Les esprits ? Le sous marin ? Le Kraken ? Non, non et non. Ils ne pouvaient pas comprendre. Seul les marins pouvaient comprendre et réellement prendre au sérieux ce genre d'histoires.


Moshé dessina quelques motifs dans l'eau à l'aide de la lame de sa tronçonneuse puis se releva d'un coup brusque et leva bien haut sa machine en la faisant hurler longuement trois fois.
Saida se jeta dans la cabine et fit virer le bateau à tribord avant de ressortir aussi vite qu'elle n'était entrée.
La pilote sortit de sous ses robes une longues vue qu'elle déploya.
- On devrait passer par la ville là bas. Elle ne pourra pas nous suivre entre les immeubles.
Et Moshé acquiesça en faisant vrombir sa tronçonneuse.



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Thomas Dole
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MessageSujet: Re: Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]    Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]  I_icon_minitimeMer 11 Jan - 18:40

Brume épaisse. Silence complet. Hormis le vrombissement du moteur du navire, on vogue lentement sur une eau sale et croupie dont on ne voit pas le fond. Ça sent mauvais l'essence, et les traqueurs emmitouflés dans leurs capes étaient frigorifiés. Mais qu'est-ce que c'est, être frigorifié, quand on a survécu aux Alpes ? Le sang était aussi froid que la peau. Et, le regard noir, déterminé, tous restaient silencieux en observant l'eau se briser sous la lame de la chaloupe.
Moshe mettait mal à l'aise en revanche. En tout cas, Rex avait retiré la lanière de son holster, et se préparait à sortir son arme de poing à tout moment.

Au final, la traversée fut rapidement ennuyeuse et silencieuse. Il y eut juste un moment où Zeus décida de se lever et d'aller baisser son pantalon au bout du navire, pour couler un bronze dans la mer. Il avait mal au ventre. Tout le temps mal au ventre ces derniers temps. La femme qui tenait la barre l'observa avec un clair dédain dans ses yeux, mais ne s'en occupa pas autrement.

- C'est quoi qui nous poursuit ? Demanda Rex.

Aucune réponse. Cela énerva le Traqueur, qui ne put s'empêcher de grogner tel un chien.

- Parlez.
- C'est le Bahamut.
- Ah putain...
- Oh ? Vous connaissez ?
- Bien sûr que je connais. Fut un temps où les Traqueurs étaient présents ici vous savez. Ils nous ont laissé des récits et des images.

À part Rex et le capitaine, personne n'était capable de comprendre ce qui se passait. Mais en tout cas, le vieux chevalier s'était levé et avait sorti son épée. Il se mit rapidement à faire un cours accéléré à ses frères.

- Le Bahamut est un...Poisson. Un poisson géant, capable d'engloutir les navires. Il craint la lumière et ne vit que dans les eaux froides, mais en tout cas, les éliminer est une vraie plaie. Fut un temps où les Traqueurs devaient employer des tenues de plongée et des arbalètes pour les traquer.

Cela fit rire le capitaine. La femme, camouflée sous son voile, ne croyait pas un seul instant que des traqueurs puissent lutter contre des Bahamuts. Cela faisait tellement longtemps qu'ils étaient partis, qu'ils avaient tout abandonné...

Mais il n'y eut pas de Bahamut qui vint les manger. Pourtant, on sembla voir, à un moment, une vague effleurer l'eau, ce qui fit faire charger leurs armes à tous les traqueurs qui se tenaient sur le pont. Non. Le monstre fuya bien vite.

- C'est les écouteurs qu'il y a sous l'eau. Ils diffusent des ultra-sons qui les éloignent.
- Des écouteurs ?
- Un truc de ce genre... Un vieux mec bizarre en robe qui a installé ça il y a des décennies.
Enfin bref. Observez donc.


Moshe attrapa sur le pont une sorte de projecteur qu'il alluma. Puis, il commença à l'éteindre et à le rallumer par intervalles. Ceci fit froncer les sourcils à Svetlana.

- C'est du morse
, dit Rex.
- Du quoi ?

Une fois que Moshe eut fini, devant eux, d'autres éclairs de projecteurs irréguliers. Le bateau se tourna et mit directement les voiles.

Devant eux, à travers la brume, une figure se dessina, avant de se révéler. Un gratte-ciel. Un gratte-ciel géant dont seule les étages supérieurs apparaissaient à travers la mer. Des petits pontons en bois et de multiples constructions servaient de bâtiments, de cales de pêche, de miradors. Et sur le toit, des hommes armés, mitrailleuses prêtres. Certains firent des signes, d'autres parlèrent en arabe, et on dirigea le navire pour entrer dans ce qui servait de rade artificielle.

- On est obligés de s'arrêter ? Je pense qu'il faudrait aller à Gabès.

- Ah ! Tu n'as pas compris, traqueur ?
Gabès, c'est ici, ché !

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Mathusalem




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MessageSujet: Re: Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]    Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]  I_icon_minitimeSam 14 Jan - 0:02

A Gadès, Moshé débarqua du bateau plusieurs jerrycans d'essence et quelque bidons d'huiles. En échange, les locaux leurs donnèrent des cagettes débordant de crustacés ainsi que d'autres denrées. Après quoi Moshé le passeur alla parler, toujours muni de sa tronçonneuse vrombissante, avec un vieux locaux vêtu d'un antique ciré jaune délavé, rapiécé à l'aide de filets de pêches d'où pendaient une multitude d’hameçons, portés à la manière de décorations militaire sur un uniforme.
Sur le bateau, Saida s'impatientait plus que tout les traqueurs réunis. La pilote n'aimait pas Gadès. Ses habitants étaient tous, par bien des aspects, trop étranges. Comme des fanatiques dénués de religion.
Tous ici vivaient dans l'appréhension depuis que le Vortex était apparu, il y a 16 années de cela. Quand la spirale s'était formée, elle avait avalée une citée semblable à celle ci. Il ne fallut que quelques minutes pour que la tour et sa communauté disparaissent, engloutis dans les profondeurs mystérieuses de la Géhenne.

Moshé bondit sur le pont, et d'un aboiement de tronçonneuse, ordonna le départ.
Alors le bateau entamant sa lente manœuvre pour sortir du hangar. Dehors, le froid et la brume les accueillirent comme ils s'étaient quittés. Saida angoissait, serrant la barre comme si elle voulait la briser. Elle devait les faire passer par le reste de la ville de Gadès, évitant ainsi les titanesques bahamutes trop lourdauds pour se faufiler entre les buildings inondés.
Là bas vivait l'alnnas. "Le peuple".

Le navire s'engagea bientôt aux cotés des premiers bâtiments immergés. Les fenêtres froides et mortes observaient le bateau qui déchirait le voile brumeux qui recouvrait les lieux. Moshé avait éteint sa machine et il ne resta plus que le ronronnement du moteur et le clapotis de l'eau pour tout bruit.
Les bâtiments se trouvaient recouvert d'une épaisse couche de mousse et de lichens, elle même perlée de coquillages et de champignons orangés. Les murs semblaient si envahit par la flore qu'on aurait dis le béton entièrement rongé, et la structure à présent tenant debout que par la mousse et les algues qui la parcourait.

Ils croisèrent le premier alnnas suspendu aux murs d'un ancien hôtel, reconnaissable par sa pancarte en néon accrochée sur le toit . Celui ci se trouvait donc accroché à une liane sur le mur du bâtiment. Nue et glabre du crane aux pieds, la peau livide comme celle d'un cadavre. De grands yeux globuleux et une face aplatie marquait les traits de tout les alnnas. Celui ci portait un collier en os de poisson et sur son bras libre se trouvait ficelé le nez d'un requin-scie. La scie n'était qu'un os énorme, protégeant son bras comme un bouclier, mais aussi menaçant qu'une arme par la série de dents bardant chacun des cotés.
L'alnnas observa les étrangers en silence, sans bouger de sa liane.
Bientôt, il disparu, engloutit par la brume.

Saida assura aux traqueurs que le Peuple ne constituait pas un danger. Là encore elle cacha un grand pan de la réalité, qu'elle estimait de toute façon si énorme et étrange pour des profanes comme eux qu'ils ne la croiront de toute façon pas.
En quittant Gabès, le groupe croisa d'autres alnnas sur le toit d'un silo, dernière structure marquant la sortie Est de la ville. Il s'agissait d'un groupe d'enfants ne dépassant pas le mètre de hauteur. Leurs nez était si aplatit qu'il ne se distinguait pas, et leurs yeux si gros et ronds qu'ils prenaient presque la moitié de leurs visages.
Mais les petits curieux eux aussi disparurent rapidement dans cette brume tenace qui s'accrochait à Gabès.


De là, le voyage se fit sans accroc. Moshé se permit même d'aller sortir sa canne à pêche pour passer tranquillement le temps.
- Voilà Jahanman.

La localité se dessinait sur une terre grise. Le village n'était constitué que d'une unique rue, cernée de bâtiments en bois et par quelques tentes tout au bout où paîtrait les troupeaux domestiqués. Quelques pontons servaient de quais où était amarré un unique esquif à peine plus grand qu'un kayak.
Saida ancra le navire à l'un des pontons branlant, laissant les traqueurs débarquer avant de les rejoindre.
- Vous trouverez tout le monde au Troquet, la grande bâtisse en bout de rue.
Saida ne prit pas la peine de donner la moindre indication supplémentaire et se prépara déjà pour son départ.

Il y eut un court moment de flottement au sein du groupe de traqueur, découvrant l'étrange et nouvel environnement qui se déployait à leur vue.
Le ciel était gris. La terre, constituée d'une sorte de sable poussiéreux, était aussi gris. Ils venaient de quitter le ciel bleu et le sable chaud de la rive ouest pour son exact opposé, tout en monochrome.
Un vent, lunaire soufflait dans la rue quasi déserte.
Quasi, car une silhouette les observait. Une femme en robe noire, balancée doucement dans son rocking-chair, leva la visière de son chapeau à longs bords avec la lame d'un couteau pour observer ces métèques qui débarquaient en ville .
Les traqueurs n'y prêtèrent aucune attention et s’enfoncèrent dans la rue. Le moindre volet était clôt et chaque porte doublées d'une grille.

Le Troquet détonnait par ses lumières, ses fenêtres grandes ouvertes et les sons qui en émanaient. Seul phare de chaleur humaine dans cette localité bien morne.
Rex poussa le premier les battants de la porte pour entrer dans l'immense pièce commune. En face se dressait un semblant de bar s’étalant tout le long du mur jusqu'au pieds d'un escalier qui montait vers l'unique étage du bâtiment. Du reste, la pièce se trouvait meublée de tables et de chaises. Rien de plus à noter si ce n'est la présence d'une petite scène au bout de la pièce où se trouvait assis un jeune homme étrangement accoutré comme le pire cliché du noble de l'Empire que l'on pouvait se faire : avec fraise et culotte.
Quelques grappes de locaux se trouvaient attablés ici et là, se faisant passer le narguilé de mains en mains autour de la table, ou bien jouant aux cartes ou encore prenant le thé, un poignard planté dans le bois de la table.
- On aime pas trop les étrangers dans votre genre de part chez nous. Cracha le barman dans un latin à trancher au couteau.
Il arrêta de lustrer son bar, lança son chiffon sur son épaule et croisa les bras sur sa tunique. Ses cheveux était caché par un long tissu aussi blanc que sa tunique, maintenu par un bout de cuir lui serrant le haut du crane. Regard dur, cicatrices et bouc pointu, le bonhomme n'avait même pas besoin de se donner des airs de dur à cuir.

Rex ne s'en départit pas et d'un pas lourd s'approcha du bar. Il expliqua par une courte succession de mots simples à comprendre qu'ils étaient des traqueurs et voulaient partir à l'Est, à la recherche d'un groupe de leur semblables.
- Adressez vous au shérif. Formula seulement le barman en mastiquant sa chique.
- Chérif ? Marmona Rex, étonné.
Une chaise racla alors le sol et un homme se leva.
- Shérif, oui.
L'homme portait un élégant manteau long d'un noir usé par le soleil et les éléments. Posé contre sa table, tête à l'envers, se trouvait un long tube d'acier la garde recouverte de rubans en tissus et la tête équipée de deux lames de scie circulaire solidement harnachées sur le tube par des chaines.
Le sherif portait une longue barbe grise et un turban sur sa tête.
- D'autres traqueurs ont ils récemment traversés le Golf ?
Prenant une longue inspiration, le sherif posa ses mais sous ses aisselles, bras croisés.
Et ne répondit rien.
Son attitude s'en trouvait si hautaine et défiante que Svetlana faillit bien craquer et claquer un coup de chevrotine pour calmer tout ces salops avec leurs airs blasés
Le comédien sapé comme le roi soleil remarqua bien que la traqueuse avait resserrée la prise sur son arme et se permit d'intervenir, mais toujours avec ce ton détaché que tout les habitants de cette ville semblaient prendre :
- Hakim le passeur a débarqué vos copains il y a longtemps de cela. Ils sont tous partis pour la Mosquée des Vigiles.
Le shérif qui s'était tourné vers le comédien, se remit face aux traqueurs et avec mépris dit :
- Idiots fous. Le Saqar les emporte tous.
Rex en avait le bras qui tremblait tellement il lui fallut d'effort pour desserrer son poing. Mais il garda son calme et la tête froide :
- Nous partons à leur suite.
Commerçons. Nous avons besoin d'eau et de bête.

Le sherif souffla du nez alors que de l'autre coté du comptoir le barman cracha sa chique avec le bruit retentissant du cracha contre son saut à tabac.
Et tout deux eurent un grand sourire.

Le commerce, voilà un langage qu'ils comprenaient bien.
Les traqueurs purent quitter la ville avec un animal de trait, un semblant de buffle d'apparence malingre mais pourtant vigoureux, portant lui même sur son dos deux bidons d'eau et le stock de nourriture du groupe. Zeus avait pu dégoter pour lui même un remède contre ses maux de ventre en échange de son lance grenade et de tout ses explosifs.

En fin d'après midi, le village côtier disparu derrière une dune.
Et là, les traqueurs purent observer l'ampleur de la calamité qui s'était abattu sur cette terre.
Grise et morte. La terre, les arbres et les flaques d'eau.

La Libye n'était plus un désert.
Le désert lui même avait trouvé la mort ici.



* * *


Une journée passa.
Une deuxième.
Puis une troisième.

Toujours le même spectacle de désolation absolue. Les cadavres d'arbres se dressaient pourtant de ci et de là, sec, noueux et blancs. Les traqueurs gardaient en vue la Mer sur leur gauche. Mais la Méditerranée elle aussi s'était éteinte : pas une vague l'animait. Le littoral n'était qu'une longue bande de bourbier, pareil à de mortel sable mouvant.

Sur cette terre maudite il ne faisait ni chaud ni froid. Pourtant les traqueurs en venaient tous à regretter le désert du Maghreb. Car ici aucun vent ne semblait souffler. A tel point que l'on en venait à se sentir s’asphyxier lors de crises d'angoisses incontrôlables.
Le soleil lui même était invisible.
Et le silence... un silence à rendre réellement fou le pire des cinglés.

Pourtant ils continuaient de marcher. La Traque ne s’arrêta pas.

Roland observait la petite Carmen qui marchait résolument en tête aux cotés de Rex.
L'endurance absolument hors du commun d'une personne à l'apparence pourtant si fragile ne pouvait que motiver le reste des traqueurs. Svetlana se maudissait quand elle se sentait flancher, regardant ce petit bout de femme continuer à marcher là où elle souffrait de tant de difficultés.
Roland savait. Il savait pour Carmen et ses pouvoirs de guérisseuse. Elle pouvait soulager ses douleurs. Aussi fou que cela pouvait sembler, Carmen était dotée de ce pouvoir là, à l'action bien réelle.

Le traqueur se souvint des enseignements de son Chaman. Un petit inuit trapu. Le sage l'avait renseigné sur les capacités psionique.
A ce moment là Roland désira ardemment être l'un des leurs. Un psychonaute. D’être capable, uniquement par la pensée, de créer une vision analeptique. De remplacer le désert par une plaine ensoleillée et cette flaque d'eau par un lac cristallin en bas des Alpes. De sentir la fraîcheur revivifiante du vent de montagne.
Mais il se souvint alors. Son chaman lui avait dit qu'il s'agissait là d'un terrible pouvoir. Le plus terrible de tous. Créer des illusions, pour soi et pour les autres était sans aucunes mesures. D'ailleurs, tous ceux portant en eux de pareilles capacités psionique sombraient inéluctablement dans la folie lui avait il assuré...
Mais dieu, qu'il se serrait coupé un doigt pour s'imaginer être au Krak pendant ne serait ce que quelques précieuses secondes.

Derrière eux et fermant la marche se trouvait Cassius, toujours aussi muet. Et si Zeus n'avait encore fuit c'était certainement à cause de cette désagréable impression que l'ancien sergent allait le prendre en chasse pour lui couper la tête.
Du moins c'est ce que Zeus se répétait : "si je ne me barre pas c'est à cause de l'autre taré". En vérité Cassius ou non derrière lui le traqueur aurait quand même continué de marcher. Lui même ne saurait dire exactement pourquoi.

Au matin du quatrième jour tout changea. Les vapeurs brûlantes du Saqar se firent sentir.
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Thomas Dole
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Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]  Empty
MessageSujet: Re: Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]    Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]  I_icon_minitimeSam 14 Jan - 20:43

Une vision d'enfer accueillit les Traqueurs. Rex ne put s'empêcher de faire un signe de la croix en observant la ville dévastée, dégoulinante de lave. L'enfer, c'était le bon mot. C'était pas une exagération ou une figure de style. Les chevaliers avaient devant eux un enfer. À perte de vue, ils voyaient un cratère de ville, fait de maisons calcinées, de lave en fusion dont on entendait le bruit des braises et de bulles qui explosaient à la surface du liquide rouge. Même de là où ils se tenaient, c'était déjà étouffant, et irrespirable, en plus d'être un choc psychologique grave. Qu'est-ce qui était bien arrivé à cet endroit ? Personne ne savait qu'est-ce qu'il y avait dans le fond de la Libye. On aurait dit que c'était une déchirure dans la terre, et que les démons sortaient de la blessure infligée à l'environnement. Une épaisse fumée de cendre restait à l'horizon, recouvrant absolument tout.

Le vieux Rex attrapa les deux petites choses attachées à son cou. Un crucifix, confié par un ancien prêtre qu'il avait connu. Et une griffe d'orichalque. Il ferma ses yeux en serrant ses deux cadeau dans sa main, puis se retourna vers ses frères.

- Bien que Magnus Venator soit mort il y a longtemps, se sacrifiant au nom de l'Humanité, je peux le sentir à nos côtés aujourd'hui. Sa main est sur notre épaule.
Je ne peux pas m'empêcher de vous dire à quel point vous avez combattu avec bravoure et gloire. Et vous avez montré une loyauté bien au-delà votre simple appel en tant que traqueurs. Vous avez passé les dernières semaines à traverser les déserts et les marées, à lutter contre la faim, la soif, la maladie, et d'infâmes et dangereux monstres.
Et c'est pour cela que je suis honoré d'avoir pu vous appeler mes frères et sœurs.
Mais nous n'avons pas fini notre tâche. Nous approchons de la fin, mais il nous faut encore rejoindre la Mosquée des Vigiles et y sauver Bogdan.


Oui cette histoire de Vigiles... Alors comme ça ils n'étaient pas des pillards et des bandits, mais le remplacement des Traqueurs ? Et Bogdan les avait suivis ? De force ? Ou bien avait-il traversé tout le nord de l'Afrique simplement pour les voir ?
Il était temps de découvrir la vérité.

En tirant la bête, les traqueurs commencèrent à dévaler la grande pente qui leur ferait atteindre l'entrée de la ville. Tout le monde avait un sentiment lourd, dur, grave. Peut-être à cause du discours de Rex, qui n'avait pas été encourageant, mais plus fataliste que jamais. « Je suis honoré d'avoir pu ». Pourquoi il a conjugué le verge dans ce sens ? « Avoir pu » ? Même si personne ne fit de commentaire, il était clair dans l'esprit de tout le monde, que ce voyage allait être le dernier.

L'entrée était un pont. Un pont d'asphalt sur lequel se trouvaient des carcasses métalliques qui ne pouvaient pas avoir été des voitures ; C'était un mélange de choses. Un chaos complet. Comme si une force était passée par là, et avait décidé de tout mélanger. On voyait des... Des restes de... Non, c'était indescriptible. Des embouts rouillés, des objets qui avaient mutés et s'étaient formés entre eux. Sous le pont coulait la rivière de lave, alors qu'il ne semblait pas y avoir le moindre volcan. D'où sortait ce ruisseau en fusion ? À moins que ce ne soit pas de la lave.
Non. Non c'était pas de la lave. Il y avait une odeur tellement saisissante, puissante, qui empoisonnait l'air, tellement que les traqueurs durent se protéger le nez à l'aide de mouchoirs. C'était de l'essence. De l'essence en feu qui n'arrêtait pas de couler, sans arrêt. L'essence, oui. Le sang de la Terre, cette bonne vieille femme battue de Terre ; Imaginez avoir une coupure, une fracture ouverte qui ne veut pas cicatriser ? C'était ça que le sol stérile sentait. Et Roland, qui était d'une nature assez superstitieuse, ne put s'empêcher de voir là un corps. Tout le désert vide qu'ils avaient traversé, ce n'était qu'une peau anémiée, blanche, à cause de cette vive blessure qu'ils ne pourraient jamais soigner.

Ils entrèrent dans la ville. Et même s'il faisait une chaleur étouffante, ils ne purent pas s'empêcher de sentir un frisson. Devant eux, les stigmates de la cité semblaient encore totalement vifs. Au-dessus d'eux, de la fumée. Autour d'eux, un paysage de destruction, avec des immeubles qui s'étaient retournés sur le côté, comme si un géant les avaient soufflés. Et des traces, sur les murs, d'ombres, de cadavres pulvérisés contre la brique et depuis longtemps revenus à la terre. Oui, la terre. Carmen tombait son regard dessus et pouvait parfaitement le voir. La terre se nourrissait uniquement de ça. Elle prenait des cadavres et du sang, et recrachait du pétrole et des flammes.
Ils étaient arrivés aux portes de l'enfer.

Personne n'osait rien dire. Même Rex, le chef, n'osait pas donner des indications sur la manière de marcher. Zeus n'osa même pas plaisanter. Pas aucun commentaire. Pas aucune parole. Tous les traqueurs avaient les yeux écarquillés, les corps prostrés, la démarche lente. Ironiquement, leur animal devait être le plus calme. Le buffle marchait droit, et avec conviction, sans paraître paniqué pour le moins du monde.

Soudain, il y eut un bruit, alors qu'ils traversaient un vieux boulevard entouré de pierre pillée. Un long bruit strident et répétitif, le cri d'une sirène d'alarme. C'était saisissant. Réel. Et pourtant... Inimaginable.

- Vous...
Vous entendez ça vous aussi ?
Chuchota Zeus.
- Oui.
- Oui moi aussi je l'entend !

- Calmez-vous. Taisez-vous.

Ils continuaient de marcher. Et ils entendaient toujours la sirène.
Le problème c'est que... La sirène ne pouvait pas exister. C'était impossible. Parce que le bruit venait effectivement d'une sorte de porte-voix en hauteur... Qui n'existait pas. C'était irréel. Tout le monde se rendait compte de ce qui se passait, mais personne n'osait le formuler à voix haute.
Ils pouvaient tous imaginer une barre métallique sur laquelle une sirène se mettait à rugir. Mais cette sirène n'existait plus. Atomisée.

Et alors qu'ils avancèrent plus loin dans la ville, ils entendirent des cris. Des cris humains. Des enfants qui pleuraient. Des insultes dans une langue inconnue. Des klaxons de voitures. Des pas qui courraient vers une bouche de métro. Et pourtant, aucun d'entre eux ne voyait le moindre humain.
Aucun.

Sauf Carmen.

Elle se tenait au milieu du convoi, et avait les yeux fermés. Elle pouvait tout voir. Elle pouvait voir la ville avant... Avant. Dans le monde d'avant. Elle pouvait voir les buildings haut dans le ciel. Elle pouvait voir les gens crier. Elle pouvait voir le ciel bleu et le soleil. Elle pouvait voir les gens paniquer, des hommes en uniforme siffler et bouger. Un jeune gars moustachu qui était jeté sur le trottoir et piétiné par des passants. Elle pouvait tout voir, alors que ses frères ne faisaient qu'entendre. Un long, long filet de sang lui coula des yeux. Et lorsqu'elle les rouvrit, elle ne vit pas le monde des traqueurs. Elle ne vit que le monde d'avant.

- Carmen ?

Rex se retourna vers elle. La jeune fille avait les yeux entièrement blancs. Ses rétines étaient disparues. Envolées. Et pourtant elle s'avançait normalement, nullement gênée par sa soudaine cécité.

- Carmen ?!
- Je vais bien Rex.

Sa voix avait été calme. Éthérée. Comme si Carmen était baignée dans une béatitude déconcertante. Un petit sourire s'afficha dans son visage, alors qu'elle leva son bras pour tendre la main à travers ce qu'elle voyait comme un parc.

- Par là, il y a un raccourcis.

Tout ce que les traqueurs voyaient, c'était un morceau de ruine, avec un muret métallique qui barrait la voie entre deux amas de pierre.

Cassius sorti lentement l'épée de son fourreau.

- On peut pas passer par là, Carmen.

- Il faut... Il faut contourner alors.
- Oui. Oui on va contourner.

Ils continuèrent de marcher sur la route. Dans son ciel à elle, Carmen ne put s'empêcher de voir une étoile filante dans le ciel. En la voyant, les gens qui courraient devinrent silencieux. Certains se jetèrent à genoux et à quatre pattes. Une mère serra son enfant dans les bras.
L'étoile filante commença à s'écraser vers la ville. Et lorsqu'elle fut dans le ciel, au-dessus des buildings, elle explosa ; Et un tsunami de flammes et de débris tombèrent sur les habitants, qui étaient pulvérisés quasi-immédiatement.

Ils continuèrent de marcher sur la route. Encore et encore, au milieu des débris, leurs pieds s'écrasant sur des morceaux de métal ou de verre. Ils entendaient encore les cris de peur, et des tirs d'armes à feu, et des bruits de bottes qui marchaient comme lors d'un défilé militaire. Ils entendaient des hurlements et des pleurs et des trompettes d'enterrement. Ils entendaient des souffles, et des applaudissements, et une voix dans un micro qui hurlait dans une langue étrangère. Ils entendirent des prières venant d'un minaret, des aboiements de chiens et des sirènes de police. Tout un tas de sensations sonores qui polluaient leurs tympans, jusqu'à les faire serrer les dents, jusqu'à leur donner envie de les arracher. Ils commençaient à devenir fous. Et Carmen pouvait le sentir.
Elle se mit à fermer ses paupières au-dessus de ses yeux blancs ensanglantés, comme la robe d'une vierge mariée. Et elle se mit à utiliser toute la force mentale dont elle était capable, pour éloigner ces bruits. Ces cris.

- Il faut se cacher.

Elle dit ça, soudainement, et sans explications, alors qu'elle quitta la route pour descendre vers une pente.

- Carmen, qu'est-ce que tu racontes ?

- Ils arrivent. Il faut se cacher. Rex, il faut se cacher. Il faut se cacher. Il faut se cacher.
- Calme-toi bordel !

Elle lui foutait les jetons. Le traqueur l'avait attrapé par le bras, si fort qu'il le lui avait presque déboîté. Elle poussa un petit cri, et rouvrit ses yeux. Et ses rétines étaient revenues, comme à la normale. Sa bouche grande ouverte. Le sang continuait de couler malgré tout.

- Rex, je... J'ai mal ! J'ai mal !

Elle ferma ses paupières et appuya ses doigts sur les yeux. Elle avait mal. Atrocement mal. Et maintenant elle se retrouvait à genoux en train de pleurer. Sous les yeux ébahis des traqueurs, qui se sentirent soudain atrocement mal à l'aise, leurs tripes se serrant.

Elle revivait les cauchemars qu'elle avait éprouvé ces dernières semaines. Tous. Elle les revivait. Mais pas avec la même sensation. Pas avec la même peur et la même atrocité. Elle ne s'urina pas sur elle-même. Elle ne se mit pas à hurler ou à étouffer. Non. Non, elle les revit, comme on reverrait un film à la télévision, avec la télécommande pour arrêter, rembobiner, revoir certains passages. Comme si elle pouvait... Prendre le temps de les analyser. Et de les comprendre.
Et de se rendre compte de ce qu'ils voulaient dire.

Des prémonitions. Mes talents psioniques me donnent des précognitions des événements à venir. Un cri. Et un serment obscur... Un navire dans le ciel. Et une relique du passé de l'Ordre. Je... Je sens tous mes muscles se froisser, alors que je vois l'arrivée d'un cataclysme tel que l'Humanité n'a jamais connu, prêt à nous anéantir.
L'Ombre de la Mort descend sur nous.
L'Homo Novus.


Les traqueurs se cachèrent sous un pont, terrifiés par le présage de Carmen. Zeus l'avait portée sur ses épaules, alors qu'elle était tombée dans un coma subit. Au-dessus d'eux, ils entendirent quelque chose. Des bruits de pas. Et des chenilles d'un char d'assaut. Comment c'était possible ? Le pont tremblait au-dessus d'eux, projetant quelques morceaux de brique. Quand il y eut enfin le silence, ils repartirent au-dessus, leurs pieds couverts d'essence, et ils repartirent s'enfoncer dans la ville.

***

Quels genres de démons se cachaient ici ?

Si c'est un enfer, alors il doit forcément y avoir des démons. C'est logique.

Les traqueurs continuèrent d'entendre des cris, mais sans voir personne. Et les renseignements qu'ils s'échangèrent étaient laconiques, terrifiés. Ils tremblaient tous dans leurs uniformes, et les trois chevaliers avaient sortis leurs épées.

Spoiler:

Sur les toits, d'étranges amas de chair, des humanoïdes se déplaçant à quatre pattes, commençaient à les observer sur les toits. Les canons des traqueurs se dirigèrent vers eux, et instinctivement, ils tirèrent. Les bêtes firent demi-tour, et s’ennuyèrent en toute hâte, en poussant une sorte de hurlement aigu.

- Cessez le feu ! Contrôlez vos munitions !

Ils obéirent au vieux Rex. Tous étaient devenus subitement nerveux. Carmen continuait de saigner les yeux, et de marcher dans une sorte de transe impossible à comprendre.

Lorsqu'ils continuèrent d'avancer dans la ville, ils virent devant eux une sorte de grand escalier qui menait à un bâtiment calciné, duquel coulait de l'essence en feu, comme s'il s'agissait d'un réservoir. Et sur les marches se tenaient des monstres difformes.

Spoiler:

Les monstres semblaient être des mélanges d'humains, qui se seraient rassemblées entre eux. Ils foncèrent sur les Traqueurs, qui levèrent leurs armes et se mirent à tirer, plus par un réflexe, terrifiés, que par un véritable ordre organisé.

Ils fonçaient en hurlant, les langues des têtes des mères tombant jusqu'à leurs jambes, où se tenaient des bébés aux yeux globuleux et rouges. Les balles traversèrent les corps, les firent saigner, mais les monstres continuèrent d'avancer. Zeus poussa un hurlement de rage, alors qu'il laissait le doigt appuyé sur la détente de son fusil, et qu'il hurlait comme un fou.

- AAAAH ! CASSEZ-VOUS BANDE DE SALOPES !

Rex lui tira par la manche et le força à s'enfuir.
Le buffle n'eut pas autant de chance. La bête se mit à hurler tandis que les... Bêtes immondes se jetèrent sur l'animal pour commencer à se nourrir, les têtes des mères se battant pour entre-déchirer les meilleurs morceaux.

Débarrassés de l'animal, les traqueurs arrêtèrent de marcher, pour se retrouver à courir comme des fous au milieu des ruines. Ils se sentaient poursuivis. Les spectres des anciens habitants de la ville montaient sur les toits et les observaient. Et ils entendaient des hurlements, comme ceux de loups guettant leurs proies, et s'organisant pour les poursuivre et les encercler. Les traqueurs devenaient traqués.

Ils fuirent, au milieu des débris. Au milieu des flammes. Au milieu des cris et des hurlements. Poursuivis par un nombre indéterminé de monstres immondes qui les donnaient envie de vomir, qui les terrifiaient d'un frisson qui traversait leur échine. Et ils étaient épiés, partout.

Notre Père, qui es aux cieux, que Ton nom soit sanctifié, que Ton règne vienne, que Ta volonté soit faite, sur la Terre comme au Ciel.

Une explosion les arrêta net. Une explosion de devant eux, qui souleva le sol et les projeta violemment en arrière, contre l'asphalt. Tous étaient sonnés. Tout autour d'eux, la poussière commençait à former un voile qui les firent tousser. Et Rex, qui se retrouvait au ventre, se soulevait lentement, le nez dégoulinant de sang. En fronçant les sourcils, il put apercevoir ce qui ressemblait à...
À une machine de guerre. Mais organique. Comme. Comme une sorte de char d'assaut, mais dont l'ossature serait couverte de... De pieuvres. De pieuvres dégoulinantes d'un liquide noir comme de l'encre. Le véhicule était un mélange immonde d'acier, de métal, et de chair tout à la fois. Comme si l'équipage de cet antique char avaient mutés pour ne faire qu'un avec le véhicule.

- Dégagez ! Dégagez de la route !!

Rex se souleva et attrapa le premier traqueur qu'il vit ; C'était Roland. Il le souleva et fonça avec lui pour se coucher derrière un rempart.
Le groupe était séparé. Complètement perdu. Dans la rue, quelques-uns des monstres foncèrent, et on entendait des détonations un peu partout.

Rex continuait de tenir Roland, qui revint lentement à lui, et sorti son arme pour couvrir le chevalier. Le char continua de cracher des obus qui anéantissaient les derniers murs et les dernières arches encore debout, forçant les deux hommes à ramper au sol et à se couvrir la tête pour éviter de recevoir un débris tranchant qui irait leur percuter le crâne.

Ils se collèrent à un muret, cachés dans un ancien bâtiment. Dans la rue des gens courraient, sans pour autant voir les deux traqueurs qui étaient cachés. Des bruits de bottes et de pas. Les monstres à quatre pattes courraient en hurlant, suivis des mères et des enfants, et mêmes des... Des sortes de muscles, oui, des corps humains sans peau, uniquement les muscles à la lumière, et qui portaient des uniformes de soldats et des armes à feu rouillées et couvertes de poussière blanche.

Qu'est-ce que c'était que ces choses ?! Rex et Roland étaient terrifiés de voir ça. On aurait dit que tous les anciens habitants de cette ville n'étaient pas morts, mais avaient fait l'objet de tortures infâmes avant de se transformer en ça. Ou alors ce n'étaient que les cauchemars des traqueurs qui étaient projetés. Dans tous les cas, on entendait des cris et des hurlements au loin. Des détonations répétées. Les autres devaient être en train de tenir, cachés, face à la horde.

- Rex, qu'est-ce qu'on fait ?!
- Il faut détruire le char, c'est la priorité. On va utiliser des explosifs, et-
- L'orichalque.

Rex attrapa le collier qui pendait à son cou.

- L'orichalque peut les vaincre Rex.
- C'est qu'une croyance...
- Après tout ce qu'on a vécu, t'en es encore au stade de croire que tout n'est qu'une superstition ?! Va te faire enculer Rex ! T'entends ?! Va te faire foutre !

Le vieux traqueur serra la griffe dans la paume de sa main. Puis lança un regard déterminé à son frère.

- Allons-y.

Ils traversèrent la rue, pendant que de l'autre côté, à un demi-kilomètre, les traqueurs s'étaient réfugiés dans le grand hall d'un bâtiment public, mais dont le mur a été en grande partie soufflé. À cause de ça, certains des monstres à quatre pattes se jetèrent sur le toit, et commencèrent à se laisser tomber sur le parquet, une grosse chute qui les heurta à peine, avant de se jeter vers les traqueurs tels des chiens enragés.

L'un d'eux sauta sur Cassius, et ouvrit grand sa gueule pleine de dents. Le sergent brailla, avant de sortir un poignard avec lequel il ouvrit le ventre du monstre, et le poussa de l'autre côté. Il se leva, et tira avec son flingue en direction des escaliers, où l'un des soldats sans peau se préparait à lui tirer dessus à l'aide d'un fusil qui refusait de  détoner.

- Carmen ! Carmen t'es avec nous ou pas putain ?!!

Zeus avait jeté Carmen contre une sorte de bureau de réception. Mais maintenant, il la força à se réveiller à coup de claques. Celle-ci ouvrit ses yeux, sans rétine, vers le traqueur.
Il plaça entre ses doigts un fusil à pompe, avant de s'éloigner prendre une position.

- Tire sur ceux que tu entends ! Tu m'écoutes ?! Tire quand t'entends un cri d'animal !

Elle attrapa le fusil entre ses mains et visa. Mais si elle paraissait aveugle auprès des traqueurs, c'est juste qu'elle voyait... D'une autre façon.

Elle était incapable de distinguer les formes et l'environnement. C'est comme si son cerveau avait décidé de « filtrer » tout ça. Pour ne lui permettre que d'observer les âmes, ce qui sortait une force psionique. Ainsi, tout autour d'elle était noir, si ce n'est pour de grosses boules blanches qui se déplaçaient, ce que les traqueurs voyaient comme des monstres. Elle cala le fusil contre son épaule, et se mit à tirer quand l'une des boules fonça sur elle. La chevrotine pulvérisa ainsi le corps d'une des bêtes qui valsa en arrière.

Svetlana dégoupilla une grenade, et la jeta sur l'une des mères. Un geyser de sang vola alors. Et ainsi, comme s'ils étaient dans un roman héroïque, les traqueurs tiraient dans tous les sens, la peur au ventre, rendus sourds par les détonations de leurs armes qui couvraient à présent les cris de leurs tympans.

Mais devant eux, le char d'assaut couvert de muscles et de tentacules roulait, et tourna sa tourelle vers la banque. Il tira un de ses obus, qui fit voler un morceau du bâtiment. Svetlana vit l'un des militaires morts-vivants lui attraper le bras. Elle le tua d'un coup de couteau. Elle senti des dents lui arracher la cheville, ce qui lui arracha un hurlement. Il senti une autre main se poser sur son bras. Soudain, le brave chevalier ne se mit qu'à hurler de terreur, avant de mettre la main à l'intérieur de sa veste, et de hurler un mot, un simple mot.

- RECULEZ !

Un entendit un cliquetis métallique.
Svetlana explosa. Zeus et Cassius s'étaient tous deux tournés pour voir le spectacle morbide.
L'écuyer rugit comme un lion.

- NOOOOOOOON !

Dehors, l'explosion avait alerté Rex et Roland. Ils craignaient le pire, mais continuaient d'avancer à travers les immeubles, vers le char. Il était entouré d'un peloton des militaires morts-vivants. Ceux-ci s'échangèrent des ordres par des signes et des cris gutturaux. Ils tiraient en direction de la banque. Ils appuyaient sur la détente, mais la plupart des fusils refusèrent de tirer, sans que cela ait l'air de déranger les soldats. Ils étaient coincés dans ce qu'ils avaient appris dans leur ancienne vie, sans probablement se rendre compte d'à quel point leurs fusils étaient défectueux.

Rex s'approcha du char, et sorti la griffe. Il ne savait pas quoi faire avec. Hasardeux, il se décida de planter la pointe dans l'une des pieuvres du char.
La tentacule explosa et un liquide noirâtre se répandit partout. Le véhicule... Hurla. Oui, un hurlement camouflé, long, qui faisait un écho dans la tourelle. Les soldats devant se retournèrent et foncèrent sur les deux traqueurs. Ils ne pouvaient pas tirer ; Mais ils foncèrent avec leurs baïonnettes rouillées.
Rex sorti son épée, avant de jeter la griffe vers Roland.

- Je vais les éloigner !

Le nordique se saisit de la griffe. Un instant, il sentit un profond sentiment de fierté l'envahir, alors qu'il gardait la pointe entre ses mains, tremblant. Mais les soldats monstres foncèrent sur lui, aussi, il se dépêcha à se mettre au travail. Roland, chevauchant le tank, il commença à piquer une par une chacune des veines humanoïdes du char, qui avait cessé de tirer sur la banque.
Rex décapita l'un des soldats. Puis planta un autre. En repoussa un avec sa botte, avant de larder celui qui s'approchait. Il luttait. Il luttait seul contre douze. Et même lorsqu'il senti une baïonnette lui planter la rotule, il continua de donner des coups de taille. Le vieux Rex était enragé, saisit d'une rage guerrière incontrôlable. Dans un sentiment de fureur fanatique, il entendait des chants latins lui envahir les oreilles.

- ROLAND ! Replie-toi vers les autres, je te rejoins !

Roland ne voyait pas Rex mais il obéit. Il sauta du char, l'orichalque en main, et se mit à fuir à travers la rue, persuadé que le chevalier le suivait. Comment ne pouvait-il pas le suivre ? C'était Rex. Le mec qui avait survécu à une trentaine de campagnes. Il courut. Il courut comme il n'avait jamais courut. Avant de se retourner.
Il voyait les soldats en train de larder Rex de coups de baïonnette. Sa bouche était dégoulinante de sang. Mais il trouva la force de soulever son briquet, et de l'allumer.

- Pax. Venator.

Le sang des pieuvres n'était pas de l'encre, mais de l'essence. Sitôt le briquet de Rex tombant à terre, les soldats morts-vivants se mirent à s'enflammer. Rex hurla lui aussi, alors qu'il sentait les flammes se mettre à roussir et noircir sa peau. Et le char s'enflamma de l'intérieur, avant d'exploser dans une colonne de feu géante, ses morceaux de métal projetés dans tous les sens, découpant net tous ceux qui se trouvaient sur son passage.

Roland resta couché sur le sol. Il attendit que l'explosion cesse. Quand il se releva, il avait le visage couvert d'une suie noire, et le manteau rempli de poussière. Il s'approcha de la carcasse du char, qui était en train de s'évaporer avec le feu. Il ne restait plus rien de Rex. Plus rien. Il s'était désintégré.
Au sol, seule son épée survivait encore. Une épée dont la lame en acier était brûlante, mais la garde froide comme de la glace. Le jeune homme s'en saisit, et retourna vers la banque. Sur son chemin, les monstres s'éloignaient, comme terrifiés, avant de s'échapper à nouveau au fond des ruines.

***

Il ne restait rien. Rien pour enterrer Svetlana ou Rex. Rien. Ils avaient tout donné à l'ordre. Leurs âmes, et leurs corps. Zeus avait les yeux injectés de larmes. Il ne pouvait pas s'empêcher de pleurer. Cassius semblait terrifié, la face livide. Et Carmen. Carmen, en sentant Roland revenir, l'épée enflammée, elle se mit à chialer elle aussi.

- Allez... Allez les gars, faut y aller.
Les gars, je vous en supplie, j'ai besoin de vous...

- On y va. Carmen, Zeus, venez. Venez !

Ils fuirent. Ils fuirent tous les quatre. Ils traversèrent le pont de la sortie de la ville. Ils quittèrent la lave, pour repartir au milieu du désert gris. Sans nourriture. Sans eau. Dégoulinants de sang. Et avec le souvenir et la peur encore ancrés dans leur esprit.
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MessageSujet: Re: Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]    Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]  I_icon_minitimeMer 18 Jan - 21:03

Carmen hurla pour tenter de rameuter les survivants, bientôt suivit par Cassius qui cria lui aussi. Il fallait dégager de cet incompréhensible enfer tant qu'ils le pouvaient : la destruction du char tentaculaire venait de créer une ouverture, les abominations semblaient prendre la fuite, il leur fallait désormais s'engager dans le pont pour s'échapper de cette ville damnée.

Des flammes voraces, presque animales, venait fouetter les traqueurs de chaque coté du pont alors qu'ils venaient juste de s'engager sur celui ci. Le béton bouillait par endroit et leurs pieds chauffaient douloureusement sur ce brasier monstrueux. Cassius dégagea la voie, donnant des moulinets à droite puis à gauche, tranchant monstres et abominations qui grimpaient le long des rambardes défoncées. Le sergent hurlait comme un dément alors que la chaleur et l'épuisement lui brouillait totalement la vue et il s'en fallut de peu qu'il ne tranche les membres de ses propres alliés.
Une bourrasque brûlante les propulsèrent alors à terre pendant qu'au loin s'élevait une horde de zombies calcinés.
Zeus tâtonna à peine le sol pour retrouver son arme, mais le bitume brûlant lui fit bien vite abandonner sa recherche. Le traqueur se releva difficilement, tout endolorit, aveuglé par un vent saturé de cendres et de poussières. Il tituba, paniqué, ne discernant plus la moindre silhouette familière. Devant lui ne se trouvait qu'un mur de feu et sur sa droite : la horde monstrueuse. Zeus hurla toute sa rage, sa peur et son reste d'humanité et, bravant les cris de son instinct de survie, s’élança à travers le mur de flammes...


Les hurlements de Zeus s'enfouirent dans le sable alors que celui ci s'écrasa face contre terre.
Le silence subit faillit le rendre fou. Mais la vive chaleur lui mordant le dos le fit réagir au quart de tour et il se releva immédiatement pour dégager son manteau dévoré par de petites flammèches.
Là, essoufflé et dégoulinant de sueur, il vacilla au hasard sur quelques mètres, s'écroula sur ses genoux et donna un regard mou aux alentours.
Ils étaient tous là. Et comme lui, tout les traqueurs semblaient tout juste de débarquer. Cassius zigzaguait dans le sable, d'une main il semblait tâtonner l'air comme un aveugle et de l'autre donnait de mollasson coup d'épée eux aussi dans le vent, comme s'il était resté encore bloqué au pont entouré d’innombrable ennemis. Rapidement son arme lui tomba des mains, terrassé d'épuisement qu'il était.
Zeus discerna après Rolland non loin marchant à petit pas, comme halluciné. De son poing serré il tenait, sortant de ses doigts verrouillés, la Griffe de Strabo. Et de l'autre main il portait l'épée de Rex.
- Rex... Souffla Zeus d'une voix éraillée.
Il réalisa alors. Parfaitement.
Serrant la mâchoire il souffla, plus fort :  Rex !
Et il se leva alors, porté d'une énergie nouvelle, orageuse et tonna en direction du ciel gris :
- REEEEEEX !
Roland se tourna vers lui abasourdit. Le traqueur se sentait vide et pourtant il éprouva un certain réconfort a avoir Zeus encore à ses coté.
A leurs cotés.

Roland s'approcha alors de Carmen, restée silencieuse, agenouillée dans le sable, la tête basse.
- ...
Ne trouvant pas de mots, il planta l'épée dans le sable gris et poisseux et alla simplement s'asseoir à ses cotés. Le traqueur regarda longuement la Griffe d'orichalque qu'il tenait dans le creux de sa main. La pierre brillait comme jamais auparavant, comme si tuer ces monstres lui avait donné un tout nouvel éclat.
Zeus alla bientôt les rejoindre, traînant derrière lui et par la main leur sergent encore sonné.
- Ça va ? Carmen... Ça va ?
Carmen ?

La traqueuse releva enfin son menton, découvrant un visage barré par une trace de suie d'un noir de mazoute et un cou détrempé par la sueur et la crasse. Son regard se trouvait si dur qu'il vous frappait plus qu'il ne vous regardait. Et Carmen se leva, s'aidant de l'épaule de Roland resté assis. Son arme claqua entre ses mains alors qu'elle venait de vérifier le nombre de balle restante dans le chargeur de son flingue.
- Tant qu'il restera des traqueurs debout, la traque continuera.
Elle rangea son pistolet dans son holster et avança plus en avant dans le désert, seule.

Les autres traqueurs restèrent plantés là un bon moment, encore secoués, observant la silhouette se détacher dans ce désert mort. Toujours le même ciel gris, aussi gris que le sable poussiéreux qui s'étalait à l'infini tout autour d'eux. Et toujours ce silence surnaturel.
Et elle avançait, seule, bien décidée à bouffer autant de terre morte qu'il le faudra pour atteindre leur objectif.
Alors ils ne tardèrent plus à suivre ses pas. C'était le seul choix possible. Se laisser aller c'était périr. Le moment était venue de se montrer digne de l'Ordre en poursuivant leur but qui se trouvait bien au delà de l'Enfer.



* * *



Le groupe décida de s’arrêter arbitrairement après des heures d'une interminable lutte contre la soif et la fatigue. Il était évident désormais que la nuit ne tombait jamais en ces lieux maudits.
Carmen avait réussie à apaiser les douleurs du groupe, et étancher leur soif. Mais que par leurre. Son pouvoir s'était trouvé bien utile mais la réalité des besoins du corps ne pourra pas tenir éternellement grâce aux illusions de soif étanché qu'elle leur servait. Leur métabolisme surchauffait, Carmen le ressentait douloureusement dans son esprit.
Mais comment dormir ? Ici où il ne faisait jamais nuit ? Ici où le silence rendait fou ?
Ils ne réussir même pas à se reposer. Seul Carmen parvint a à peine somnoler quelques minutes qui prirent rapidement fin alors que Cassius fut prit d'une crise d'angoisse nocturne.
Après avoir calmé le sergent, et après discutions : décision fut prise de reprendre la marche. Car l'effort de la marche effaçait la pensée les souvenirs et les questions. Rester assis amenait immanquablement à se demander comment et pourquoi ils en étaient arrivés là. Chacun d'entre eux. Est ce que ça en valait réellement la peine ? Est ce que ça en valait chaque souffrance, chaque sacrifice, chaque mort ?
Mais surtout à rester assis là dans le sable tiède, le regard hagard, faisait revenir par flash les images de l'Enfer. Les abominations. Les monstres de chaire agglutinés, regroupant mères et nourrissons en un conglomérat pathétique et effroyable de peau et de sang. Le feu et les cris. Les cendres et les ruines.
Tout revenait sans cesse, torturant l'esprit des traqueurs. Alors oui, il leur fallait continuer et qu'importe l'impossibilité de marquer la moindre pause.

En plus de la faim de la soif et des multiples douleurs du corps il semblait que les traqueurs devaient à présent aussi lutter contre le manque de sommeil.

Là encore le groupe sans le savoir ne tint que grâce aux interventions psionique de Carmen. Elle pansait leurs innombrable plaies en calmant leurs esprits. La traqueuse usa de toute ses forces, de toutes ses réserves insoupçonnées pour soulager ses compagnons. Au péril de sa propre santé. Carmen ne ressentit bientôt plus rien, elle n'était plus qu'un esprit relié à ceux des autres. Ce n'était plus elle qui les gardait en vie mais eux.

Mais soudain un choc la sortie de sa profonde torpeur. Carmen venait de ressentir une "trace".
Papillonnant des yeux, elle chancela dans le désert avant de s’effondrer sur ses genoux pour entreprendre de creuser le sable.
Elle déterra un piquet de bois sec. Puis une toile de tente. Rejoins par les autres traqueurs qui entreprirent à leurs tours d'excaver la terre, ils mirent rapidement à jour un maigre campement.
Des éclats de jarres en terre cuites. Des gamelles métalliques poussiéreuses. Des toiles si usées qu'un contact avec le doigt les effritait.
Un récipient métallique.
Avec de l'eau.

Cassius eut un feulement enthousiaste en déterrant l'objet. Roland qui avait la gorge si sèche qu'il ne pouvait parler sous peine de saigner de la gorge se permit pourtant un sourire.
L'eau puait affreusement, mais en allumant un feu avec les bois mort pour la faire bouillir ainsi que l'ajout des deux dernières pilules purificatrices de la plaquette de Cassius permirent de rendre la bouillie plus digeste. Roland se permit d'y ajouter une poignet d'herbes sèches qui lui restait et ainsi ils purent tous s'abreuver de l'infusion providentielle. Zeus sanglota de bonheur en ingurgitant sa portion.
Quand tout le monde eut fini d'épancher sa soif il ne resta guère moins d'un litre dans le récipient. Mais Carmen s'en félicita car voilà qui leur permettait de tenir au moins un jour de plus.
Ne prenant pas le temps de souffler, ni pour elle ni pour les autres, Carmen se releva. Ses muscles brûlait affreusement contre sa peau, ses articulation grincèrent sourdement alors que son ventre bouillonnait d'acidité. Il fallait continuer. Serrer les dents et continuer. Garder sa rage et continuer.

Et les heures s’enchaînèrent à nouveau dans ce paysage halluciné. Il n'y avait que ce bouillonnement de fureur, ce déchaînement de rage fiévreuse qui permettait à la traqueuse de poursuivre sa marche sans faillir.
Mais l'emprise de la douceâtre fatigue revint bientôt. Par flash elle revit le visage barbu et grave de son amant. Rex, seigneur dieu, rex. Elle retint au dernier moment la montée d'émotion qu'elle étouffa dans un vomissement de rage vengeresse. Tiens bon. Tiens bon. Ne pense pas à lui. Ne pleure pas. Tiens bon. Ne pense pas. Tiens. Penses pas.
Le ciel a pleuré pour toi.
Carmen s’arrêta alors et leva doucement une main pour réceptionner une goûte d'eau au creux de sa main. Étrangement elle ne ressentit rien. Pourtant tout autour s'abattait une fine pluie sur le désert mort.
- Je suis fou.
Cassius étouffa un sanglot en observant ses deux mains levé devant lui.
- Non... moi aussi. Souffla Roland avec une pointe d’inquiétude.
Aucuns d'entre eux ne ressentait le contact des goûtes sur leurs peau, ni même sur leurs vêtement qui se trouvait eux toujours aussi sec. Carmen se concentra alors, gardant la paume de sa main tournée vers le ciel uniformément gris, attendant qu'une goutte entre en contact.
Ce qui arriva. La goutte d'eau tomba avec une lenteur surnaturelle et traversa la main de la traqueuse comme si elle ne possédait aucune consistance.
- Est-ce...
On est morts ?

Carmen faillit cracher une bile acide. Gardant son sang froid et sa hargne elle se détourna et reprit l'interminable marche :
- Cette pluie n'existe pas.
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MessageSujet: Re: Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]    Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]  I_icon_minitimeJeu 19 Jan - 16:50

L'espoir est le premier pas sur le chemin de la déception.
Voilà ce que Rex les avaient enseignés. Parce qu'après tout, c'était la seule chose qui restait de lui ; Son enseignement.

L'espoir est un poison. Un qui rend délirant. Parce qu'au fond, espérer, ça rend fou. L'échec rend fou. Sacrifier quelque chose pour au final n'avoir rien en retour, ça détruit l'âme.

L'espoir d'aimer une fille, simplement pour qu'elle refuse de sortir avec vous. C'est tout con, hein ?
L'espoir de pouvoir rendre quelqu'un heureux, simplement pour qu'il se suicide. Tragique.
L'espoir de pouvoir boire. Simplement pour ne sentir que l'étranglement de la soif.

Et pourtant, on est rien sans espoir. C'est ça qui continue de faire marcher les quatre petites âmes à travers ce désert. Sans espoir, ils ne sont plus bons qu'à s'écraser par terre et mourir.

Et qu'ils gardent l'espoir, nos traqueurs ; Parce que ce sont eux qui donnent espoir au monde.

L'espoir rend fou. Et au bout d'un moment, l'espoir a tellement déçu, qu'on ne veut plus espérer. Si bien que lorsque les traqueurs virent devant eux une sorte de bâtiment dans la lumière, aucun ne se réjouit. C'était un mirage. Forcément un mirage. Ce ne pouvait pas être autre chose qu'une illusion de l'esprit qui souhaite les torturer.

Et même lorsque, après une heure de marche, ils pouvaient très clairement voir se dessiner le sommet d'un moulin et le toit d'une grange, personne ne réagit.
Et lorsqu'ils virent, dans un enclos, quelques bovidés en train de gentiment manger de l'herbe fraîche, verte comme tout, aucun ne fut vraiment choqué. Pas plus lorsqu'ils sentaient une odeur de pain chaud qui chatouillait les narines, et la sensation d'un vent frais qui leur fis trembler la peau dans une chair de poule insoutenable.

Ce ne fut que lorsqu'ils s'arrêtèrent devant un puits qu'ils commencèrent à devenir suspects. Ils te tinrent là, tout droits, impassibles, en voyant le petit trou entouré de briques. Ils ne savaient pas trop quoi faire.
C'est Cassius qui, devant l'inaction de ses frères, décida soudainement de s'avancer et de laisser tomber le seau. Il entendit un « plouf ». Il commença à tirer sur la corde, et trembla un peu. Il était tellement faible qu'il n'arrivait plus ; Zeus et Roland durent l'aider, à trois, pour tenter de ramener le seau, tandis que Carmen tendis sa main pour l'attraper.
Lorsqu'elle remit le récipient de fer sur le bord, on pouvait clairement voir qu'il était dégoulinant d'un liquide translucide. Elle passa sa main. Elle mit sa langue dedans, tel un chat.

À quatre, ils vidèrent entièrement le seau débordant d'une eau fraîche et propre. Un buffle dans son enclos les observait bizarrement, comme si ces Traqueurs étaient des gens étranges et inhabituels.

Après avoir rempli leurs gorges qui leur faisaient toujours mal, Cassius se mit à sortir quelques mots, extrêmement graves, sa voix sortant difficilement de sa bouche.

- Il... Y a peut-être des gens ici.

Et ils se mirent à patrouiller. Histoire de pas tomber dans une embuscade.

Ils visitèrent le petit moulin. Ils trouvèrent de la farine de sarrasin et d'orge, avec quelques sacs contenant des céréales brutes. Mais aucune trace de personne.
Ils s'approchèrent du fournil, et virent des galettes et du pain frais, qu'ils ne purent s'empêcher de manger.
Ils visitèrent la serre, dans laquelle poussait des dattes, des abricots, et des melons ronds comme des seins, qu'ils ne purent s'empêcher d'ouvrir et de béqueter.
Et du lait de buffle. Un gros récipient en fer débordant de lait de buffle.
C'était le paradis.

Ils rentèrent à l'intérieur. Dans une petite pièce, il y avait une grande table, avec plein d'assiettes, et des verres débordant d'eau ou de jus de fruits. Et il y avait des traces, des gens qui avaient mangé, saucé du pain, qui s'étaient resservis. Au milieu, une sorte de potage, et du poulet rôti, le tout encore chaud, la fumée en sortant et s'élevant dans l'air.
À l'étage, des chambres. Tous les lits étaient faits, sauf l'un, dans une chambre où trônait un miroir et des bibelots un peu partout sur les commodes, des vêtements de jeune fille remplissant les armoires.
Et rien d'autre.

Il était clair que des gens étaient là il n'y a pas quelques minutes. Qu'ils avaient fuit, d'un coup. Ce n'était pas rassurant du tout.
Mais que voulez vous faire à quatre personnes qui se sont tirées de l'enfer ?

Les 4 traqueurs ne réfléchirent pas. Ils vinrent se jeter à table. Ils se mirent à bouffer comme pas possible. À finir tout ce qu'il y avait sur la table, tant que c'était encore un peu chaud puis tiède. Et quand ce fut fini, ils ne prirent même pas le temps de se laver, de se changer. Ils allèrent dans le salon, où il y avait de grands canapés, paillasses, et poufs entourant une table sur laquelle trônait des livres dans des écritures de langues différentes, certaines disparues, et un poste radio. Ils s'allongèrent, et se mirent à dormir comme des bûches.

Un sommeil lourd. Dérangé. Sans rêve. Un sommeil d'une profondeur jamais vue. Un sommeil dans lequel ils ne vécurent rien. Et même Carmen ne ressentit rien. Même elle, était tellement vidée, qu'elle ne fit pas l'un de ces rêves lucides et prémonitoires.
Pour la première fois depuis qu'ils avaient quitté le Krak à bord de l'Argo, ils se détendirent complètement.

Sans se douter qu'il y avait, dans cette ferme, une cave à fromage... Qu'ils avaient oublié d'aller explorer.
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MessageSujet: Re: Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]    Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]  I_icon_minitimeVen 20 Jan - 11:12

- Ils ont becquetés toute la poularde.
- ...
- Pa', ils ont bu tout le jus.
- ...
- Pa', Pa' ! Vois ces noyaux ! Ils se sont servit dans la serre ! Papa !
- Esra. Tais toi. Tu inquiètes ta sœur.

L'adolescente arrêta alors de tourner autour de la table de la salle à manger. Elle avait pourtant encore un millier de remarques à dire, des traces de poussières sur les tapis jusqu'au fait qu'ils n'avaient visiblement même pas pris la peine de se servir des couverts pour manger. Mais elle obéit à son père et se tue. Il se tenait là bas, dans l’embrasure de la porte donnant sur le petit salon, tenant par l'épaule sa petite sœur Halima, et observant tout deux les étrangers qui avaient pris possessions des lieux.
- Retournons en bas Pa'. Attendons que...
Coupant sa fille, autoritaire :
- Non. Il nous faudra attendre des heures, peut être des jours avant qu'ils ne s'en occupent.
Ce ne sont que des Hommes. Harassés par leur traversée. Nous nous devons de les aider.
- Ils ne se sont pas gênés...
- Il suffit !

La petite Halima se décida alors de se dégager de l'emprise protectrice de son père pour s'approcher des traqueurs endormis. D'abord elle entrepris avec crainte de toucher du bout de ses petits doigts la peau de l'un d'entre eux. Face à l'absence total de réaction de la part de Roland la fillette se permit de fouiller l'une des poches de sa veste avant d’être réprimander par un sifflement de son paternel. Baissant la tête de honte, Halima ne pu pourtant réprimer là sa curiosité d'enfant et continua à palper le tissu de la veste poussiéreuse du traqueur. En arrivant au niveau de son torse, elle reçu comme une douloureuse décharge électrique qui la fit bondir de surprise. Et, alors que Roland ouvrait péniblement ses paupières collées entre elles, la gamine s'échappa pour rejoindre son père resté à l’entrée du salon.
Roland bailla comme un lion et se frotta doucement ses yeux endormies avec ses poignets comme un chat. Il émergea peu à peu, découvrant les propriétaires du lieux qui l'observait sans bouger. Le traqueur reçu à peine l'information, il ne se souvint que difficilement des événements passés juste avant qu'il ne s'endorme comme une masse sur le canapé aux cotés de Zeus.
Mais il finit par rassembler ses souvenirs éparpillé dans sa mémoire en pièces de puzzle. Roland cogna alors de son coude Zeus à ses cotés pour le réveiller.
- ... Z'etes qui.
Zeus venait de grommeler plus que de formuler une question, pourtant le patriarche répondit dans un latin traînant :
- Nadir Al Abbas, propriétaire des lieux. Mes filles : Esra et Halima.
La plus âgée s’avança alors, mentons levée elle demanda avec défiance :
- Et vous, qui êtes vous ?
Carmen décida à son tour de se réveiller en un bâillement encore plus sonore que celui qu'avait lâché Roland. Ce dernier la regarda en décrochant un sourire, puis revint à leurs hôtes :
- Nous sommes des traqueurs.
Nadir claqua ses mains qu'il garda jointes et réalisant une petite courbette dit avec bienveillance :
- Vous êtes les bienvenues ici chevaliers. Je vous aurez proposé avec joie une collation mais je crois savoir que vous vous êtes déjà bien servit. Aussi un thé devrait vous revigorer après cette sieste.
Sa fille aînée s’avança encore d'un pas et se pinça le nez théâtralement :
- Prenez donc une douche aussi. Vous empestez comme des bœufs de traits.
Nadir sermonna alors sa fille dans son langage, de quel droit se permettait elle de parler ainsi à des invités ? Plus elle grandissait et plus Esra devenait turbulente constatait son père avec grande inquiétude. Il ordonna alors, toujours avec autorité, à sa fille d'aller préparer le thé qu'il servit lui même au traqueur une fois que celui ci fut prêt.

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MessageSujet: Re: Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]    Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]  I_icon_minitimeVen 20 Jan - 16:30

Tour à tour, les traqueurs étaient passés « à la douche ». Il s'agissait en réalité d'un jet d'eau dehors, actionné par une grande pompe. Les habitants de la ferme avaient un bain pour eux à l'intérieur de la ferme, mais les traqueurs n'avaient ni le temps, ni vraiment l'envie d'attendre qu'on fasse chauffer de l'eau. Ils étaient tellement fatigués qu'ils n'avaient plus le courage de se détendre. Leurs vêtements étaient lavés, leurs armes dépoussiérées, et le vieux Nadir alla leur chercher des vêtements le temps que les leurs sèchent, tandis qu'il avait collé ses filles à décrotter leurs chaussures, ce qui faisait pester Esra, malgré les petites réprimandes doucettes de son pater.

C'est ainsi que les quatre traqueurs se retrouvaient en sous-vêtements, une simple djellaba leur offrant un peu d'intimité. Roland ne put s'empêcher d'éclater dans un fou rire nerveux, causé par la fatigue, en voyant le grand Zeus se balader dans cet ample tissus de soie parfaitement oriental.

Mais au final, les 4 étaient assis au sol sur un tapis, tandis que Nadir leur amenait le service en porcelaine où trônait du thé, et, chose beaucoup plus incroyable et rare, des carrés de sucre.

Les traqueurs se mirent à boire, silencieusement. Ils étaient en train d'émerger, de remonter à la surface. Et le Nadir se contentait de les observer, un très long sourire un peu nerveux sur son visage. Pendant de longues, longues minutes, il n'y eut qu'un silence de mort ; On entendait l'horloge sur le mur du salon, le bruit du vent qui poussait la poussière dehors, quelques fois un buffle qui bramait, les brosses des deux jeunes filles qui ciraient les chaussures des chevaliers, et surtout, des petits bruits de sussions et des cuillères qui choquaient contre la vaisselle, le temps que les traqueurs se désaltèrent.

Après un long moment d'un silence gênant, Carmen se mit à bredouiller quelques mots, faibles et doux.

- Merci pour votre accueil, sidi.

- Non, non, ne me remerciez pas, c'est normal... L'hospitalité est un devoir sacré par ici. Surtout envers des traqueurs.
- Votre latin est excellent, dit-elle, même s'il était vrai que Nadir s'exprimait avec un accent qui rendait la compréhension difficile.
- Oui, lorsque j'étais petit, j'ai grandi avec des missionnaires anabaptistes, qui m'ont appris leur langue. Je ne suis pas anabaptiste moi-même, je vous préviens, mais, j'ai toujours eu beaucoup de respect pour les gens du livre.
Dommage qu'on n'en voit presque plus de nos jours... Comment cela se fait-il ?


Les traqueurs se regardèrent les uns après les autres. Ils ne savaient pas comment répondre à cette question.

- Ce... Serait plutôt à vous de nous le dire.
- Comment ça ?
- Vous n'êtes pas au courant que... Qu'il y a eut des vagues de réfugiés ? Une maladie qui s'étend à travers l'Europe ? Que des monstres et des phénomènes étranges sont ré-apparus en masse de ce côté-ci du monde connu ?
- Ah, heu... Je ne vois pas trop de quoi vous parlez.

Son ton était... Étrange. Il haussa les épaules. Est-ce qu'il mentait ? Ou est-ce qu'il ne voyait vraiment pas de quoi Carmen était en train de parler ?

- Mais d'où venez-vous donc ?

- Saqar.
- Hmm... Saqar a toujours été un endroit assez étrange. Personne n'a jamais voulu construire de villages par là-bas.
- Bizarre ?!
Se mit soudain à hurler Zeus. C'était un putain d'enfer ! Il y avait des flammes partout, et des monstres !
- Des monstres ? Quel genre de monstres ?
- Des... Des...
Putain de bordel de...


Les souvenirs du Saqar remontèrent soudainement. Zeus couvrit son visage avec ses mains. L'hôte, lui, regardait avec une certaine incompréhension. Des flammes, oui, il s'en souvient. Un endroit hanté, bizarre, des voix et des mirages... Mais des monstres ? Et des morts ? Ça il refusait d'y croire. Il savait que les prêtres anabaptistes avaient l'habitude de traverser la ville les mains liées, en priant très fort, et que cela suffisait à repousser les mauvais esprits, les Djinns. Mais de véritables monstres matériels capables de tuer des Traqueurs ? Hm. C'est Cassius qui reprit alors la conversation.

- Vous devez nous pardonner, sidi. Nous avons perdu des gens auxquels nous tenions dans le Saqar.
- Toutes mes condoléances, sire. Moi et mes filles prieront pour leurs âmes. Quels étaient leurs noms ?
- Svetlana et Rex.
- « La Samaritaine » et « Le Roi ».
- Pardonnez-moi ?
- Rien... Rien laissez sire.

Cassius ferma les yeux et prit une grande inspiration. Il regarda alors à droite et à gauche, chacun de ses collègues.
Il se sentait coupable. Coupable d'avoir été faible. De ne pas avoir su se battre. Lutter jusqu'au bout. De ne pas avoir été un bon chef.
Cela ne se reproduirait plus.
En cet instant, silencieusement, et en reposant sa tasse de thé, il se jura ceci à lui-même : Il terminerait la mission.

- Leur mort nous peine beaucoup. Ils étaient chers à nos cœurs. Mais nous ferons en sorte que leur sacrifice n'est pas en vain. Nous terminerons la mission qu'ils ont commencé.
- Et... Quelle était cette mission ?

Silence gênant à nouveau.

- Nous devons retrouver l'un des nôtres qui a disparu. Un certain Bogdan, qui était accompagné de nombreux autres chevaliers, et qui portaient des reliques sacrées. Nous savons qu'ils ont traversé ici et qu'ils sont passés par le Saqqa.
Ils sont forcément venus par ici. Les avez-vous vu ?

- C'est pas tout, rajouta Roland. On sait qu'ils devaient aller voir les Vigiles, un gang de psychotiques cachés dans une mosquée. Qu'est-ce que cela signifie ? Qui sont ces gars ? Vous devez forcément les connaître, ils sont dans cette région !
- Comment se fait-il que vous ayez autant de richesses ? Dit Carmen sur un ton suspect. On est dans un désert quasi-stérile, et vous avez des céréales et une serre.
- Qu'est-ce que c'est que cette région ? Demanda au final Zeus, terminant d’assommer le vieux de questions. Pourquoi... Tout est bizarre ici ? L'air, le sol, tout, tout ne semble pas normal !
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MessageSujet: Re: Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]    Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]  I_icon_minitimeLun 23 Jan - 21:38

Non.
Carmen regarda longuement et complètement hallucinée le carré de sucre qu'on venait de lui donner. Du sucre blanc, raffiné. Un morceau compact formant un cube parfait.
Non. Impossible.
Elle approcha le morceau auprès de sa bouche, humectant le sucre du bout de sa lèvre inférieure. Le gout sucré fit frétiller ses papilles puis tout son corps, la traqueuse en eut réellement la chaire de poule. C'était irréel. Nadir avait même sortit le morceau d'une de ces boites cartonnée d'avant guerre.
Carmen en eut mal au crane, son incompréhension était si forte qu'elle en ressentait physiquement de la douleur.
Irréel : c'était le mot. Tout dans ces lieux la laissait inconfortablement confuse. C'était comme si cette petite famille venait de l'Avant. Avant où l'on ne manquait de rien, où les maisons étaient grande spacieuse et bien entretenu, où les placards débordaient de vivre et où l'on servait le thé avec de petits morceaux de sucres blanc.

Carmen finit par laisser plonger dans sa tasse le carré blanc. La chute du sucre dans le thé fut sonore tant le silence régnait. Un silence lourd mais régulièrement brisé par la lourde horloge à balancier trônant en bout de pièce.
Et la traqueuse souffla en son fort intérieur, exaspérée. Ils avaient une horloge. Ici, dans ce désert mort où même le soleil avait disparue, où la nuit ne tombait jamais... où le temps même semblait s’être figé.
Mais eux... eux avaient une horloge. Oui.

Les quelques questions qu'elle posa à Nadir ne lui permis malheureusement pas d'étancher sa curiosité. Les réponses de leur hôte étaient exaspérante d'indécision. Le pauvre homme semblait pourtant sincère, comme s'il venait d'étrangement s'installer en ces lieux après -peut être !- une visite de la maison organisée par l'agence immobilière du coin.
Cassius reprit la discutions alors, la voix lourde, chargée par l'émotion. Et il dévoila à l'étranger le but de leur mission.
- Nous devons retrouver l'un des nôtres qui a disparu. Un certain Bogdan, qui était accompagné de nombreux autres chevaliers, et qui portaient des reliques sacrées. Nous savons qu'ils ont traversé ici et qu'ils sont passés par le Saqa.
Ils sont forcément venus par ici. Les avez-vous vu ?

Marrant de voir comment le sergent venait d'appuyer sur les "reliques sacrés", comme si la mission se trouvait être de les récupérer en priorité. Nadir ne répondit que par un marmonnement négatif à la question de Cassius, précisant que personne n'était passé par ici depuis des mois et des mois.
- C'est pas tout, rajouta Roland. On sait qu'ils devaient aller voir les Vigiles, un gang de psychotiques cachés dans une mosquée. Qu'est-ce que cela signifie ? Qui sont ces gars ? Vous devez forcément les connaître, ils sont dans cette région !
- Il n'y a aucun gang dans les parages. Bafouilla-t-il en réponse.
Zeus tapotait nerveusement son genoux à travers sa djellaba. Il commençait à sérieusement s'agacer et voyant cela Carmen décida de continuer à questionner leur hôte, préférant l'interroger le plus longtemps possible avant que l'emplois de la manière forte ne s'avère nécessaire.
- Comment se fait-il que vous ayez autant de richesses ? On est dans un désert quasi-stérile, et vous avez des céréales et une serre.
Le pauvre homme avait le front perlé de sueur :
- Nous commerçons avec le camp à l'Est. Ils ont des champs de céréales...
Et...
Et...
Et nous on a le moulin.

- Un camp ?
- Avec une mosquée ?
Le vieux bafouilla encore, la gorge serrée comme pris de panique :
- Ou-oui N-non. J-j-je ne sais pas. Nous n'y allons jamais. C'est eux qui viennent pour commercer
Nadir jeta un regard inquiet à chacun des traqueurs et s'approcha bizarrement pour leur proposer de nouveau du thé de ses mains tremblantes.
- Qu'est-ce que c'est que cette région ? Pourquoi... Tout est bizarre ici ? L'air, le sol, tout, tout ne semble pas normal !
La voix de Zeus tonna dans la petite pièce, finissant d'étourdir le vieux.
- Comment osez vous ?!
Esra venait de se poster entre son père et les traqueurs, mains sur les hanches et menton levé.
- Comment osez vous crier sur mon père de la sorte. Continua-t-elle d'un ton moitié réprobateur et moitié inquiet. C'est un homme bon mon père. Un homme bon ! Je lui ai dis pourtant ! Je lui ai dis d’arrêter d'aider les vagabonds comme vous !
La main du paternel vint saisir l'avant bras de la fille, sans la brusquer, et la tira doucement sur le coté. Nadir avait la tête penchée, les yeux bien bas et une larme silencieuse sur sa joue :
- Vous trouverez la mosquée des Vigiles à l'Est. Bien plus loin à l'Est.
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Thomas Dole
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MessageSujet: Re: Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]    Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]  I_icon_minitimeMer 25 Jan - 17:32

Les réponses de Nadir étaient laconiques. Et étranges. Et peu convaincantes. Si Carmen et Roland, exténués, en avaient passablement rien à faire, ce n'était pas le cas de Cassius et de Zeus, qui se mettaient à observer leur hôte avec méfiance, leurs sourcils froncés et leurs dents serrées.

- D'où connaissez vous les Vigiles ?
- Je les connais, c'est tout.
- Pourquoi ne pas nous l'avoir dit avant ? Pourquoi mentir ?
- Je... Je ne vous ai pas menti... C'est juste que...
Je...
Eh bien...
Eh...


Il se mit à sortir des mots incohérents, dans sa langue natale. Voilà que Nadir essayait de s'expliquer, en arabe.

- Parle proprement, vieillard.

C'était dit soudainement, sur un ton rauque, dur. Presque... Menaçant.
Cassius se leva. Il se saisit de son épée de traqueur qui se reposait entre ses jambes.

La petite Esra se mit alors à couiner en se cachant derrière son père, avant de déblatérer un flot de paroles qui mélangeaient de la colère avec de la peur.

- Mais... On vous a nourrit ! On vous a donné des vêtements ! Comment osez-vous devenir violent ?!

- Je ne deviens pas violent, rectifia Cassius avec la même voix rauque et calme, monotone. Je suis juste suspect. Je pose des questions à ton père. Il n'y a aucune raison à ce que je devienne violent...
À moins qu'il ne me donne une raison d'être violent.


Il pencha très légèrement la tête. Nadir ne dit pas un mot. Sa face était dégoulinante de sueur, et il n'arrêtait pas de passer ses doigts boudinés dans ses cheveux noirs et crépus.
Soudain, le sergent se tourna vers ses hommes.

- On s'est reposés.
Rhabillez-vous, nous repartons.


Qu'est-ce qui le motivait tant ?
L'envie de reprendre la traque ?
Le fait de s'approcher du but ?
Ou bien la peur que Nadir soit un tourne-veste qui souhaite les tuer ?

Dans tous les cas, tout le monde obéit au sergent, et se leva des tapis.
Mais sitôt le jeune chevalier se retrouvait dans le couloir, à sentir une convulsion. Il tituba, et se retrouva à attraper la commode. De la vaisselle fit un bruit, un claquement, puis il s'écrasa dans l'entrée.
Carmen, elle aussi, se colla lentement au mur et glissa dessus pour dormir.

Zeus, apeuré, attrapa l'épée de Svetlana qui était à son flanc, et la sorti. Il y eut un crissement de métal. Il fit un grand coup en direction de Nadir ; Le vieux hurla avant de basculer sous son canapé. Mais le traqueur n'eut pas le temps de tuer le fermier, qu'il tombait en plein sur la table basse.
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MessageSujet: Re: Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]    Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]  I_icon_minitimeMar 31 Jan - 22:49

Pétrifié, Nadir hoqueta complètement paniqué comme si la pièce venait brusquement de se vider de toute son oxygène. L'homme se retint au dernier moment de tomber à la renverse en s'agrippant au bordure de la porte. En voyant ses filles elles aussi sous le choc il se força alors à réagir. Reprenant son sang froid avec difficulté il leur demanda de s'occuper des traqueurs. Ainsi les deux jeunes filles poussèrent les corps sur le coté comme leur avait appris leur père.
Ce dernier tituba vers la cave à fromage, les jambes encore flageolantes. Une fois le petit escalier de bois dévalé, Nadir tira sur la cordelette actionnant l'unique ampoule de la pièce qui s'éclaira faiblement, dévoilant de lourdes installations électroniques. Il tomba lentement sur un tabouret si usé que le coussin qui le surmontait n'été guère plus épais qu'une feuille, et fit face à son poste de radio. Enfilant le micro casque d'une main, il chercha de l'autre un carnet noir de chiffres qu'il du zieuter plusieurs fois pour retenir le code tellement son esprit se trouvait perturbé, encore sous le choc de l'agression. Cette épée avait bien faillit le tailler en deux comme une vulgaire carcasse de porc.
S’essuyant son front trempé de sueurs froides, il entra finalement les codes sur un clavier numérique et entra enfin en contact avec les Vigiles.
Là encore il eut le plus grand des mal à se concentrer. Et s'il m'avait tué ? Pensait il terrifié. Terrifié parce qu'il connaissait la réponse. Quand il mourra, les Vigiles viendront prendre Halima et ils la... ils la...
- Répétez Nadir. Combien sont ils ?
La voix en arabe grésilla dans son casque, le ton se trouvait aussi nerveux qu'autoritaire .
Quatre, ils sont quatre se répéta-t-il dans sa tête avant de le dire d'une voix claire au micro. On lui répondit alors que l'équipe déjà partie après leur première communication, celle où Nadir avait prévenu les Vigiles qu'un groupe s'approchait par l'Ouest, serait bientôt là et qu'il n'avait plus qu'à ligoter les traqueurs par précaution.


* * *


Le camion des Vigiles s’arrêta sans un bruit à quelques mètres à peine de l'entrée de la ferme. L'engin impressionnait : sa seule cabine faisait quasiment la taille d'une jeep. Mais surtout sa peinture blanche immaculée et son aspect ultra moderne interpellait. Mitrailleuse lourde guidée par électronique, huit roue pleine en polymère formant un réseau d'hexagone à la place des jantes, caméras multiples couvrant tout les angles du véhicule... En réalité malheureusement l'engin se trouvait être si vieux que plus rien ne marchait mis à part le poste radio de la cabine.

Quatre personnes mirent pieds à terre, immédiatement accueillit par Nadir et sa progéniture. Les Vigiles débarquèrent alors quelques ballots de graines à l'arrière du camion qu'Esra et Halima s’empressèrent de récupérer pour aller les entreposer en sécurité dans le moulin.
Nadir observa longuement ses filles s'éloigner, ballots en main, de ses grands yeux tristes avant que l'un des Vigiles ne le bouscule gentiment de la crosse de son arme. Les deux Vigiles portaient un équipement de protection anti-balistique d'Avant par dessus veste tactique et pantalon cargo. Deux libyens aux regards durs et à la peau lourdement marquée. Casquette pour l'un, turban pour l'autre.
Et puis il y avait les deux traqueurs les accompagnants. Portant de lourd manteau de cuir usés mais où se discernait encore clairement les symboles de l'Ordre et diverses litanies inscrites à même le cuir. Surtout, leurs épées les identifiait immédiatement comme des chevaliers. L'un était un jeune homme, au cou musclé et à la mâchoire carrée, coupe militaire et sourire espiègle naturellement en coin. L'autre se trouvait être une femme âgée au teint bien pale aux traits fins et aux cheveux coupés court à la garçonne.
Nadir guida sans tarder la troupe à l'intérieur de sa demeure. Ils découvrirent les corps des traqueurs endormis dans le salon, tous alignés et mains attachés devant eux. La première chose que fit le jeune homme fut de vérifier les liens, puis de les resserrés un à un. S'affairant ainsi, il questionna en espagnol sa collègue bien plus âgée :
- Tu en reconnais un ?
Elle souffla du nez puis, après avoir observée rapidement les visages endormis, désigna du menton l'un d'eux.
- Cassius... Les autres doivent venir du Krak aussi.
- Étonnant ! S'exclama son collègue qui se relevait. J'aurais pensé qu'ils nous auraient envoyé la commanderie de Brazatortas aux trousses plutôt.
Sa supérieure ne lui répondit qu'avec l'un de ses souffles du nez, impassible. Mais le jeune traqueur continua à la questionner, la voix vibrante comme celle d'un gamin :
- Tu penses qu'ils sont venus avec l'Argo ?
Il n'avait passé que peu de temps au Krak le gamin, les quelques années nécessaire à son initiation, et il n'en avait gardé en tête que le froid et l'Argo, la fierté mécanisée de l'Ordre. Comme tout les initiés du Krak, il rêvait d'y monter un jour.
- Peut être. Commença-t-elle avec indifférence. Certainement. S'ils viennent du Krak, alors l'Argo a du les amener directement à Gibraltar. S'il on avait pas vidé les réserves d'essence, ils auraient même pu continuer jusqu'à Tunis ainsi.
- Et mais... ils ont fait tout ce chemin... à pied ? Lança-t-il étonné puis franchement inquiet.
La traqueuse haussa les épaules. Qu'est ce qu'elle en savait ?
- Tu n'auras qu'à les saouler de questions quand ils se réveillerons. D'ici là ferme la et embarque les dans le camion.
Le jeune homme ne répondit au ton sec de sa supérieure que part un sourire affable cachant bien son agacement. Aider par les deux vigiles, le traqueur amena un à un les corps de ses collègues du Krak à l'arrière du camion. S'inquiétant un moment du froid qui régnait dans la soute et après avoir fait part de son sentiment à la traqueuse, le jeune homme décida de s’exécuter et continua à installer ses collègues assoupis sur les sièges bordant chaque coté de la soute. Il les harnacha solidement et avec grand soins, et même s'il verrouilla les sangles, il fit attention à ce qu'il ne soit pas indisposé par les ceintures mais tout de même assez bien tenu pour ne pas que leur corps ballotte pendant le long voyage qui les attendait.

Une fois la cargaison humaine rentrée et attachée, les deux Vigiles finirent par déposer dans la cabine les affaires des traqueurs même s'il ne s'agissait là que de vêtements en loques. Puis ils finirent par prendre tout un chargement d’œufs, de farine et de lait apporté par les filles bien craintives de Nadir.
Les cargaisons embarquée, la troupe remonta dans le véhicule qui se mit en branle, toujours dans le silence de son moteur électrique.

Un des Vigiles et la traqueuse s'étaient postés à chacun des bouts de la soute, surveillant du coin de l’œil les corps sanglés à leurs sièges. Nadir avait forcé la dose leur avait il avoué, apeuré qu'il avait été par la stature de ces traqueurs tout droit sortis des terres mortes. D'habitude il ne s'agissait que d'hommes et de femmes malingres, anéantit par leurs terrible périple. Des personnes très affaiblies et donc facile à gérer.


La route dura plus de trois heure pour atteindre l'Egypte et pourtant, aucun des traqueurs ne vint à se réveiller. Barbara, la vieille traqueuse qui les surveillait, devina rapidement que les effets de la drogue s'était déjà dissipé mais que, pourtant, leurs corps et leurs esprits harassés ne purent faire autrement que de prolonger le sommeil salvateur.
Elle entreprit néanmoins d'écourter leurs sieste et alla les réveiller un par un après avoir détaché les liens de cordes qui menottait leurs mains.
Tous s'extirpèrent de leur sommeil les paupières encore lourdes et l'esprit embrumé. Le sergent poussa un hurlement à son réveil néanmoins, et la jeune espagnole elle, ouvrit les yeux avant même que Barbara ne pose la main sur son épaule pour la secouer.
- Qu'est ce que ... ! Bon sang !
Cassius s'acharnait sur la boucle verrouillée de son harnais, doucement pris de panique.
- Calmez vous. On va vous détacher. Lança Barbara dans son latin le plus sec.
- Qui êtes vous ?
- Ceux que vous êtes venus chercher.
- Où vous nous amenez comme ça ?!
La traqueuse eut un geste de la main autoritaire pour faire baisser d'un ton Cassius qu'elle jugeait trop agité et déjà énervant.
- Là où vous voulez aller.
- Comment ça ? Qu'est ce que vous voulez dire ! Cria Cassius, s'acharnant toujours sur sa ceinture inamovible.
Mais Carmen avait déjà facilement devinée :
- La mosquée des Vigiles.
Barbara détourna son regard du sergent et détendit ses traits, hochant la tête pour appuyer l'affirmation de Carmen.
- On arrive bientôt ? Bailla alors lourdement Zeus qui étirait ses bras loin devant lui en un craquement tout aussi sonore.
- On est déjà arrivé ! S'exclama le jeune traqueur qui accompagnait Barbara, débarquant à l'arrière par la porte menant à la cabine.
Ce à quoi la traqueuse appuya :
- Vous avez dormis tout du long.
- Bienvenu en Egypte ! Reprit le traqueur qui se tenait au milieu du couloir, les mains accrochées aux rambardes hautes, toujours souriant.
Les traqueurs du Krak échangèrent alors un regard, tous ensemble, se concertant sans lâcher la moindre parole.
Alors ça y est. Ils y sont. Le bout du chemin.

- On va vous détacher. Gardez votre calme. Et les mains dans vos poches. Au moindre signe d'agressivité ça va... très mal se passer.
Sur ce Barbara heurta un bouton sur le panneau de commande en bout de couloir, déverrouillant ainsi les boucles métalliques qui verrouillaient jusque là les ceintures emprisonnant les autres traqueurs.
Roland faillit tomber immédiatement après s’être dressé tellement ses jambes étaient fatiguées, mais il fut retenu in extremis par la poigne solide du Vigile se tenant à ses coté. Celui ci d’ailleurs se tourna pour ouvrir la porte au fond du camion qui s'ouvrit en grand...

Inondant la soute d'une lumière si vive, si puissante, si flamboyante qu'elle statufia sur place les traqueurs. Non pas parce qu'ils étaient douloureusement aveuglés, mais inondés d'une lumière naturelle depuis longtemps oubliée qu'ils en frissonnaient de plaisir.
- Paolo, fais les descendre. Ordonna alors Barbara.

Roland fut le premier à descendre, épaulé par l'un des Vigiles à qui il se tenait fermement pour ne pas trébucher.
Son cœur, son esprit, son corps tout entier s'enflamma.
De l'air. Un ciel bleu. Un soleil éclatant. Des nuages fins et cotonneux. Une terre tiède.
Sa vue, au début entièrement brouillée, se clarifia peu à peu.
Une terre sèche et ocre, parsemée de touffes d'herbes sombres, de cailloux et de petites crevasses. Le même paysage que celui montagneux de l'Atlas qu'ils avaient traversés voilà une éternité. Une larme lui échappa.
Ils se trouvaient sur une pente. Tout autour de la colline couraient plusieurs champs en terrasses et quelques lacs artificiels pour l'irrigation. Tout en haut trônait d'épaisses murailles cerclant une petite citée d'où s'échappait vers le ciel quatre minarets.

Spoiler:


Au milieu des cultures en terrasses s'activaient quelques silhouettes, certaines penchées en avant et fouillant la terre et les plantes de leurs mains, d'autres debout, un lourd sac en osier sanglé sur leurs dos.
Barbara s'approcha furtivement de Roland et sa mine sidérée.
- Impressionné ? Les Vigiles ont ici de quoi nourrir les cent bouches de la citées.
Ils tiennent là...

Non loin de là Paolo renâcla et se permit de reprendre et rectifier les mots de sa collègue traqueuse :
- "Ils" ?
Les yeux de Barbara roulèrent d'exaspération dans leurs orbites, mais reprit pourtant :
- Nous tenons là la dernière communauté encore debout sur des lieux et des lieux à la ronde.

Tout les traqueurs débarqués, ils se tinrent un long moment pantois. La beauté du lieux. La nature. Le ciel. La normalité tout simplement. Une bouffée de bien être les envahis.
Mais un bref coup d’œil en contrebas de la colline remettait les choses dans leur contexte.
Plus l'on descendait et plus la terre se mêlait de gris. Se confondant peu à peu avec le désert morne jusqu'à se fondre totalement en lui, ne laissant plus qu'une infinité de sable mort.
La colline des vigiles n'était qu'une fleur dans un no man's land, une bulle de vie dans les abîmes.
- On se met en route. Ordonna alors Barbara. On nous attend à la mosquée.
Et la troupe se mit peu à peu en branle, montant la quelque centaine de mètre les séparant de l'entrée de la citée.
- Que signifie cette main noire peinte sur ces tours ?
- La Khamsa de Farah. Lança Paolo enjoué. Il laissa planer ses mots quelques secondes le temps de savourer gentiment leurs mines perplexes. Farah était la grande matrone des Vigiles. La fondatrice de cet ordre et de ce lieux il y a de cela quoi... treize années je crois me souvenir.
- Farah ? Répéta Zeus sans vraiment savoir pourquoi, ni espérer être entendu.
Pourtant Paolo reprit la dessus :
- Oui. Une noble d'Egypte dans le temps. Et surtout une psychonaute très puissante.
Cassius stoppa net. Se tournant vers les Vigiles qui les escortaient, puis à nouveau vers Paolo et Barbara :
- Les Vigiles sont des psychonautes ?! Souffla-t-il vivement.
Le traqueur resta déconcerté par l'accusation soudaine et lança un regard vers sa supérieur qui le lui rendit, l'air de dire "tu vois, à force d'ouvrir ta gueule...". Mais malgré son air de reproche, Barbara se mêla de l'affaire en y coupant court :
- Certains le sont. Pas tous.
Mais certains.

Tous sentirent le sergent exploser intérieurement.
- Immondes traîtres ! Comment avez vous osez ? Cracha-t-il aux deux traqueurs renégats lui faisant face.
Avant même que Paolo n'eut le temps de sortir de son étonnement, Cassius se jeta sur lui.
Du moins essaya-t-il avant de se faire rapidement maîtriser par Paolo puis plaquer à terre par l'un des Vigiles sans ménagement.
Le sergent hurlait, tête dans le sable alors que le vigiles tentait bien calmement de le tranquilliser. Mais celui ci du se résoudre à resserrer sa prise et à se faire plus agressif :
- Hé, hé ! Tu veux vraiment que je sois la dernière gueule que tu vois ? Articula-t-il dans un latin clair à quelques centimètres du visage de Cassius qui arrêta enfin de gesticuler, contraint par la douleur.

Zeus qui venait d'observer d'un œil légèrement amusé la scène, alla demander à l'autre Vigile qui transportait leurs affaires son paquet de cigarette.
- Mais... vous êtes qui bordel ? Demanda-t-il alors à l'homme qui lui tendait son briquet après lui avoir passer une unique cigarette. Je croyais comprendre que vous étiez une bande raiders.
L'arabe eut une grimace énigmatique alors qu'il remettait le briquet dans son sac, son autre main toujours posée sur son holster à la cuisse.
- Raiders ? Répéta-t-il, sardonique.
Zeus lui souffla sa fumée à la gueule et dit, sur un ton toujours aussi posé :
- Ouais. On nous rapporte que vous attaquez des campements et des villages.
Le Vigile chassa la fumée de tabac de sa main libre et rétorqua :
- Que vous a t-on dit d'autre ? Que l'on kidnappe des gens ? Pour les dévorer ?
- Ouais... Zeus décrocha son sourire le plus acerbe. Que vous bouffer les gens et que vous enculer des chèvres.
- Parfaitement. Railla le Vigile en entrant dans son jeu. Et toi tu serras le premier à te faire passer dessus.
Zeus plissa alors des yeux, inspira une grande bouffée et... recracha la fumée par coté, en tournant la tête, avant de jeter le mégot de sa cigarette finie en moins d'une minute d'une pichenette.
Plantant ses yeux dans celui de l'arabe il demanda avec tout son sérieux :
- Sans déconner : qu'est ce que vous foutez ici ?
Le Vigile hocha doucement sa tête en silence. Regard sur Zeus, puis derrière lui où l'on remettait debout Cassius, sa djellaba toute poussiéreuse. Ils se remettaient en route.
- On sauve le monde. Lança alors le Vigile à Zeus avant de reprendre la marche avec les autres.


La citée contenue intra-muros ne se trouvait pas bien grande. Trois antiques maisons traditionnelles en brique crues, plusieurs tentes dont une immense bâche tendue au dessus du sol, sans mur, couvrant plusieurs tables et bancs en bois. Des puits et des tonneaux, des jarres en terre cuite et des sacs de jutes. Et une petite foule de gens s'affairant ça et là, des Lybiens à la peau plus ou moins sombre, des enfants et des vieillards. Et plus loin : la mosquée.
La ville interpellait par son étrangeté, aucune construction datant de l'Avant de ressemblaient à cela. Tout n'était que ruines de buildings, bétons et asphaltes. Mais pas ici. Pourtant il était clair que l'endroit avait vu passer et les siècles et les millénaires.

Le groupe entra finalement à l'intérieur de l'ancienne mosquée, débarquant dans une immense et spacieuse salle aux tapis usée et aux dorures fanées.
Le brouhaha causé par la présence de deux douzaines de Vigiles se tarit peu à peu alors que les traqueurs étaient amenés plus en avant dans la pièce, jusqu'à être entouré par la foule faisant cercle autour d'eux.
Une majorité d'hommes, mais aussi quelques femmes. Des Libyens, quelques blancs, et quelques noirs. Ils portaient vestes et pantalons cargo pour la plupart, d'autres des tuniques. Une grande femme noire se trouvait même tout en treillis, ranger usées au pieds, lourd fusil d'assaut en bandoulière et grosse lunette de soleil sur son nez barré par une cicatrice.
- Qu'est ce que vous faites ici ? Questionna une voix anonyme dans la foule.
Puis une autre s'éleva, un jeune homme barbu en djellaba et turban :
- Ils sont venus chercher Bogdan, Barbara, Velasquez, Marco, Paolo et Zag.
- Alors c'est vous qu'à envoyer le Krak traquer vos frères traqueur... Prononça d'une voix lourde la femme en treillis qui s'approcha, bras croisés, jaugeant les quatre individus se tenant au centre de la pièce.
La foule ne se tenait qu'à deux ou trois mètres des traqueurs. Certains regards se posaient inquisiteurs, d'autre curieux. Tous les jaugeait et les jugeait.

- Ce jour arriverait. Je vous l'avez déjà dit mes amis.

Un visage anguleux encore plus marqué par de multiples rides sur le front et aux coins des yeux. Des cheveux mi-long ondulant jusqu'au bas de ses tempes d'où partait une barbe hirsute et grisonnante. Bogdan avait gardé ses atours et ses armes de Commandeurs de Gibraltar, magnifiant sa stature. Malgré l'apparente sévérité de son visage, l'homme se trouvait souriant, les yeux rieur et la voix encore allègre.

- Mais merde, qu'est ce que c'est que ce foutoir à la fin ? Fit Roland, excédé, à la limite de la pleurnicherie.
Bogdan eut un sourire las :
- Nous allons vous interroger. Puis nous concerter.
Mais je vous promet qu'à la fin, je répondrais à toute vos questions mes frères.

Barbara fit son apparition aux cotés du commandeur avant même que quiconque n'ait eut le temps de rétorquer quoi que ce soit :
- Pourquoi le Krak vous a envoyez vous et non l'équipe de Brazatortas ?
La foule assistait à l'échange dans un silence attentif à peine brisé par quelques chuchotements.
Bogdan, de son air détendu et bienveillant, donna un conseil à ses confrères :
- Ne mentez pas... Et, se tournant brièvement vers le reste de la foule ajouta : Ils le sentiront.

Carmen sentait que Cassius avait envie de hurler, Zeus de lancer une vanne acerbe et Roland qui contenait un fou rire nerveux. Mais surtout, la jeune hispanique ressentit clairement l'énergie psionique l’entourant.
Neuf.
Neuf psychonautes.
Elle les voyait tous très clairement, ressentait leur aura.
Mais eux... eux ne la voyait pas. Elle était indétectable.

- Tolède a subit une attaque. La ville entière c'est soulevée... est devenue folle. Une puissance malfaisante été à l'oeuvre et il ne resta bientôt plus que le Fort des traqueurs comme ultime bastion aux assauts de... de... de ces possédés.
Nous avons été envoyés leur porter secours.

Barbara fronçait ostensiblement ses sourcils, comme si elle n'en croyait pas un mot.
Mais Bogdan lui, une main sur le menton et la tête penchée, se donnant le temps de la réflexion, finit par acquiescer. Il posa une main sur l'épaule de sa collègue et dit gravement :
- En emportant les reliques de la citadelle cela a du fragiliser la protection contre le psionisme dans toute la région.
Elle savait à quoi il faisait référence. Non pas à la bannière de magnus, ni aux saintes armures, mais bien à ce que l'on appelait le "Cœur du Titan". Le plus gros morceau d'Orichalque possédé par l'Ordre et entreposé à Gibraltar depuis l’édification de la citadelle.
Bogdan s'en était voulu, terriblement. Il savait ce que cela impliquait mais il n'avait tout simplement pas le choix. Sacrifier tout un pays aux forces psionique et à ses horreurs mais pour sauver le monde des hommes tout entier. La responsabilité avait été lourde et difficile à endosser. Même aujourd'hui encore son cœur en souffrait. D'autant plus maintenant que ses craintes venait d’être confirmées.
- L'Hispanie a-t-elle... a-t-elle sombré ? Déglutit Bogdan péniblement.
- Pas qu'on sache. M'enfin quand on l'a quittée c'était dans un plutôt sale état ouais. Souffla Rolland.
Carmen vacilla un moment. Elle ressentait toute la haine, la frustration et la folie qui tempêtait en Cassius. Le sergent ne voulait que sauter à la gorge du commandeur, aveuglé de haine qu'il était. Aussi du-t-elle user de toute sa concentration pour tenter péniblement de le calmer.
- Ça va aller ?
Doucement...

Bogdan s'approcha pour prendre Carmen dans ses bras.
- On a fait un sacré morceau de voyage pour venir jusqu'ici. Dit froidement Roland, comme pour se dédouaner de leur fatigue collective.
- Ça va aller ? Murmura Bogdan de sa voix viril au petit bout de femme exténuée qu'il tenait de sa poigne pour ne pas qu'elle tombe.
- Oui. Lui souffla en réponse Carmen qui se reprenait peu à peu.
- Vous n'étiez pas que quatre. Qui avez vous perdu ? Lança alors Barbara, un brin indisposé de voir son commandeur réconfortée ainsi la gamine.
- Strabo... Rex, Svetlana. Dit Zeus d'une voix serrée, bien plus émue qu'il ne l'aurait cru lui même.
- Strabo c'est fait chopper par une Hyène à la citadelle de Gibraltar. Énuméra Roland. Svetlana et Rex sont... enfin c'était à Saqa.
Le traqueur mourrait de demander qu'est ce que c'était que ce bordel d'enfer à Saqa mais se ravisa en voyant la mine triste de Bogdan. Le commandeur accusait le coup. Oh oui, ces trois chevaliers représentaient bien tout ce qu'il détestait dans l'Ordre mais néanmoins, ils étaient tous d'excellents éléments. Leurs savoir faire, leurs expériences, leurs connaissances... Envolées. Ce n'était pas qu'une perte pour le Krak, mais pour l'Humanité dans son ensemble. Et le commandeur en était profondément attristé.
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MessageSujet: Re: Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]    Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]  I_icon_minitimeMer 1 Fév - 16:48


Cassius allait tuer. Il était dans l'état où il se préparait psychologiquement au meurtre et à la lutte. Qu'importe qu'il n'ait aucune chance : Seule la folie guerrière, combinée à sa psychée fragile, le guidait à présent.
Et Carmen le savait. Aussi, elle utilisa son pouvoir de psychonaute pour parler directement dans le crâne du sergent. Et lui dire une phrase. Une seule.

Que ferait Rex s'il était à ta place ?

Le sergent tourna subitement sa tête, vivement, telle un volaille, pour regarder la jeune femme qui le dévisageait. Est-ce que... Est-ce qu'elle venait de lui parler ?! Il mit un moment à se calmer, à se rendre compte qu'il avait déliré, que ce n'était pas possible qu'elle ait ouvert les lèvres.
Mais la phrase se répercuta au fond de son âme. Oui, Rex. Rex... Rex, et tous ses discours, ses speech guerriers. Qui d'autre que Cassius pour décider de les suivre ?
Oui.

Que ferait Rex s'il était là ?

Il resterait calme. Il chercherait à préparer le meurtre de ses ennemis, mais il resterait calme.

Un flashback lui revint. De cette crevasse au Maghreb, où l'on mangeait des asticots. Et de comment Rex avait décrit Bogdan. Un homme violent, mauvais, mais efficace... Et à la moralité étrange, qui n'hésitait pas à s'allier pour pouvoir se battre.

Quel bel homme que ce Bogdan. En tout cas, Carmen était sous son charme. Elle défaillit dans ses bras, et ne put s'empêcher d'enlacer le vieux et puissant traqueur.

- Pourquoi avez-vous trahi l'ordre, Bogdan ?

Cassius dit soudain, d'un ton froid et inquisiteur, mais calmé. Il ne cherchait pas à crier, ou à invectiver. Non, il parlait comme un enquêteur, sûr de lui mais... Demandant honnêtement la réponse.
Il ne voulait pas faire le procès de Bogdan. Il voulait vraiment comprendre. À quoi rimait donc tout ça ?!

- Le mauvais œil... Demanda soudain Roland, ce qui fit tourner les têtes de tout le monde. Depuis que je suis en Afrique j'entends parler de ça. L’œil, le mauvais œil. À quoi cela rime ? Qu'est-ce que c'est ? Est-ce que c'est la raison pour laquelle vous êtes ici ?

Et Zeus, une dernière fois, la voix rauque et encore muée par l'émotion, rajouta soudainement.

- Et si on peut vous aider.
Qu'est-ce qu'on doit faire ?

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MessageSujet: Re: Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]    Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]  I_icon_minitimeJeu 2 Fév - 0:16

Bogdan se trouvait être bien différent de ce qu'en avait imaginé Rolland, de ce parangon de pragmatisme dépourvu de moral que lui avait vendu ses défunts supérieurs, voici que se dressait devant lui l'enjeux de leur interminable et éprouvant voyage. Un cinquantenaire gracieux, presque dandy dans ses gestes bien que ses origines populaires restent visible, notamment par son latin haché.
Un pauvre enfant, libre bien que fils d'esclave dans l'immense empire Français, Bogdan avait rejoins très tôt l'action de la gauche radicale au seins de l'empire. Une bande d'anarcho-communiste aux maigres moyens s'échinant pourtant désespérément à bousculer l'ordre établie à l'instar de la rébellion d'Alain Bernard.
Si Bogdan avait rejoins l'Ordre des Traqueurs, ce ne fut que pour fuir les autorités de l'Empire. Ordre au seins duquel il resta le même électron libre aux idées très tranchées, d'où l'animosité inévitable qui s'installa entre lui et divers de ses frères, dont Strabo et Rex notamment, avec qui les différends furent très marqués.
Mais tout cela, Roland et les autres l'ignoraient car tous ceux ayant côtoyer l'ex commandeur étaient morts.

Cassius s’avança alors, décidé, bousculant Roland en pleine réflexion et alla se poser bien en face de Bogdan l'invectivant :
- Pourquoi avez-vous trahi l'ordre, Bogdan ?
Les traits du commandeur de Gibraltar se durcirent brièvement avant qu'il ne prenne une respiration et détache son regard du sol pour se poser sur le jeune sergent chevalier :
- Car... nous faisons fausse route. Le Krak n'est plus qu'à la tête d'un ordre sénile. Et cela depuis bien longtemps. Trop longtemps.
- Comment ça ?
Mais la voix de Zeus fut immédiatement couverte par celle d'un Vigile qui interpella la foule dans son langage.
Cela déclencha une brève cacophonie de questions, de piques, de paroles en tout genre sortis par tout le monde.
- Ils ont le droit de savoir ! Ils ont le droit ! Ils mérites au moins ça ! S'époumona alors Paolo en levant les bras pour attirer l'attention d'au moins une partie de la foule.
- Qu'en savons nous ? Que savons nous de ces inconnus ? Lui répondit alors la femme en treillis militaire de sa lourde voix, provoquant la fin du tapage.
La Vigile se tourna alors vers la foule et dit quelques mots dans le langage des libyens. Rapidement, un petit couloir se creusa dans la foule, laissant passer un petit homme boiteux.
Un africain au visage étrange, rond et poupon bien que barré de rides. Ses paupières se trouvaient si lourde et gonflées qu'elle lui couvrait presque entièrement les yeux.

A l'étonnement général des traqueurs le vieillard presque aveugle ne répondit qu'avec un sourire étrange. Carmen sentit immédiatement que ce psychonaute sondait leurs esprits. Il s'approcha en premier de Cassius, ne fit rien et... hocha la tête. Puis de Carmen. La jeune hispanique sentit comme un vent lui caresser le visage. Elle le perçu très clairement : le psychonaute n'eut aucune emprise sur elle et ne réussi qu'a à peine ressentir un peu de son inquiétude mais aussi de sa curiosité. Un bref froncement de sourcil plus tard et le bonhomme passa devant les deux derniers traqueurs, hochant toujours la tête en silence.
Carmen avait l'esprit enfiévré. Elle ressentait distinctement la présence des neufs psychonautes ici, si bien que même les yeux fermées elle pourrait marcher jusqu'à chacun d'eux. Mais eux... eux ne la voyait pas. D'aucunes façon. Elle était comme invisible dans la trame psionique.
Le psychonaute regagna les rangs de la foule en lançant quelques phrases à ses camarades. Tous les yeux se tournèrent vers Cassius.
- Mais qu'est ce qu'il a dit bon sang ? S'impatientait Zeus.
- Angoisse. Nervosité. Fatigue. Voilà ce qu'il a sentis en vous.
Barbara croisa les bras sur son torse et toisa d'un regard dur le sergent :
- De la haine. Un torrent de haine...
Tu veux tous nous tuer. Tu ne désires que cela.


Le sergent serra alors les poings et les crocs. Tout son corps se tendit. Barbara se préparait déjà à lui plomber le torse de son revolver que Cassius, à sa grande surprise, se relâcha d'un coup, comme sonné. Et recula de quelques pas.
- On ne vous veux aucun mal... Tenta alors de calmer Carmen alors que sa tête lui tournait après avoir fournie tant d'effort pour apaiser le sergent.
- On veut seulement comprendre. Termina Roland, un regard inquiet pour Carmen qui avait pâlie subitement.

La Vigile en treillis porta alors une question au reste de la foule de sa voix grave. Des murmures s'échangèrent, des regards et des hochements de têtes silencieux.
Alors le groupe de vigile commença à se disloquer petit à petit. Un groupe de quatre partant par la grande porte en marchant et en échangeant à haute voix, un autre s'en alla vaquer à ses occupations par une petite poterne dans la mosquée et ainsi de suite.
La tension semblait s’être évaporée d'un coup.

Roland, un brin plus détendu, demanda alors :
- Le mauvais œil...  
Depuis que je suis en Afrique j'entends parler de ça. L’œil, le mauvais œil. À quoi cela rime ? Qu'est-ce que c'est ? Est-ce que c'est la raison pour laquelle vous êtes ici ?

- Oui.
- En quelque sorte... Ajouta vaguement Barbara en passant une main dans ses fins cheveux.
- Les calamités s'abattent sur l'Afrique depuis plus d'une décennie.
Épidémies, tempêtes, monstres. Les peuples du Maghreb pensaient que tout venait des Libyens, qui, fuyant la mort dans leur pays, entraînaient avec eux le "mauvais œil".
Un peuple maudit, pestiféré.
Mais ils se trompent. Ils se sont tous trompés.
Ce mauvais œil n'est pas une cause en soit. Ce n'est qu'une conséquence.
...
Conséquence d'une cause qui se trouve ici. En Egypte.
Un péril... Immense.
Une  Entité... surpuissante.

Bogdan s’arrêta là. Le regard perdu. Il se remémorait le moment où lui même avait appris toute ces nouvelles. Et il se retrouvait bien dans les visages lui faisant face à ce moment.
- Dis leur pourquoi nous sommes partis. Dis leur pour Alvarez.
Hochant la tête face à la demande de Barbara, il fit pourtant encore quelques pas avant de reprendre :
- Les Vigiles n'ont qu'un but. Un seul et unique but. Entretenir le Catalyseur. C'est là notre seul ligne de défense, l'unique bouclier que peut brandir l'Humanité pour se protéger de l'Entité.
Le commandeur fit un signe de main pour bloquer toute parole des traqueurs qui s’apprêtaient pourtant à le bombarder de questions. Mais il était vieux et se devait bien de faire des pauses pour reprendre son souffle non ?
- Farah, fondatrice des Vigiles, avait fait parvenir un message à l'Ordre des traqueurs, peu avant de mourir.
Alvarez était l'ancien commandeur de la citadelle de Gibraltar.

Son regard se voila alors et il cracha, amer :
- Il mit immédiatement à mort l'émissaire. Car tel est la mission de notre Ordre : éliminer la "nuisance" psychonaute, pas vrai ? Et c'est bien là tout ce que représentait les Vigiles à ses yeux : une misérable bande de psychonautes...
Le Krak lui même appuya sa décision. S'ils en avait eut les moyens alors, le Krak aurait envoyé toute une armée marcher jusqu'à la mosquée des Vigiles. Mais l'Ordre se trouvait déjà sur le déclin. On était dans cette époque où l'on préférait abandonner nos forts et nos avant postes éloignés pour rapatrier troupes et matériel en Europe.
...
Je n'ai pris connaissance de cette histoire que lors de mon arrivé à Gibraltar. Alvarez étant partis avec  Bastian comme bien d'autres, je fut nommer commandeur de Gibraltar, désormais le camp le plus au Sud des traqueurs.
...
En quelques années, la menace avait bien grandie. Tout un peuple se trouvait en exode et personne pour les aider, ni même comprendre quelle était la véritable cause de leurs malheur. Les libyens n'étaient même pas considérés comme des victimes. Mais comme une nuisance.
Nous avons pourtant menés l’enquête. Il nous fallait comprendre.
Il nous fallait entrer en contact avec ces "vigiles".


- Chiens de traîtres ! Parjures ! Vous déshonorer l'Ordre ! Infamie ! S'écria Cassius, indigné et écœuré d'une telle trahison. Des traqueurs s'alliant avec des psychonautes... Parjures. Parjures !
Barbara venait de sortir son arme de son holster pour faire taire et rentrer dans le rang cette grande gueule. Derrière lui, même s'il ne l'avait pas remarqué, obnubilé par Bogdan qu'il était, se tenait deux autres traqueurs, fusils à l'épaules, bien que gardant leurs canons baissés ils se tenaient prêt à faire feu au moindre incident. Cassius était extrêmement instable et dangereux leur avait prévenu le vieux psychonaute. Alors tous se tenaient prêt.
- Il y a plus de stupidité que de mots dans ta phrase. Siffla la traqueuse avec agressivité.
Bogdan laissa flotter un moment un geste apaisant de la main. Il ne servait à rien de s'échauffer de la sorte. Pas ici.
- Ils nous on tout expliqué. Ils ne nous on rien caché.
Il n'y avait plus rien à cacher car l'enjeux était considérable.
J'ai eut le temps de la réflexion. Longtemps, dans notre citadelle.
La décision fut extrêmement difficile à prendre. Les conséquences, lourdes. Mais le choix s'imposa de lui même : il nous fallait rejoindre les Vigiles, les supporter dans leur combat.


- Pourquoi ne pas avoir fait parvenir vos informations au Krak ?
Carmen sentit alors Bogdan s'embraser. Il exécré véritablement l'Ordre...
Non, sentit elle alors. Il détestait l'Ordre... mais le respectait tout autant. Son ressentit se trouvait être plus complexe que cela.
- C'est simple. Parce que les Traqueurs tuent les psychonautes. Ils ne s'allient pas avec eux.
Il détacha son regard dégoûté de Cassius. Le sergent représentait tout ce qu'il vomissait chez les traqueurs. Un fanatisme d’extrémiste, excluant toute demi mesure, tout raisonnement possible. Ne laissant place qu'à la destruction systématique.

- Mais... qu'est-ce donc que ce bouclier dont vous nous parliez ?
Roland préféra avancer dans leurs questions. Car il comprenait parfaitement ce qu'exprimait Bogdan.
Mais ce fut Barbara qui répondis :
- Que savez vous de l'Orichalque ?
Zeus, Roland et Carmen échangèrent un regard.
- Pas grand chose.
Zeus venait de parler prudemment, il avait bien faillit dire que la Griffe de Strabo les avait sauvés de l'enfer du Saqa, mais il saisit alors au dernier moment le regard réprobateur de Carmen et préféra se raviser.
- L'Orichalque est notre meilleure arme contre le psionisme.
Car il s'en nourrit.
Et plus il s'en nourrit, plus il en a faim.

Barbara se mettant cote à cote avec le commandeur, reprit :
- Nous, humain, n'en ressentons pas grand chose. Une étrange chaleur, ou au contraire un sentiment de froid au toucher.
Les psychonautes eux, en hurleraient de douleur. Le contact avec l'orichalque peu leur en être fatal.
Mais ce n'est pas tout. Les Vigiles nous on apprit que ces pierres influx sur la trame même du psionisme. Elle parasite les pouvoirs psioniques.

- L'Orichalque est un inhibiteur.
- C'est donc ça le "Catalyseur".
Bogdan hocha la tête avec un sourire devant la vivacité d'esprit de la jeune hispanique.
- Tel est la mission qu'à donnée Farah à ses Vigiles : entretenir le catalyseur. Sans ça, je n'ose imaginer dans quel état serait le monde aujourd'hui.
- Les Vigiles capturent des gens : pourquoi ? Attaqua Zeus.
- Je peux te l'expliquer.
Mais je ne pourrais pas le comprendre à ta place.

Barbara et Bogdan échangèrent alors un regard. Elle esquissa un bref non de la tête mais celui ci ne répondit que par un bref haussement d'épaule. J'avais dit que je répondrais à toutes leurs questions lui répéta-t-il.
Alors le commandeur marcha jusqu'au fond de la salle, ne s’arrêtant que devant une vieille et lourde porte de bois. Il enjoignit les traqueurs à le suivre et l'ouvrit.

Le cœur de Carmen s'emballa. Ils découvrirent un grand escalier en colimaçon éclairés par une brève série de lampe à huile. Le groupe s’enfonça dans les profondeurs suffocante de la mosquée.
- C'est pour ça que vous avez embarqué les reliques ? Le cœur du titan ? Interrogea Roland en sautant les deux dernières marches pour atterrir dans une immense cave éclairée de braseros.
- Oui. L'une des façons de comprendre le fait "d'entretenir" le catalyseur c'est parce que les Vigiles ratissent les environs pour glaner quelques grains d'orichalque qu'ils ajoutent ensuite au catalyseur. Farah a ramenée la première pierre. Tout une collection a suivit. La dernière en date est l’œil gauche de Maat, la statue protectrice de Sfax, acquise l'année dernière. Sacrée morceau.
- Et... l'autre façon de le comprendre ? Interrogea difficilement Carmen, qui se sentie subitement nauséeuse.
- Il faut le nourrir.
- Nourrir l'orichalque ?
- La pierre a besoin de se gorger d'énergie psionique pour accroître sa puissance. Sa faim est intarissable.
- Mais comment ...
L’interrogation de Roland mourut dans sa gorge alors qu'ils s'approchèrent du centre de la grotte.

Un trou.
Un énorme trou.

Trois mètres plus bas, au centre d'un cercle creusé dans la terre et la roche de huit mètres de diamètre, trônait comme un trésor sur un piédestal : le Catalyseur.
Un amas d'orichalque brillantes et gorgées d'énergie, entassés dans un simple mais imposant bol en terre cuite.

Et tout autour des parois de la fosse : des chaines.
Et sur ces chaines, des corps.

- L'Entité accroît sa puissance. Alors nous devons accroître celle du catalyseur en retour.
Les Vigiles sont des psychonautes... pour traquer d'autres psychonautes.

Bogdan donna un coup de menton, ses traits étaient tirés, sa mâchoire serrée :
- Ces gens là... sont les martyrs de toute l'Humanité. Un sacrifice nécessaire pour la survie de tous. Ils meurent pour la plus grande des causes...
Mais trop peu sont prêt à endosser un tel sacrifice de leurs pleins grès.
Il le faut pourtant. Pour nous tous.


En contrebas, les corps s'agitaient faiblement. Une demi douzaine de personnes, la bouche en sang, le nez dégoulinant tout autant, d'autres déjà mort, vidée de toute énergie après une lente agonie. Ils étaient tous trop fatigués pour hurler leurs douleur, aussi n'émettaient ils que de faibles râles de souffrance.

Grave, il se tourna vers les traqueurs :
- Comprenez vous maintenant ?
Vous avez traversés l'Afrique toute entière. Vous avez vu les conséquences de cette force psionique qui ravage tout, la terre comme les hommes.
Sans le catalyseur, l'Europe entière ne serait peut être qu'un désert gris et mort.


Bogdan observa leurs mines, dans l'expectative.
Zeus fut le premier à sortir de son silence.
Oui. Il comprenait.
- Et si on peut vous aider.
Qu'est-ce qu'on doit faire ?


Mais aucunes réponses ne vint, car Carmen, qui s'était subitement mise à saigner dui nez, s'écroula au sol.
Tous se jetèrent pour aider leur camarade.
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Thomas Dole
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Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]  Empty
MessageSujet: Re: Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]    Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]  I_icon_minitimeJeu 23 Fév - 17:17

Carmen rouvrit les yeux, pour se retrouver dans un monde qu'elle ne reconnaissait pas. Et pourtant, elle n'avait pas peur. Elle n'avait plus peur. Cela faisait bien longtemps qu'elle avait accepté ce talent latent. Elle se releva, lentement, alors qu'elle observait le faux-ciel que son inconscient projetait sur elle, et qu'elle ressentait sur sa peau une fraîcheur douce.

Spoiler:

Devant elle se trouvait un grand réservoir d'eau claire et fixe, non troublée par le moindre mouvement. Et au-delà, on distinguait de grandes pyramides construites sur le sable. Autour, derrière-elle, il n'y avait rien sinon du noir, le noir d'une forêt, de feuillages, desquelles elle ne ressentait que du vide, une abysse terrifiante. Non. Elle décida de filer droit devant elle.

Elle marcha très longtemps. Il lui semblait avoir marché une heure, tant les pyramides étaient éloignées. Mais elle se retrouvait sur le réservoir, et put apercevoir, comme si c'était naturel et inné chez elle, qu'elle pouvait marcher sur l'eau. Elle observait en-dessous d'elle. Et, comme dans sa vision avec le vieil aveugle, elle vit des cadavres nus qui flottaient sous l'eau. Mais elle n'en était pas terrifiée. Elle se contenta de continuer à marcher, tout droit. Jusqu'au sable fin d'en face.
Une heure à marcher, dans le froid, ses bottes militaires laissant des traces de pas, sitôt balayées par une brise qui faisait bouger les pellicules de sable. Voilà maintenant qu'elle était dans une sorte de cité silencieuse. Elle n'aperçut pas une âme. Elle ne sentait pas une âme.
Pourtant, à un moment, elle aperçut bien des corps humains qui bougeaient. Elle les vit, en tournant sa tête vers sa droite. Des hommes prostrés, la tête baissée, les yeux révulsés si bien qu'on en voyait que le blanc, la face marquée par des stigmates, qui s'attelaient à tirer des blocs de pierres et à utiliser des systèmes de poulies pour bâtir d'autres pyramides. D'autres. Il y en avait des dizaines, qu'elle a pu compter, de tailles variables. Puisqu'elle savait qu'elle n'avait rien à craindre, elle décida d'aller directement, d'un pas décidé et fort, jusqu'à la plus haute.

Aucun des humains sans âme ne l'arrêta. Ils continuaient de travailler, pas du tout troublés par la nouvelle présence qui se mêlait à eux. Et elle monta les escaliers de la pyramide. Elle monta les longues marches, hautes, nombreuses, si nombreuses qu'elle eut une crampe et ses jambes la firent souffrir alors qu'elle devait monter. Derrière-elle, elle pouvait voir un paysage lunaire. Mort. Vide. Comme elle en a vu, elle et ses camarades traqueurs, en quittant l'enfer où Svetlana et Rex ont rendu l'âme.

Elle monta jusqu'au sommet de la pyramide, pour voir qu'est-ce qui s'y trouvait. Un autel en marbre, sur lequel un cœur trônait. Un cœur marron, sec comme un raisin, mais qui battait encore, retenu par des sortes de tiges métalliques qui allaient sous l'autel. Elle s'approcha pour l'étudier, pour observer comme ce vieil organe pouvait continuer de battre, mais elle fut empêchée par quelque chose.
Une voix, qui l'arrêta, derrière-elle.

- Bonsoir, Carmen.

Elle se retourna pour voir l'homme qui se tenait. Un squelette. Un corps noircit, d'où il ne restait plus que de la chair rôtie, comme un steak trop cuit, les cheveux manquants, les yeux sortants des orbites, le sang vif par endroits... Et une croix, accrochée au cou. Elle fut prise par l'émotion, et sa gorge fut serrée, alors qu'elle reconnut l'homme qui était là.

- Rex ?
- Il savait qu'il pouvait te faire confiance. C'est pour cela qu'il a accomplit son devoir. Il n'ignorait pas que tu étais une psychonaute, tu sais... Simplement, il t'aimait plus qu'il n'aimait sa charge de chevalier.
À la fin il a décidé de concilier les deux.


Rex marcha tout droit, posa sa main sur la joue de Carmen, ce qui y laissa un long filet de sang et de peau. Mais elle fut attendrie tout de même, quelques larmes coulant de ses yeux.

- Où est-ce que je suis ?
- Ton objectif, ce pour quoi les Traqueurs ont été créés. Bogdan et les Vigiles ont tenté de repousser l'inévitable, mais à présent, quelque chose doit être fait.

Rex se changea alors qu'elle battit des cils. Ce n'était plus un homme carbonisé devant elle, mais une femme. Une femme à la jambe et aux bras et à la mâchoire toutes arrachées. Svetlana. Son accent à couper au couteau fut entendu dans ses oreilles.

- Qui es-tu ?
- Je suis ton maître, celui à qui tu as juré toute obéissance.


Svetlana toucha le cœur meurtri. Puis elle tourna son regard, et changea à nouveau, pour prendre l'apparence de Strabo, à la face blanche, et au ventre ensanglanté. Carmen ne put s'empêcher de faire un pas en arrière.

- Tu m'appelles « Magnus Venator ». Un surnom qui m'a été accordé. « Le Grand Chasseur »... Mais qu'est-ce que je chasse ?
- Les psychonautes ?
- En partie...
Mais je suis un psychonaute, Carmen. Comme toi. Nous sommes d'une... Race, particulière.


Carmen regarda le cœur. Puis Strabo. Mais Strabo avait disparu, et à présent, c'était un autre homme qui se tenait. C'était Enguerrand, duc de Portugal. Elle ne l'avait jamais rencontré de sa vie, mais elle avait senti sa présence lorsqu'elle avait eut un de ces rêves... Où elle s'était retrouvée dans le brasier de Gibraltar.

- L'Apocalypse nous a apporté ces talents latents. Mais ils ne sont pas un don. Ils sont une malédiction. J'ai fais le choix d'anéantir ma propre race, de traquer les gens comme moi. Parce qu'il existe des prédateurs qui nous poursuivent. Le sommet de la chaîne alimentaire.


Carmen arriva près de l'autel. Ce cœur... Ce cœur qui battait...

- C'est votre cœur ?
- Oui
, reprit Magnus, qui avait à présent prit l'apparence de Bastian Nardavec, Grand-Maître de l'ordre. C'est mon sacrifice. Mon cadeau à l'Humanité.
Il existe quelque chose qui vit sous l'Égypte... Quelque chose, qui s'est réveillé, grâce aux sacrifices de psychonautes attirés par des promesses de grandeur et de puissance... La raison pour laquelle j'ai tenté de les purger.
Vois-tu, Carmen. À l'époque où je vivais, les hommes n'étaient pas encore évolués. Ils se battaient, à l'épée et à cheval, et avaient construit des châteaux-forts. Ils n'utilisaient pas la poudre et les armes à feu, mais les arbalètes et les lames. C'était une époque légendaire, d'où vous tirez tous vos mythes, et toutes vos connaissances. Mais un ennemi plus grand que tout homme ou toute créature s'est réveillé. Et nous surveille. Gelé, dans le Grand Nord où tout meurt et tout est frigorifié.
Mais avec l'évolution vient la décadence. Je pensais... Faire comme lors d'un siège de château. Priver les occupants de nourriture pour qu'ils meurent de faim. En supprimant les psychonautes, je supprimais les agents et la nourriture de ces prédateurs. Mais ils se sont multipliés en même temps que le retour de la civilisation a multiplié le peuple, leur a permit de grandir, en sécurité, avec des lois et des protections.
Fut un temps où les Frères-Traqueurs pouvaient entrer dans un village et y décapiter n'importe qui. Mais comment fais-t-on, quand un homme riche, puissant, et respecté, est un psychonaute ?
Comment faisons-nous... Quand le chef des Traqueurs lui-même, est un psychonaute ?


Carmen ne comprenait pas trop. C'était beaucoup d'informations à avaler d'un coup. Mais à nouveau, Magnus changea d'apparence, pour passer devant l'autel. Maintenant, il prenait l'apparence du vieil aveugle de la barque, un long manteau noir virevoltant derrière.
Carmen se retourna alors. Et elle vit un enfant, agenouillé devant l'autel. Un enfant à la couleur mat et aux longs cheveux derrière.

- Qui... Qui c'est ?
- Un psychonaute. Comme toi.
Les prédateurs sont très fort pour s'adapter. Avec mon sacrifice, et avec les Vigiles et leur catalyseur, nous les avons endigués... Pendant des siècles, ils se sont retrouvés incapables d'agir dans ce monde, sinon grâce à quelques psychonautes esclaves.
Vois-tu, cet autel n'est pas une table... Mais un trône. Je m'y suis assis, et attaché. Et pendant des générations et des générations, j'ai utilisé mon talent pour les repousser, tandis que les Vigiles, involontairement, m'aidaient à ne pas sombrer, grâce au sacrifice continu de nouveaux psychonautes.
C'est ici, en Égypte, au sommet de cette pyramide, que j'ai réussi à vaincre les Prédateurs et sauver l'Humanité. Je l'ai sauvée, de l'Homo Novus.
Et c'est pour me contrer... Qu'ils ont amené la Peste.


L'enfant se leva alors, et contourna l'autel. Le sommet de la pyramide, plus loin, ressemblait à une chambre d'enfants. Il y avait un tapis, et une petite table avec une corbeille de fruits, et des jouets, des peluches, un miroir, une photo d'un bébé avec un couple.

- La Peste émane d'ici. Elle sert à briser les âmes des hommes... À les capturer, pour en faire des esclaves.
Ces pyramides sont des sortes de... Cloches. Des cloches, amenées à guider les Prédateurs en Europe. Ils ont tenté de me briser. De me torturer. Mais cela fait des siècles que je reste ici, que je tiens.
Des siècles que mon âme est un jouet qu'ils peuvent mutiler, et saigner, et empaler, et arracher... Sais-tu ce que c'est, de ne pas avoir de bouche et de devoir crier ?
Je ne vais pas tenir longtemps. Ils vont m'anéantir. Ces pyramides ont ce simple but. Et lorsque ceci sera fait, et lorsque le catalyseur cessera de me régénérer, de me permettre d'endurer cette souffrance... Alors ils pourront s'échapper de leur ère glacière et répandre la peste sur le monde.
J'ai parlé à Bastian, dans le simple but qu'il élimine les Prédateurs avant qu'ils ne nous éliminent nous. Mais en envoyant Bastian et son armée dans le Grand Nord, j'ai commis une erreur. J'ai permis à l'Homo Novus de mettre la main sur certain de nos hommes, de... D'apprendre, ce à quoi nous ressemblons. Pour mieux nous briser.
À présent, le status quo ne peut plus être conservé. Il est conservé depuis trop longtemps. Quelque chose doit être fait. C'est pour cela que tu es ici Carmen. C'est pour cela que je t'ai guidée, toi et tes frères. Tu dois finir, ce qui a été commencé.
Prend la griffe de Strabo. Prend Bogdan et toutes les armes dont il dispose. Vient jusqu'ici.

- Et ensuite ?
- … Et ensuite. Tu comprendras.

***

Carmen se réveilla subitement, et elle pouvait voir des paires d'yeux devant elle. Sans même attendre qu'on l'aide, elle se leva en toute hâte. Elle observa le gouffre du catalyseur.
À l'intérieur, elle voyait des psychonautes comme elle, qui étaient en souffrances. Et elle en reconnut beaucoup. Elle reconnut le vieil aveugle, mais aussi le traqueur qui avait eut l'âme arrachée. Il avait été jeté là-dedans par Bogdan. Non. Non.
Elle se retourna, la face couverte de sueur, vers le frère-commandeur, qui avait un sourire triste en coin.

- Tu vois, frère Cassius. C'est une psychonaute elle aussi.
Il nous faut la sacrifier.


Il s'approcha de Carmen, en ouvrant les bras.

- Calme-toi... Je sais que c'est atroce, mais il le faut pour-
- Non ! Laissez-la !


Cassius se retourna et poussa l'un des traqueurs, en lui donnant un coup de poing dans le crâne. Un crissement métallique se fit entendre alors qu'il sorti l'épée. Zeus et Roland se mutinèrent aussi immédiatement. Il y eut une rixe, une lutte, des cris et des coups de poings, et c'est Bogdan qui se mit à hurler à ses soldats.

- STOP !


Voilà que plusieurs personnes, choquées, interloquées, se tinrent en joues, chacun visant un autre, inquiets.

- J'ai vu Magnus Venator !
- Hein ? Qu'est-ce que tu racontes ?
- Le chef des Traqueurs ! Il m'a parlé !
J'ai vu des pyramides, et un cœur qui battait sur un autel, et-

- Elle, délire, ne l'écoutez pas, dit Barbara.
- Et un enfant...
- … Un... Enfant ?


Le visage de Bogdan eut soudain l'air contrit. Comme s'il... Comprenait de quoi elle parlait.

- Baissez vos armes.
Qu'est-ce que t'as dis Venator ?

- Que... Nous avions une mission. Que nous courrions un péril. Que... « L'Homo Novus » se levait.
- L'Homo Novus...
La dernière fois que j'ai entendu ça, c'était un délire du Grand-Maître Bastian... Je me souviens parfaitement... Azraël, et Strabo qui se battaient sur la régence...
Qu'est-ce que l'Homo Novus ?

- Je n'en sais rien... Mais il veut que j'amène la griffe. Que je l'amène jusqu'au cœur.

Barbara se mit à exulter, brisant les rangs pour s'approcher de Bogdan.

- Qu'est-ce que ça signifie ?! Magnus Venator n'est qu'une légende !
- Chaque mythe a ses réalités.
Je sais ce dont elle parle. Le cœur... La description du cœur... Je l'ai déjà vue il y a bien longtemps. Un vieil arabe, qui m'en avait parlé à l'oral.
Tout me semble clair maintenant. Toute ma vie... Toutes nos vies, étaient destinées à ce moment.
Tu ne te rends pas compte, Barbara ?


Bogdan se tourna vers Cassius, qui tenait son épée sous la gorge d'un Vigile, qui lui-même tenait une machette dans sa main.

- Je sais que la situation est compliquée. Mais nous avons encore une dernière mission à accomplir.
- Qu'est-ce que tu racontes ?
- L'enfant. Je connais cet enfant. Je sais ce dont elle parle. C'est dans la prophétie des Vigiles.
Vient avec moi, Barbara. Nos vies sont peut-être finies, mais nous avons toujours un devoir envers l'Humanité.


Le commandeur fit un signe de main à ses guerriers. Et tous ensembles, ils le suivirent. Le groupe de Strabo, hagard, se décida à marcher dans leurs pas.
Ils revinrent dans la pièce de tout à l'heure. Les vigiles et les traqueurs. Ils allèrent jusqu'au centre de la pièce, où Bogdan posa ses mains devant une carte.

- Mes frères. Mes sœurs. Humains. Aujourd'hui, nous cessons de fuir. Nous cessons d'endiguer. De boucher les trous du navire qui échoue.
Aujourd'hui ma confiance est renouvelée. Aujourd'hui nous allons reprendre notre destin en main.
Pendant des générations, les Vigiles ont craint la Pyramide. Et la Peste a menacé toute l'Europe... Et les Prédateurs surveillent dans l'ombre.
Mais le Grand Supplicié, Magnus Venator, est venu parler en personne avec cette jeune femme. Cette jeune femme, qui a traversé le Saqar. Je le vois dans ses yeux.
Aujourd'hui. Nous reprenons notre destin en main.
Aujourd'hui...
Nous commençons la dernière traque !


***

Le sol tremblait sous les roues des véhicules. On avait rarement vu un tel convoi braver le désert, du moins, pas depuis l'Armageddon qui arracha la terre. Mais voilà que depuis le ciel, on pouvait voir un nuage de poussière soulevé non pas par les vents incontrôlables, mais bien du fait de l'homme. Un convoi de voitures blindées, et les chenilles d'un antique char d'assaut. Les Vigiles avaient sorti tout leur équipement, après que Bogdan leur ait expliqué la situation et donné son plan. Aujourd'hui n'était pas une simple sortie pour aller chercher des psychonautes. Aujourd'hui était le baroud d'honneur. Aujourd'hui, ils gagneraient... Ou ils échoueraient. Mais il n'y avait pas d'autres solutions.

Ils allaient droit vers le désert, vers les pyramides, celles qu'ils avaient toujours évité, à cause des nombreux monstres et démons qui y résidaient. Des bêtes si dangereuses, que le Saqar n'était qu'un avant-goût. Aussi, ils avaient sorti des contre-mesures.

Cassius tenait entre ses mains l'épée de Rex. Assis sur un petit banc à l'arrière un véhicule blindé, il regardait Carmen, en face de lui, et lui sourit. Elle était une psychonaute. Et pourtant il avait eut l'instinct de la protéger. Pourquoi ? Pas par respect en tant que sœur traqueuse. Pas par charité chrétienne. Non. Il l'avait fait, parce que Rex l'avait protégée.
Et Zeus aussi portait une épée, celle de Svetlana. Il parut triste, en regardant le plat de la lame.

- Elle avait de la famille dans les Balkans, je crois...
- Elle ne parlait pas beaucoup, confirma Carmen.
- C'est vrai. On avait plein de rumeurs sur elle, on essayait de lui inventer un passif... De savoir pourquoi une force de la nature comme ça avait rejoint les Traqueurs...
- L'important n'est pas ce qu'elle était, mais ce qu'elle a fait pour nous.
Son sacrifice ne doit pas être en vain.

- Et si on failli ? Si... On échoue, juste devant les monstres ? Et si tout ça n'aura servi à rien ?
- Alors l'Europe sera engloutie.


Roland avait dit ça en levant la lame qu'il tenait entre ses mains. Elle était incrustée d'Orichalque.

C'était ça, la contre-mesure. Le Cœur du Titan avait été fracturé en plusieurs morceaux, pour en armer les Vigiles et les Traqueurs. S'ils mourraient devant les Pyramides, alors ce serait la fin. Plus rien ne résistera aux Prédateurs. Mais pour Bogdan ce n'était pas une fatalité. C'était une motivation, pour que tout le monde fasse ce qu'il a à faire.

Le véhicule commença à ralentir, dans un bruit métallique. Les traqueurs s'approchèrent des portes, qu'ils ouvrirent, avant de filer en extérieur. Ils firent le tour. Ils étaient sur une butte, en hauteur, et Carmen pouvait observer tout l'équipement qui était de sortie. En l'air, il y avait un hélicoptère, qui faisait des ronds. Au sol, un gros char d'assaut, qui puait le diesel et dont de la fumée sortait du moteur. Et une dizaine de traqueurs, bien armés, cuirassés dans des armures de combat environnementale, et les Vigiles aussi, qui avaient des masques-à-gaz et des gilets pare-balle, complétés par de la maille sur les membres.
Bogdan avait revêtit toutes ses armes de commandeur. Grand, puissant, il avait derrière-lui un grand manteau frappé du marteau de l'Ordre. Et il observait, les bras croisés, le paysage lunaire qui se tenait devant lui. Carmen arriva à ses côtés.

- C'est ce que tu as vu dans tes rêves ?
- … Non... Non dans mes rêves, c'était plus... Vivant.


La réserve d'eau n'existait plus. Il n'y avait rien qu'un gouffre de sable sec et blanc. Et à la place de cadavres frais... Des squelettes.
Mais les pyramides tenaient. Certaines encore en construction. Mais on peinait à le distinguer. Parce qu'un voile de fumée recouvrait la cité. On n'en voyait que les ombres des sommets. Cassius regardait. Impassible.

- C'est quoi cette chose ?
- L'énergie psionique soulève ce barrage de fumée.
- Il est inoffensif ?
- Oui... Mais il camoufle le véritable ennemi.
Nous allons entrer en enfer. J'espère que vous êtes prêts à vous battre.


Bogdan tourna les talons pour retourner à son véhicule. Les autres commencèrent à se restaurer. Certains Vigiles déployèrent un tapis de prière pour commencer à prier. Carmen, elle, regagna le véhicule.

- Carmen.

Roland l'arrêta, en lui tenant le bras. Puis elle sentit son frère d'armes lui prendre la main. Et elle sentit quelque chose de froid qui la colla.
En la relevant, elle vit que c'était la griffe... Mais pourtant, Bogdan avait dit que... Le contact avec l'orichalque était douloureux. Ce... N'était pas normal.

- Pourquoi tu me donnes ça ?
- Un pressentiment. Je sens que c'est toi qui va terminer ce combat aujourd'hui, et pas moi.


Il sourit, puis se retourna. Mais là, ce fut Carmen qui l'arrêta, en le tenant par la manche.

- Nous n'avons plus parlé depuis...
- Eh. Carmen. Ça ne fait rien.
Je sais pourquoi je suis ici. On le sait tous. Zeus le sait. Même Cassius le sait. Et toi aussi tu devrais le savoir.
Tu as vu Magnus Venator. Il existe réellement.
- Mais c'est un psychonaute... Qui a organisé la destruction des psychonautes... Il a fondé un ordre, qui a tué ma famille... Et la tienne.
- Tu ne vois pas cette chose derrière-nous ? Cette chose... Inhumaine ? C'est notre devoir.
- On aurait pu fuir et vivre une vie plus simple tous les deux...


Il lui attrapa la main.

- Si on survit... Peut-être que...
- Je ne survivrai pas à ça, Roland.
- Ne dis pas de bêtises, tu-
- Tu le sais toi aussi. Sinon tu ne m'aurais pas donné cette griffe.
Mon destin est ici. Je n'y échapperai pas.


Elle le serra dans ses bras. Et lui chuchota quelque chose dans l'oreille.

- J'ai eu une bonne vie. Suffisamment bonne.


Ils grimpèrent tous tels des chevaliers sur des bêtes. Et alors, les véhicules partirent dans un vrombissement de moteurs et de crissements de roues, l'hélicoptère volant au-dessus.
Ils traversèrent le réservoir d'eau vide. Et ils franchirent le voile. L'hélicoptère au-dessus agissait comme un gros mixeur, les pâles de la machine chassant la poussière et les cailloux, les projetant dans un cyclone.
Il y eut un éclair. C'est comme si tout autour des pyramides, il n'y avait que des tornades.

Et d'un coup, des morceaux métalliques furent projetés sur la route. Des débris de voitures, des morceaux rouillés. Et les conducteurs séparèrent leurs montures d'acier, tandis qu'ils communiquaient par radio.

- L'hélicoptère nous prévient ! Il y aurait des bêtes sauvages qui jetteraient des choses sur la route à force de bras !
- Engagez-les !


Zeus sauta de son siège pour monter sur la tourelle du véhicule. Il camoufla son visage sous une cagoule et des lunettes de chantier. Il sorti dehors, et la vitesse du véhicule couplée au vent non-naturel faisait qu'il avait la face balayée par l'extérieur. Mais il arma la mitrailleuse, une antique mitrailleuse conçue spécialement pour résister à la poussière.

- BWAAAAAH ! VENEZ LES MONSTRES !

Il vit des ombres qui foncèrent sur la route. Et soudain, il reconnut ces bêtes. Des hyènes. Les mêmes bêtes qui avaient tué Strabo.
Il tourna la tourelle et appuya sur la détente. Il sentit le recul qui tremblait dans ses mains.

Barbara conduisait au volant. Elle donnait des petits accous pour éviter tel ou tel obstacle sur la route. Une hyène fonça sur le char d'assaut, mais Zeus tira dessus ; Le monstre, blessé, tomba et se retrouva pulvérisé sous les chenilles. L'équipage du char tournait le canon, et se mettait à ouvrir le feu sur les pyramides, tandis qu'au-dessus, plus en sûreté, l'équipage de l'hélicoptère faisait feu de ses canons rotatifs, un vrombissement et un éclair infernal, qui déchiraient les bêtes qui tentaient de rattraper les hommes.
Bogdan, qui était dans le char, se mit à hurler dans sa radio à l'attention de toutes les jeeps blindées.

- Notre objectif est la pyramide centrale !
Hunter et Agis, attirez-les sur le pavillon !


Deux des véhicules accélèrent, conduits par des vigiles. Ils dépassèrent le char, pour prendre un virage sec à gauche.

- Où est-ce qu'ils vont ? Demanda Carmen qui observait par la fenêtre.
- Se sacrifier. Détourner des monstres sur eux.

Cassius avait deviné la stratégie en voyant comment une vingtaine de hyènes courant à toute vitesse les suivaient et allèrent s'engouffrer.
Et l'hélicoptère dessus continuait à escorter le reste du convoi, qui fonçait à toute allure.

Il y eut les mêmes explosions, les mêmes tirs. Dans un virage, l'une des jeeps fut attaquée et renversée. Mais personne ne ralentit pour aller leur porter secours. Très vite, la jeep disparu sous le sable et l'on continuait, toujours vers la pyramide centrale.
Elle n'était pas difficile à rater, la pyramide centrale en question ; Parce que de son sommet, tout autour, était reflété un faisceau de couleur bleue, comme radioactif, qui scintillait de partout. Ce n'était clairement pas une construction humaine. On aurait dit... Une invention alienne. Extra-terrestre.

Un monstre-ours ramassa quelque chose sur le sol, et le lança vers l'hélicoptère. Celui-ci tenta d'esquiver, mais voilà que ses palmes étaient déchirées. Et il tanguait, comme une mouche, avant de passer au-dessus des véhicules et de s'écraser sur la route alors que le pilote hurlait dans le micro.
Zeus se baissa pour éviter les flammes de l'hélicoptère. Mais quand il releva la tête, voilà qu'une hyène sauta sur le toit et donna un coup de patte pour le décapiter. Zeus se laissa tomber à l'intérieur pour l'éviter.

- Sur le toit ! Elle est sur le toit !

Cassius leva son fusil et tira. Les balles transpercèrent le toit et laissèrent des marques, des trous. Carmen et Roland l'imitèrent, alors que Barbara tentait de continuer de rouler, de tourner le volant.

- Dégagez-la ! Elle nous ralentit !

Cassius se leva et ouvrit la porte de la jeep. Derrière, on pouvait voir les hyènes qui tentaient de suivre en courant. Il mit son fusil à l'épaule et se mit à tirer. Mais la radio de la jeep se fit encore entendre.

- Y a des monstres devant ! Va falloir qu'on se sépare !
- On retourne près de l'hélicoptère, on va les attirer !
Cria Barbara.
- Bonne chance !

Barbara mit le pied au plancher pour ralentir subitement. La vitesse du ralentissement fut si rapide que la hyène, pourtant agrippée sur le toit, se retrouva à basculer et à tomber sur le pare-brise, qu'elle fissura.
Zeus en profitant pour se relever et resauter sur la mitrailleuse du toit. Le canon cracha des balles qui projetèrent des morceaux de crâne et de sang partout.

Barbara tourna la boîte de vitesse pour enclencher la marche arrière. Elle tourna la tête et profita que Cassius avait ouvert la porte pour reculer le plus vite possible, les roues roulant dans les traces déjà creusées dans le sable, tandis que le cadavre de la hyène était toujours posé dessus.

Ils roulèrent jusqu'à l'hélicoptère, qui n'était qu'une boule de feu... Mais où l'équipage survivait encore, et utilisait ses miniguns rotatifs pour terrasser quiconque s'en approchait. Puis, Barbara sauta dehors et alla devant le pare-brise.

- Couvrez-moi !

Carmen prit sa place de conductrice pour pouvoir tirer au fusil par la fenêtre. Barbara dégagea avec très grande difficulté le cadavre de la hyène écrasée sur le capot. Et elle remonta finalement, Carmen passant sur le siège passager, pour repartir.

Zeus sorti un pistolet et tira en l'air. Une fusée éclairante sauta dans le ciel et explosa en plein dans la poussière. Assez pour attirer des monstres dessus. Il tourna sa tête vers l'équipage de l'hélicoptère, et leur fit un salut. Ceux-ci utilisèrent leur artillerie pour tenter de faire un ultime baroud d'honneur.

Et Barbara retourna s'engouffrer dans la poussière.

- Il faut retrouver le char de Bogdan !

Mouvements de tête pour acquiescer.

La jeep fumait. De la fumée noire sortait du capot. Mais cela ne gêna aucunement Barbara. Pied au plancher, elle activa la seconde, la troisième, la quatrième, la cinquième... Elle alla le plus vite possible.
Il semblait très vite que cet endroit était une ville. Un véritable ville. Carmen l'observait depuis le pare-brise fissuré. Les agencements des rues et le placement des pyramides étaient les mêmes que dans son rêve. Mais dans son rêve, il y avait des tas d'humains, on aurait dit une ruche. Ici, il ne s'agissait que d'une ville fantôme, peuplée de monstres, abandonnée depuis longtemps et en ruines.
La course-poursuite continua au milieu de la tornade. En l'air, on pouvait apercevoir des éclairs. Il fallut encore continuer de tirer, tirer de partout, sur les monstres qui pouvaient apparaître.
Barbara ralenti alors qu'elle aperçut de grandes flammes au milieu de la route, et d'autres éclairs de balles plus loin. La jeep s'arrêta complètement, et les traqueurs sautèrent dehors.

Ici, le reste du convoi s'était arrêté et avait formé un cercle. Traqueurs et Vigiles continuaient de tenir la position, alors que différentes créatures tentaient de s'approcher. Il y avait des blessés, et des morts, et Carmen fonça vers le char pour y voir Bogdan qui le chevauchait, en train de tirer à l'aide d'un fusil de sniper.

- Qu'est-ce qui se passe ?!
- Carmen ? Comment tu fais pour être encore debout ?!
- Comment ça ?


Bogdan fit un signe vers l'un des camions renversés. Devant, on voyait des vigiles à la peau noire, qui tremblaient, convulsaient, du vomi sortant de leurs bouches.

- Ce sont nos psychonautes ! Ils sont en train de devenir dingues !
Comment tu fais pour encore tenir debout ?!

- J'en sais rien !
- Et merde...
Les gars, sur moi !


Bogdan sauta du char, alors que quelques officiers s'approchèrent de lui, en toute hâte.

- Il faut que Carmen atteigne la pyramide. C'est elle qui doit mettre un terme à tout ça !
- Mais on ne peut pas s'en approcher ! C'est... Trop... dit Barbara, inquiète.
- Il... Il y a un chemin... Un tunnel... Chuchota Carmen.
- Un chemin ?
- Il faut qu'on se replie, qu'on-
- Non ! Non, on termine la traque maintenant !
Repliez-vous vers la carcasse de l'hélicoptère, et unissez-vous pour la défendre, prenez le blindé. Moi et Carmen, nous allons aller tous les deux vers la pyramide. Barbara, tu diriges les choses à présent.

- Je viens avec vous, dit Zeus en s'approchant.
- Non. Tu n'y survivras pas.
Barbara, je veux que tu prennes tout le monde, que tu ailles à l'hélico, que vous attiriez les monstres. Je veux que vous teniez jusqu'à ce que vous ne puissiez plus, et ensuite vous vous repliez, en emportant autant de blessés que possible. Maintenant, prenez les psychonautes, ils se sentiront mieux une fois qu'ils seront partis !
Barbara, tu m'as fait confiance jusqu'ici, fait-moi encore confiance maintenant.
Partez ! Partez-tous ! Je vous oublierai jamais !


Carmen fit un signe de main à ses trois frères, avant de prendre son arme et d'ouvrir le pas. Bogdan la suivit de près. Ils allèrent ensemble près d'un trou dans le sol, une sorte de canal d'irrigation vide. Ils sautèrent à l'intérieur, et continuèrent à courir, armes en main. Il y eut encore des explosions, des tirs, des grenades qui volèrent au-dessus d'eux. Mais alors qu'ils s'engouffrèrent dans une sorte de grille, on pouvait entendre des bruits de roues et de moteurs. Ils fuyaient se mettre à l'abri.

Torches allumées, voilà que Bogdan et Carmen s'engouffraient dans l'obscurité, dans le fond d'un oléoduc vide. Et ils marchèrent tous les deux, sous la terre.

***

- Éteint ta lumière, Carmen.

La jeune fille obéit. Il faisait nuit noire. Mais en fermant les yeux, elle était capable de voir, comme un chat. Et de continuer de marcher.
Bogdan la suivait derrière, fusil en main. Au bout de trente minutes à marcher dans le couloir étroit et métallique de l'oléoduc, il n'y eut plus aucun bruit ou tremblement à la surface.

- Vous pensez qu'ils vont s'en sortir ?
- Le penses-tu ?
- Je... Je ne sais pas... Je les sens se battre... Mais c'est confus...
Comment savez-vous ce qu'il y a, là-haut ? L'enfant ? Venator ?

- Parce que j'ai connu les parents de l'enfant en question.
- Comment ?
- Je les ai tués. Parce qu'ils étaient des psychonautes. Mais leur enfant... Je ne l'ai pas trouvé. Je pense qu'ils l'ont caché.
Vois-tu, en traquant les psychonautes, Venator pensait les éliminer. Mais il n'a pas prévu quelque chose. Quand on chasse, la proie fuit ensemble. De véritables petites tribus nomades de psychonautes se sont constituées. Et de père en fils, ces couples sont devenus de plus en plus puissant.
C'est peut-être ton cas à toi aussi, Carmen... Toi aussi, tu viens d'une tribu psionique ?

- Oui...
- C'est ironique n'est-ce pas ? Une psychonaute qui choisit de rejoindre les traqueurs ?
Comment t-ont-ils accepté ?  

- Je leur ai sauvé la vie... Plusieurs fois...
- Et tu as survécu aux rites initiatiques ? Grâce à ton talent ?
- Oui.


On entendit un grattement métallique. Les deux traqueurs s'arrêtèrent subitement de marcher. Mais Bogdan poussa la jeune fille avec la crosse de son arme.

- Nous sommes comme deux poissons rouges dans un bocal, entouré de chat. Les hyènes grattent. Elles cherchent l'entrée...

Bogdan saignait du nez. Abondamment. Mais ils continuèrent de marcher malgré tout.

- Et cet enfant... Qu'est-ce qu'il fait ?
- Il corrompt. Il utilise la peste... Pour prendre l'esprit des hommes.
- Mais pour quoi ?
- Je n'en sais rien. J'allais te poser la même question.


Long silence.

- Dans mon rêve... La ville n'était pas recouverte de poussière... C'était une cité. Avec des gens. Et de l'eau. Et des arbres...
- C'est peut-être ce qu'il voit. Ce qu'il s'imagine construire. Mais c'est un Homo Novus qui lui fait voir ça. Le but des pyramides, est clairement de pouvoir propager la peste.
- Comment est-ce que ça marche ?
- Ce n'est pas une maladie bactérienne, aérienne ou dans l'eau... C'est... Plus compliqué que ça. Un masque-à-gaz ne peut pas arrêter la peste.
C'est une maladie de l'âme. Qui infecte pendant que l'on dort. Tu n'as jamais eu des cauchemars étranges, lucides, prémonitoires ?

- Chaque fois que je dors.


Nouveau grattement.

- Dépêche. Dépêche !


Ils parvinrent à continuer à l'intérieur de ce tube. Jusqu'à arriver vers une échelle qu'ils escaladèrent. Une écoutille au-dessus fut retirée. Ils grimpèrent tous les deux dehors.

Spoiler:

Des tas d'hommes étaient sur une colline. Nus. La peau blanche. Même les noirs et les arabes avaient un teint livide. Et ils marchaient, hagard. Bogdan tourna son arme vers l'un, puis l'autre, inquiet. Carmen le rassura en posant une main sur le canon de son fusil, le forçant à le baisser.

- Ils ne nous agresseront pas.
- Ils ont le cerveau vidé ?
- Je crois que... De ce qu'ils voient... Ils sont heureux. Ils voient un paysage magnifique, et pas... Ce que nous voyons.
Il faut atteindre cette pyramide. Je ne sais ce qu'on y trouvera, mais nous le devons.


Ils descendirent. Et quand ils furent tout en bas, ils purent voir, sur les montagnes, des hyènes qui arrivaient. Elles avaient les pattes et les gueules dégoulinantes de sang. Et Bogdan, lui, avait les yeux noirs, qui pleuraient des larmes rouges, et les mains qui tremblaient.

- Carmen. Continue de marcher.
Je vais... Rester ici.

- Au revoir Bogdan.


Elle continua à marcher jusqu'à la pyramide, dont un faisceau lumineux sortait et s'élevait à travers le cyclone. Elle ne regarda pas derrière elle. Elle marcha tout droit. En courant. Au bout d'un moment, elle se mit à entendre des rafales de balles, pendant un long moment. Il tint longtemps Bogdan, cet enfoiré. Que des bruits de balles qui retentirent dans le silence de la vallée.
Puis, plus rien.

Et c'est alors que Carmen arriva aux marches. Elle ralentit, essoufflée, avant de s'engouffrer dans la structure.

***

L'architecture de la pyramide n'avait rien d'humain. Elle inquiétait. Les formes étaient bizarres. Géométriquement intenables. Selon toute vraisemblance, elle devait s'effondrer. Mais non, elle tenait droit. Les marches étaient toutes en pierre, mais de tailles et de formes variables, Assez pour donner un sentiment de malaise.

Mais elle monta tout en haut. Et comme dans son rêve, elle vit le cœur qui battait sur l'autel, relié à des câbles métallique. Et un enfant qui jouait avec une voiture de course, assis par terre. Il leva la tête, et lui sourit.

- Tu n'es pas comme les autres.
Dit-il soudain dans une voix robotique, éthérée, assez terrifiante, comme s'il chuchotait dans le fond du crâne de la jeune fille. Surtout qu'en parlant, il n'ouvrait pas la bouche.
- Non.
- Qu'est-ce que tu fais là ?
- Je viens voir un ami.


Carmen s'approcha du cœur. Elle l'observa. Que faire, maintenant ?

- C'est à moi, n'y touche pas.
- Assez joué. Tout ça a pris trop de temps. Et trop de gens...


Elle sorti la griffe d'orichalque, dans sa main.
En la voyant, l'enfant se leva. Il se mit alors à cracher, et à postillonner de l'encre noire. Carmen le regarda, droit dans les yeux. Elle le regarda, en fronçant les sourcils. Elle pensait à Svetlana. Elle pensait à Rex. Elle pensait à... À toute la rage contenue en elle. Sa peur, transformée en rage. Sa fatigue, sa nervosité, transformée en rage pure.

Et alors, l'enfant se tourna, comme si Carmen avait prit le contrôle de lui. Et il se jeta des marches de la pyramides. Et il était projeté, alors qu'il descendait, se brisant le cou et les os, jusqu'à disparaître au loin, vers le sol.
Elle se mit alors à fermer les yeux, et à s'écraser devant l'autel. Elle sombra dans l'inconscience.

***

En rouvrant les yeux, Carmen pouvait très clairement distinguer le cœur et l'autel devant elle. Mais tout autour, il n'y avait plus rien. Plus rien que du vide. Elle marchait sur du vide. En se relevait, elle pouvait voir que tout était bleuté autour, et infini. Elle-même se tenait toute seule. Mais avec la griffe d'orichalque dans la main.

Une chose se mit alors à apparaître devant elle. Une chose... Humanoïde. Mais grande. Haute de 3 mètres. Et fine comme une allumette, et avec des bras qui descendaient jusqu'à ses genoux. Elle ne put s'empêcher de reculer, et de se sentir terrifiée en voyant... ça.

Il semblerait que tu aies été une erreur. Un très mauvais investissement. Mais je ne répéterai pas la même erreur. Tu ne deviendra pas le nouveau Venator.

Carmen voulu dire quelque chose. Mais elle ne savait même pas par quoi commencer.

- Vous... Êtes un... « Homo Novus » ?
- « Homo Novus » ? Ce n'est qu'un label que les gens de ta race ont inventé pour décrire leur destruction. Je suis au-delà de ta compréhension. Je suis l'Éclaireur.
- Qu'est-ce que vous êtes ? Des... Des aliens ?

Il eut un silence.
Et... Un son, guttural. Impossible à décrire. Un... Rire ?

- Oui. Si cela peut vous faire plaisir et vous complaire dans votre servitude. Mais nous ne sommes pas extra-terrestres. Nous nous sommes extirpés de cette planète. Même si notre destinée est bien sûr au-delà.
- « Servitude » ? Vous nous voyez comme... Des esclaves ?
- Nous vous voyons de la même façon dont vous voyez les moutons et les bœufs. Vous n'êtes rien de plus qu'un tas de chromosomes, de chair et d'os qui peuvent se mouvoir, doués d'instincts un peu plus fins et complexes que la moyenne. Mais pour nous, la fourmi la plus intelligente n'est pas plus différente que l'humain le plus intelligent.
Nous sommes un. Nous sommes éternels. Nous sommes chacun une nation indépendante. Nous sommes l'apogée finale de l'évolution. Et vous n'êtes que nos bêtes.

- Quel est votre but ? Pourquoi ces pyramides ? Qu'est-ce que vous voulez de nous ?
- Mon genre transcende le votre. Vous pensez que nous voulons un espace vital sur lequel nous reproduire, ou des ressources à consommer. Cela est bien un comportement de parasite. Mais nous sommes tous unis. En communication. Indépendants. Libres de toute faiblesse. Vous ne pouvez pas même commencer à imaginer la nature de notre existence.
- Qui vous a créé ?
- L'Apocalypse.
- Qu'est-ce que l'Apocalypse ?
- L'erreur des humains.
Vois-tu, humain, c'est pour cela que ton arrivée est inutile. Tu veux sauver une race qui ne peut pas et ne désire pas être sauvée. Tu l'as vu, de tes propres yeux, depuis ton enfance. Des tribus qui s'entre-tuent. Des familles qui se déchirent pour des conflits inutiles et personnels. Des nations corrompues. Des tas d'individus, qui tentent des former des civilisations bancales, simplement pour se battre sur des choses de peu d'intérêt. Les rares individus exceptionnels qui naissent dans votre société, sont limités ; Limités par leur gouvernement, par le jugement de la société, par des distractions inutiles.
Vous êtes une race d'esclaves, avoue-le. Il est si facile de vous rendre serviles. On vous promet un Dieu et vous vous agenouillez. On vous promet de la nourriture et des loisirs et vous vous allongez. On vous exploite. Cela n'est pas important que vous soyez un mur de pureté ou que vous vous vautriez dans la décadence. Le résultat est le même. Vous n'êtes que des bêtes. Des bêtes bonnes à l'abattoir. Si vous êtes libres, vous vous entre-tuez, pour tel ou tel territoire.
L'Apocalypse a également amené ton genre à toi. Les psychonautes. Ni vraiment comme nous. Ni vraiment comme les hommes. Certains psychonautes sont devenus des leaders. Venator. Sammaël le prophète. François le premier Empereur.
Ou... Comme l'enfant que tu viens de tuer.
Mais même avec vos talents psioniques, nous vous voyons que comme un animal qui joue avec un objet d'une facture qu'ils ne peuvent reproduire, ni utiliser. Nous cherchons à vous rendre servile, car vous êtes faits pour être serviles.

- Et je suis venue vous détruire.

Un nouveau rire guttural.

- Tu es très divertissante.
Même si tu parvenais à éliminer ma race, chose qui n'est pas possible, cela ne servira à rien. Tu resteras un humain. Tu resteras un être faible et inutile, qui mourra au bout de quelques décennies, laissant ta descendance parasite pour peupler la Terre et l'anéantir, la polluer, l'atomiser, la réduire en cendres.
Vous êtes les moutons. Nous sommes les bergers. Les psychonautes sont les chiens de berger. C'est ainsi que le monde doit-être. Observe-tu tes frères dehors ?

- Ceux atteints de la peste ?
- Ils sont protégés. Heureux. Dans un état de béatitude complète. Ce n'est pas très différent du paradis que vos religions promettent...
- Et il y a aussi des soldats qui se battent dehors ! Qui luttent face aux monstres que tu attires !
- Inutile. Ils ne peuvent pas me blesser. Ils mourront, et seront torturés par l'éternité.
Le seul homme qui a jamais pu me toucher, fut Venator... Et regarde où il est aujourd'hui.

- Qu'est-ce qu'il a fait ?
- Il m'a emprisonné. Pour m'empêcher de libérer mes centaines de milliers de frères de la glace du nord. Car ceci était mon but.
Il y a des centaines de milliers comme moi, prêts à reprendre la Terre, l'exploiter, et l'utiliser. Des centaines de milliers d'individus indépendants, d'intelligence infinie, capables d'utiliser la nature et l'environnement selon leur grès, à avoir une toile de communication instantanée entre eux. Mais ils sont bloqués... Leur domaine est minime et se limite au pôle nord, emprisonné sous la glace. Je m'apprêtais à les libérer. Mais Venator a utilisé cette... Machine, de construction antique. Et avec le catalyseur, sa force n'a jamais failli. Il a tenu, pendant des millénaires, résistant à ma torture, telle une charogne, s'accrochant désespéramment.
Mais tout ceci se fini. Les psychonautes sont devenus une espèce rare. Plus personne ne s'aventurera pour voir le Catalyseur. Et les derniers vigiles... Sont en train de faire un baroud d'honneur, pensant que toi tu peux les sauver.

- Et elle peut les sauver !

Magnus Venator se montra. On entendait ses bruits de pas. C'était lui, le vrai guerrier. Enfermé dans une armure de chevalier, un crucifix autour du cou, un croissant islamique sur l'épaule, un drapeau français sur le torse, une croix gammée tatouée sur le poing, un étrange symbole de monstre sur la cuisse, un signe païen sur le manteau... Il gardait sur son corps et son armure les traces de centaines de factions humaines différentes. Toutes celles qu'il avait sauvé de monstres au cours de sa vie. Il était l'étendard de l'Humanité. Le meilleur et le pire de tous les hommes. Toutes les familles qui avaient grandit. Tous les connards et les lâches. Tous les grands et les pieux. Il était fondamentalement humain. Leur Augure.
Il était tout ce que l'Éclaireur détestait.

- Bastian Nardavec est parti il y a quelques années. Il est parti, avec l'attention d'exterminer ses frères tant qu'ils sont sous la glace. Mais il a fait quelque chose. Il a amené... Le voile.
Une tempête de neige éternelle, tout comme autour des pyramides, il y a un cyclone de sable éternel. Tant que ce voile tient, les traqueurs du Grand-Nord ne peuvent prévenir le Krak des informations qu'ils ont récupéré... Et du moyen de détruire son espèce.
Mais toi tu le peux. Grâce à la griffe. Tu peux aller dans le centre de la pyramide, braver les monstres qui s'y trouvent, comme les traqueurs te l'ont appris ; Et tu verras une structure coulée dans un métal étrange. L'orichalque le traversa comme un couteau traverse le beurre.

- Mais alors les pyramides s'effondreront. Le voile se dissipera. La peste sera anéantie. Les hommes redeviendront libres, le voile se lèvera, et vous pourrez tenter de nous exterminer.
- Une victoire totale.
- Si seulement c'était aussi simple...
Déjà, il faudrait que Carmen réussisse à braver ce qui reste dans le centre de la pyramide. Des hyènes. Et même si elle y arrivait. Crois-tu que ces pyramides servent seulement à répandre la peste et à maintenir le Voile ?
Les humains ont anéanti la Terre lors de l'Apocalypse. Ils l'ont tellement anéantie qu'elle est à présent instable. Des raz-de-marée, les sols qui bougent, des érosions de côtes... Ces pyramides, je les ai construites pour maintenir la stabilité.
Si tu la détruis, si tu me tues, si je disparais par ta faute, tu auras certes libéré les hommes... Mais tu auras damné l'Humanité. Les prochaines décennies seront des décennies de chaos. Des volcans entreront en éruption. Les nations humaines seront massacrées, elles s'effondreront dans la guerre civile. Vous perdrez votre technologie. Vous ne saurez même plus comment utiliser des armes à feu.
Et nous existeront encore.

- Et Bastian existera encore !
Ils ont trouvé un abri, Carmen. Un abri anti-atomique, où les traqueurs du nord vivent. Ils peuvent traverser l'Apocalypse. Ils peuvent la traverser... Puis reprendre le combat. En levant une grande armée humaine. Tu ne le verras peut-être pas de tes propres yeux. Tu vivras peut-être des temps dangereux et difficiles... Mais en temps et en heure, l'Humanité sera sauvée.


Long silence.

- Ou alors... Si cela est trop dur...
Tu peux me remplacer.

- Ce n'est qu'une enfant. C'est ridicule.
- Mon cœur est en place depuis trop longtemps. Il va être anéanti. Désagrégé.
Mais cette machine a été construite par les Chroniqueurs pour tenir longtemps. Tu peux t'y greffer. Je ne te cache pas ce qui va se passer.

- Ton âme sera mienne. Je continuerai de régner. Je continuerai d'envoyer la peste.
- Mais tu pourras lutter contre le voile, tu pourras... Donner un sursis à l'Humanité. Comme un noyé qui remonterait à la surface quelques instants avant de retourner en apnée.
- Mais après, je te torturerai. Je te torturerai sans relâche pendant aussi longtemps qu'il le faudra. Peut-être ne tiendra-tu pas 2 jours avant que tu craques et que je redevienne libre. Peut-être que tu tiendras 2 années. 20 ans. Qu'importe. Tu failliras à un moment ou à un autre.
Mais nous sommes Éternels. Nous gagnerons à la fin. Et sans le Catalyseur des Vigiles, tu n'auras aucun soutien, aucune seconde chance. Tu auras damné l'Humanité.
Retourner au Moyen-Âge, ou faire le pari d'achever ce conflit contre la montre, alors que vous n'êtes pas unis, alors que vous tombez dans le chaos et l'anarchie... Aucune solution ne vous est favorable. Nous avons gagné. Faites ce que vous voulez.

- Carmen. Il sous-estime l'Humanité. Mais qu'importe ta décision, sache ceci : Nous lui prouverons qu'il a tort.
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Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]  Empty
MessageSujet: Re: Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]    Thébaïde fantasmatique [Partie III : la Plaie d'Egypte]  I_icon_minitimeLun 1 Mai - 15:02

Le choc fit vaciller Carmen. Le poids du sort de l'Humanité écrasa ses frêles épaules. 
Le choix qu'elle devait faire à présent... la responsabilité d'une telle décision fut si insoutenable qu'elle chut de ton son être, de toute son âme.

Carmen resta prostrée pendant ce que l'on pourrait définir absurdement comme une éternité. Car ici, dans ce domaine psionique, demeure de l'immatérialité pure et des mystères profonds, le temps se trouvait dépouillé de toute substance permettant sa compréhension. Quand le temps ne s'écoule plus, alors comment le mesurer ? Comment même le comprendre ?

Une éternité... 
Carmen n'osa pas relever la tête de ce sol invisible sur lequel elle se trouvait écrasée par le poids de sa tache enfin révélée par Venator en personne. Car derrière elle une ombre l'étouffait.
La présence de l'Homo novus était si écrasante qu'elle suffoquait alors même qu'en ce lieu surnaturel son corps n'exprimait nul besoin de respirer. 

La mort de l'Humanité toute entière. Cette pensée à elle seule, horreur si absolue que l'esprit ne pouvait que difficilement l'approcher, provoqua des tremblements dans tout le corps de Carmen. Des spasmes si violent que ses os semblaient au point de rompre.

Une Terre sans humains. Une Terre dominée par... autre chose. Des millénaires d'évolutions. Des civilisations, des émotions. La fin de l'amour, de l'espoir. 
La mort de Dieu lui même. 

Ses pensées s'embrouillèrent, se mêlant par centaine. Un gouffre venait de s'ouvrir dans l'esprit de la jeune humaine. Un gouffre sans fond, finissant pourtant sur une chose : la folie. 
Et c'est par un effort incommensurable que Carmen lutta. De tout son être, de toute son humanité pour ne pas glisser vers cet abysse, tombeau de l'espérance de toute une race.

Et elle sentit alors sa joue se réchauffer. 
Une main lui caressa le visage avec une telle tendresse, une telle bienveillance que toute son âme se réchauffa de cette chaleur humaine. De ce contact, de cette braise la flamme se ralluma.
Une volonté pure inonda alors l'esprit de Carmen.

Elle releva son visage pour découvrir qui se tenait de l'autre coté de cette main providentielle. 
C'était Rex. Et Strabo. 
Et Venator. Et Dieu. Et son père, et sa mère, et chaque être qu'a compté, que compte, et que comptera l'Humanité. 


Alors Carmen prit une profonde respiration. La plus profonde jamais prise par un être humain.
Et se trouva terriblement calme. 
Se relevant alors sans difficulté elle se tourna et fit face à l'ennemi. Un simple regard suffit à faire s'évaporer l'ombre de l’Éclaireur. En un instant, Carmen venait d'éliminer la présence psionique de l'Homo novus, forte de sa nouvelle et irrésistible énergie.

Elle se sentit pleine de vie. Rayonnante. Si elle se mettait à engendrer des enfants, elle pourrait mettre au monde une Humanité toute entière.

Je suis enfin là. Pensa-t-elle avec une telle conviction que ses propres mots venaient se répercuter dans son esprits comme un écho. Je suis dans le Présent. 
Elle ferma les yeux dans un monde sombre et vaporeux et les rouvrit dans la pyramide froide et hostile.
Quelque action que je souhaite entreprendre, le temps est venue de l'engager. 


Carmen ne prit même pas la peine de regarder autour d'elle. Elle ressentait déjà ce qu'il y avait à voir. Des hyènes, exagérément énormes, les griffes sorties, gueules ouvertes et affamées.
Mais les bêtes étaient toutes figées.
Statufiées.

Et juste devant elle se dressait l'imagine du martyr ultime. Martyr d'une race toute entière.
Une momie assise sur son trône de câbles, de seringues et d'appareil d'un autre Temps.

Des yeux desséchés la jaugeait. Venator vivait encore. Sa cage thoracique se soulevait avec difficulté et souffrance.
Carmen se rapprocha encore plus près. La griffe scellée dans son poing.
Elle connu alors le plaisir de se refléter dans les yeux de Venator comme dans d'infinis miroirs.

Et Carmen dépassa alors le trône d'épines. Car derrière s'achevait sa quête. En bas de ces escaliers se trouvait le cœur de toute cette incroyable machinerie qui maintient la cohésion de la Terre elle même.
Non, elle n'allait pas donner encore un sursis absurde à l'Humanité. Elle allait au contraire forcer celle ci à plonger dans son ultime combat. Si l'Humanité se montrera digne, alors elle perdurera. Sinon quoi, elle ne méritait finalement pas sa place sur cette Terre.
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