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 Flagellum dei

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Mathusalem




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MessageSujet: Flagellum dei   Flagellum dei I_icon_minitimeJeu 12 Oct - 18:43

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JOA & KARRIB


Même un esprit aussi austère que celui de Karrib ne pouvait être autre chose que contemplatif face à l'éclat de la citée de Tell'Azir qu'il apercevait au travers d'une minuscule lucarne dans le mur du café. De l’esplanade on avait une vue plongeante sur la ville qui s'étalait dans la plaine semi désertique, ses rues étaient larges et d'une symétrie parfaite, son pavé propre car soigneusement entretenu, ses rues débarrassées du moindre déchets. Chacun de ses bâtiments avaient été construit en dur, d'une brique d'un blanc nacré, éclatant sous le zénith ou reflétant l'orange du crépuscule en soirée. Des ruelles recoupaient des allées recoupant elles mêmes les artères principales qui menaient au cœur imposant de la cité.
Au centre se dressait le monument le plus imposant. Le Phare de Tell'Azir se posait en maître de la ville, ses habitants lui vouant déférence et vénération. Le Phare gardait le peuple de tout l’Émirat à l'abris des monstruosités car à son sommet trônait l'artefact le plus précieux du pays, octroyé en personne par la Sainte au premier roi de Babylie qui ordonna l'édification de cette imposante tour, gardienne du cube d'orichalque depuis ce jour. Cette matière, importée de l'autre monde, permettait aux pouvoirs de Sainte Carmen de se manifester, gardant ainsi le peuple hors d'atteinte des démons dans la Trame comme dans le monde physique.

A coté du Phare se trouvait entre autre le Trésor de la ville, le Grand Temple et les Galeries. Le palais princier se trouvait, lui, en haut de l'esplanade, petite colline à l'agencement plus chaotique que la partie se trouvant en plaine.

Karrib finit par arracher son regard de la lucarne pour le laisser divaguer à nouveau dans la pénombre épaisse du café alors que de sa main lui ramena l'embout de la chicha à sa bouche, recrachant rapidement une bouffée de vapeur qu'il prit néanmoins la peine de souffler sur le coté pour ne pas enfumer son ami à peine retrouvé.
Il pointa deux doigts en direction de Joa, après avoir avalé la nouvelle que celui ci lui avait lâché il y a quelques minutes :
-Alors quoi ?
Maintenant que tu t’apprête à être sacré Vigile tu t'attends certainement à ce que je me jette à tes pieds pour les baisers en implorant, limite pleurnichant, que tu me révèle ce que les grands esprits de l'au delà et d'on ne sait où à la fois, on prévu pour mon âme ?

Karrib joignit ses deux mains, tenant toujours l'embout et les secoua ridiculement :
-Pitié, pitiéééé, dis moi que mon âme de pécheur connaîtra la rédemption. O miséricorde ! O Saint de toi, parles aux dieux et qu'ils m'accordent leur foutu salut !
Sa mine se fit alors plus grave alors qu'il reprenait place confortablement avachis dans sa colline de coussins multicolores, concluant, comme dégoutté :
-Moi je te le dis Joa, yeux dans les yeux : tout cela finira par te monter à la tête mon ami.

Cela faisait plusieurs mois, rallongés par l'incertitude, que Karrib n'avait eut de nouvelles de Joa. Pas la moindre. Ni lui, ni la famille de Joa, ni quiconque dans leur village natal du Levant.
A vrai dire si même Karrib n'avait été informé du départ de Joa, personne d'autres n'auraient eut la moindre chance de l’être. L'un et l'autre se trouvait lié, depuis leur enfance et ce jusqu'à leur mort, d'un lien fraternel pourtant plus fort que celui du sang. Alors quand son ami fugua, Karrib fut le premier à en avoir le cœur vriller. Aucuns signes avant coureur, pas un mot, pas une phrase pour que son esprit puisse s'imaginer cette éventualité. Oui, ils étaient tout deux extrêmement différent, notamment par la foi qu'observait Joa, une foi qui s'est fait certes de plus en plus vigoureuse mais sans jamais laisser entrevoir le moindre coup de folie d'un exalté.

Pourtant Joa était partis, d'un jour sans lendemain, laissant un vide. Partit pour la ville, partit car une voix le lui avait ordonné. Quand Karrib entendit cela de la bouche de son ami de toujours il y avait de cela une poignée de minute, il avait cru tout bonnement s'asphyxier avec la fumée de la chicha. Il toussa à en perdre la voix.
La personne qui avait parlé avec Joa existait bel et bien et se trouvait être une Vigile de la Sainte Mosquée. Elle était "l'observatrice", l'un de ces vigiles possédant un don lui permettant de détecter d'autres psychonaute. Les rares observateurs, d'anciens et sages Vigiles, sont ainsi chargé de détecter les hommes et les femmes à potentiel. Puis de les guider jusqu'à eux où là, de nouveaux Vigiles prendront en charge le nouvel arrivant.
Joa avait donc quitté son village il y avait de cela trois mois pour arriver jusqu'à Tell'Azir trouver la congrégation des Vigiles dans la capitale de l’Émirat.

-Ce n'est pas comme ça que tout cela marche. Confessa alors Joa, moitié joueur moitié blasé de l'attitude constamment défiante de son ami envers les grandes institutions du royaume.
-Et tu le sais.
Karrib balaya toute possibilité de réponse et attaqua de nouveau :
-Tout cela ne t'apportera que du malheur, à toi et aux autres. Tu leurs manque, tu leur manque à tous là bas, au village, crois le ou non mais mon con, ils t'aiment. Le p'tit Hadiir est inconsolable depuis ton départ, je te jure. J'te parle même pas de tes sœurs. Et qui va veiller sur elles d'ailleurs maintenant ?
Tu as des obligations. Bien plus importantes que ces... conneries. Tout ça c'est de la couille.
 Conclu-t-il à voix haute en désignant la ville se laissant apercevoir de l'autre coté de la fenêtre.
Pourtant le jeune homme n'en démordit pas, et toujours avec son calme caractéristique, se contenta de nier de la tête, un sourire las se dessinant sur ses joues.
-Tu ne comprends pas.
J'ai prié.
J'ai prié et prié. Toute ma vie.
Et voilà qu'Ils viennent de m'accorder leurs don !
C'est une responsabilité énorme, difficile autant que sacré. C'est ainsi, Ils l'ont choisit.
Quels que soit leurs plans je me dois de les servir, je n'ai pas le choix même si je le voulais. Car maintenant ma volonté ne compte plus, je m'en remet à plus grand.


Une telle tirade foutue les jetons à Karrib. Littéralement. Mais jamais il ne l'aurait confié, ni même le laisser transparaître. Il reconnaissait bien là son ami, son fidèle ami d'enfance, son frère de choix, c'était indiscutable, mais ces paroles le prirent aux tripes, d'une facon si violente que lui même ne pourrait seulement l'expliquer de par son inimité pour le Temple et tout ce que son esprit englobait dans ce mot.
Alors il répondit comme on attendait de lui, avec détachement :
-Alors tu vas devenir un instrument. Un outil. La truelle des dieux. Formidable.
Encore ce sourire las en face :
-Je ne m'attendais pas une seule seconde à ce que tu comprennes.
Mais à présent j'attend de toi que tu respectes cela.

Alors Joa eut un de ses rares regards pour son ami. C'était la limite. Celui ci avait une conscience du sacré et de la chose religieuse que son comparse ne tenait pas dans son cœur. Pourtant l'un comme l'autre se devait de respecter les positions de chacun, pour préserver leur amitié.

C'est le plus jeune qui dissipa la raideur soudaine de l'ambiance, Joa montra l'uniforme matelassé de son comparse lui demandant :
-Alors tu veux incorporer la garde ?
-Zephyr.
Compléta le concerné qui se pencha sur ses habits comme s'il découvrait qu'il n'était point nue dans le café. Il portait un gambison en cuir fin, tenue des admis-recrues de la garde, à cela de plus que les armes de l'Emirats se trouvaient broder sur ses épaules, montrant que la recrue aspirait à intégrer la garde Zephyr, élite des forces de l’Émirat.
-Je croirais presque que tu t'es décidé à t'installer ici uniquement dans le but de me retrouver.
Karrib eut un souffle dédaigneux, presque contrit :
-Zaha et les jumeaux se plaisent déjà ici, même si l'on ne vit encore que sous les tentes ramenées du village. Quand j'aurais intégré la garde j'aurais une bonne solde, de quoi abrité dans le dur ma famille bien après que je sois mort sur le champ d'honneur, une pile de cadavres à mes pieds.
Son ami eut une mine attristée et un regard sur la fenêtre :
-Tu déteste cette ville. Et ces gens.
Joa le connaissait que trop bien, aussi eut il un râle confirmant sa pensée :
-Les trois quarts des recrues tombent d'épuisements après seulement six tours de stades.
Ils sont faibles.
Ici, des gens sont même payés pour ramasser les ordures des autre gens, te rends tu compte ? Le degré de folie décadente qu'à atteint cette ville... et c'est la campagne qui engraisse cette citée, par chariots entiers, jour et nuit. Eux ils peignent, prient, jouent du luth et pratiquent leurs chants tout en s'engraissant, vautrés dans leurs divans supportant à peine leurs poids.
Je ne vois là qu'une bande de dévots fainéants.
Des faibles.

Joa n'eut qu'un haussement d'épaule face au coup de sang de Karrib :
-Moi même je suis un faible. Répondit il calmement. Nous avons grandit dans le même bazar poussiéreux et pourtant je n'ai pas le quart du dixième de ta force.
Il le coupa net en se rapprochant pour lui frapper son doigt en plein sur son thorax :
-T'es bien plus fort que tu ne le penses. Bien plus que ce ramassis de tas de cons. Il frappa à nouveau son doigt sur le thorax de Joa. T'as pas les muscles mais t'as un putain de mental. T'as l'esprit.
-Le savoir sans le pouvoir c'est comme être un poète dans le désert.
Savoir sans pouvoir n'est rien.

Karrib répondit un franc "Pas d'accord" avant de tirer une grande bouffée de sa chicha et se laisser retomber sur sa confortable colline.
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Mathusalem




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MessageSujet: Re: Flagellum dei   Flagellum dei I_icon_minitimeJeu 12 Oct - 19:15

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AMATA & HOPI




Une ribambelle de marmots s'agitait là, leur vigueur à peine entamée par la pesante chaleur du midi, vifs comme une nuée de guêpes autour d'un godet de gruau. Ils braillaient, gueulaient, mais excavaient malgré tout des pelletés et des pelletés de terre sèches. Des enfants, traînant des seaux aussi lourd qu'eux, et usant de pelle faisant trois fois leur taille, entrant et sortant du tunnel n°8 de la Ferraillerie d'Ab'el'kezir.

Du fond de la cavité l'on entendit soudain un hurlement victoire, bientôt repris en une multitude. « Ayé ! Ayé ! ».

-Ils l'ont retrouvé ?
Non loin de là deux chevaliers traqueurs observaient  la manœuvre, abrités à l'ombre d'une tente et attablés autour d'une tasse de thé brûlant. Devant eux s'étalait toute la Ferraillerie. Les toiles de tentes étaient dressées par vingtaine, entourant le centre du site d'excavation où se trouvait les huit tunnels menant dans les profondeurs et par là même aux richesses d'un lointain passé.

La traqueuse n'eut pour toute réponse à son homologue qu'un bref hochement de tête affirmatif et celui ci reprit, après une première gorgée lui mettant les larmes aux yeux :
-Leurs cris de joie nous indique qu'ils ne sont pas tombé sur un cadavre tout du moins. Soit rassurée, ton écuyère a survécue !
Le chevalier décocha un sourire en coin et se retenta à une gorgée de sa boisson chaude.
Les bambins finirent rapidement de piailler à la venue des contremaîtres. Ils avaient réussi à porter secours à la pauvre écuyère s'étant retrouvée piégée dans un tunnel éboulé, sort terrible les guettant tous, mais maintenant leur mission de secours accomplie, il était temps de s'y remettre. Voilà qu'ils étaient remis en rang et ré-assignés à leur labeur quotidien : ramper dans d'étroit et sombre goulot pour y déterrer des trésors aux valeurs inconnus. Des bibelots des temps anciens si usé par le temps que même leurs contemporains n'auraient pu les reconnaître. Ce n'était plus que de la ferraille, bonne à être fondue.

Ici, sous la terre sèche et ocre  d'Ab'el'kezir se trouvait en effet une ancienne cité. Chaque tunnel aboutissait sur les vestiges d'une maison, d'un entrepôt ou bien même pour le plus long et le plus profond d'entre eux, dans les restes des égouts de cette ville enfouis dans l'infini étendue de sable.

Le négoce des Ferrailleries se trouvait être une activité des plus récentes,  la fermeture des frontières du royaume a vu la mort des entreprises de récupérations, affaires pourtant très lucrative. Aussi certains malin ont fini par regarder sous leurs pieds, se demandant quelles richesses pouvait se cacher là dessous.
Un nouveau champ d'opportunités c'était ainsi ouvert pour Amata et ses travaux.

La chevalière regarda son initié s'approcher d'elle, heureusement guidée par la main d'un des enfants car visiblement trop hagarde pour marcher droit, avec une expression figée. Une expression qu'on aurait pu interpréter -à tort!- comme un mépris des plus sec.

Elle prit la gourde à ses pieds qu'elle tendit à son écuyère. Celle ci mis plus de temps que nécessaire à se décider de mouvoir ses muscles pour s'en saisir aussi durcit-elle ses traits pour montrer son impatience à rester là, bras tendu comme une pauvre conne, puis congédia l'enfant d'un bref mouvement autoritaire de la main après que son écuyère se décida enfin à saisir la gourde offerte par sa supérieur.
Hopi se gorgea d'eau comme un égaré dans le désert, elle faillit bien s'étouffer une fois, puis une seconde mais ne s’arrêta qu'à peine d'ingurgiter tout le contenu de la gourde.
Ses genoux flagellaient encore pathétiquement autant que ses doigts tremblaient. De l'eau ruisselait de son menton jusqu'à sa tunique poussiéreuse, incapable qu'elle avait été de contrôler ses tressautements. Elle baissa la gourde vide d'une extrême lenteur, son regard toujours accroché sur le ciel, ou le toit de la tente face à elle on ne saurait dire. Ses lèvres s'ouvrir mollement, encore abasourdie :
-Mon... J'ai... à peine touché un pillier... et tout s'est... tout s'est...
Le reste mouru dans un sanglot étouffé.
Le chevalier, saisi par le choc de l'écuyère, tenta bien vainement de la rassurer par quelques paroles puis en rapprochant doucement une main pour la consoler avec prudence, la pauvre jeune fille semblait si fragile pensa-t-il, qu'une pression trop forte sur son épaule semblerait pouvoir la briser pour de bon.

Sa tutrice n'opta pas pour la même approche :
-Je te l'ai dis, je te l'ai dit pourtant diable ! De prendre garde à ne pas toucher les piliers de soutènement.
Son visage se crispa d'un niveau de honte supplémentaire à son état de choc, sous les reproches de sa chef. L'autre traqueur tempéra alors :
-C'est bien pour cela qu'ils envois des enfants dans des tunnels et pas des jeunes gens.
Amata retint le venin d'une insulte sur le physique gringalet de l'écuyère entre ses dents qui grincèrent pourtant.

Posant finalement la tasse de thé qu'elle avait tenu jusqu'alors, elle demanda plutôt d'un ton se voulant plus accommodant :
- Ce que tu nous a remontée, montre donc.
Hopi resta pourtant figée dans l'exact même posture, comme frappée soudain de surdité. Elle s'y revoyait, non pas sourde mais aveugle, totalement aveugle. Sa petite lanterne s'était brisée dans la panique, comme le peu de courage qui lui restait après cette interminable et éprouvante fouille. La terre lui avait presque entièrement engloutit les jambes derrière elle et devant, au loin, la lumière salvatrice du bout du tunnel venait de disparaître sous l’éboulis. A seulement quelques misérable mètre de la surface.
Elle avait paniquée, hurlant de terreur comme une aliénée. Hurlant à s'en pisser dessus. Plus de lumière. Plus la moindre force dans ses bras douloureux. Et cette atmosphère... suffocante ! Déjà elle se voyait mourir d'asphyxie. Rien à faire, paralysée qu'elle était, sans bras, ni jambes, ni yeux il n'y avait plus que son esprit pour penser à sa mort prochaine.
-Ton sac, con de diable ! Laisses donc mirer, Hopi.
La voix sèche l'a pris à la gorge mais eut le contrecoup de la ramener à la réalité. Ses yeux papillonnèrent comme ceux d'un aveugle retrouvant la vue.

Elle était sortie, belle et bien sortie de ce tunnel infernal.
Devant elle deux chevaliers, dans toute leur carrure et leurs prestances, assis sur leurs tabourets respectifs autour d'une petite table au bois grinçant.
Son balluchon se décrocha de son épaule avec saccade, comprenant soudain ce que lui avait aboyée sa chef.

D'un geste d'une grande bonté sa chevalière tutélaire lui demanda de s’arrêter avant même qu'elle ne se penche pour sortir ses trouvailles du sac, Amata préféra amener le sac à elle et y trifouiller d'elle même.
-Whoua.
Son ton fut volontairement monocorde alors que la chevalière dégagea une étrange baguette de fer rouillé se finissant en une sorte d'étrange louche percée et dentelée.
-Tu sais de quoi il s'agit ?
Hopi n'eut qu'un difficile hochement de tête négatif, sa gorge était encore trop nouée pour lui autoriser le moindre mot.
-C'est une cuillère à pâtes.
Aussi rouillé elle ne valait plus rien pour la refonte. Les mains d'Amata sortaient à présent un petit flacon.
-Un flacon à épices... Ah ?
Ses mains sortirent autre chose.
-Un second flacon à épices.
Cette fois ci, et malgré l'état de son écuyère qu'elle concevait pourtant bien, Amata ne pu garder pour elle un « fantastique » qu'elle fit siffler moqueusement entre ses dents.
-Et... Une ossature de pain-grill.
L'autre chevalier intervint pour toute défense :
-Moins attaqué celui là, ils pourront le faire fondre.

Pourtant la chevalière finit par avoir un haussement de sourcil et un « Ah ? » franchement intéressé. Du sac elle tira avec grande précaution un petit livret.
Les écrits des anciens revêtaient une importance capitale pour les travaux de recherche d'Amata, ils étaient ses plus puissants outils pour reconstituer ce qu'avait pu être leur monde, un monde et une histoire pourtant ignoré par la majorité, voir bien souvent complètement nié.

Froncements de sourcils.
-La notice d'un four à micro ondes.
-Un quoi ? S’interrogea son collègue en marmonnant.
-Tu es tombée dans une salle, et une seule ; a pris ce que tu pouvais et rebrousser chemin aussi sec. Hé bien... c'est décevant.
Mais pas surprenant.


Regardant la couverture de la notice qu'elle tenait encore dans ses mains, Amata laissa ses pensées divaguer un moment, remontant à ses quelques explorations souterraines personnelles. Leurs cuisines, c'était toujours le choux blancs assurés. Une pièce de choix pour les ferrailleurs, mais tout l'inverse pour elle. Passer une moitié d'année à traduire un bouquin ne contenant au final que des recettes se révéla être des plus frustrants. Dès lors Amata avait apprie à ne pas trop s'attarder dans ce genre de lieux.

La chevalière ne pris même pas la peine de reposer le livret, après s’être remémorée un échec passé elle préféra le lâcher tout simplement. Le livret pour laquelle Hopi avait risquée sa vie se planta dans le sable aux pieds de sa supérieur. Cette dernière se dressa sur son tabouret plus pour s'étirer que pour se donner de la stature et commença à peine à parler :
-Hé bien, un travail mené à la diable mais qui aura eut bon de...
Amata s’arrêta net en voyant l'expression déchirante de son écuyère. La chevalière se raidit un bref moment, indisposée. Un regard au ciel, puis à son collègue.
-Prends congé Hopi. Tu me remerciera plus tard de t'avoir éviter de fondre en larme devant deux chevaliers.
La gamine eut un hochement de tête mollasson en remerciement et tourna rapidement les talons, repartant une main sur sa bouche pour contenir son sanglot encore un peu plus longtemps.


La silhouette de Hopi disparaissant enfin parmi la multitude de tentes, le collègue d'Amata se permit de lâcher un sifflement impressionné.
-Rude.
La traqueuse se tourna sèchement, braquée :
-C'est une critique ?
Il leva les yeux au ciel, puis ses mains qu'il porta haut au dessus de lui pour s'étirer le dos. Voilà une demie heure déjà qu'ils se tenaient simplement assis là tout les deux.
-Bha... Commença-t-il en cherchant son ton le plus coulant possible. Elle s'est vue mourir là dessous la petite. Mourir par la sainte ! Elle est sous le choc comme n'importe qui le...
-Comme n'importe qui ? A chouiner misérablement ainsi ?
Aamta lâcha un souffle dédaigneux. Diable ! Tu n'as pas idée comment cette fille est une froussarde. Mais moi je perd pas espoir à finir par l'endurcir.
-Une froussarde ? On a pas les mêmes définitions. Ta gamine là, je l'ai vue carrément terrorisé à l'idée de ramper dans un de ces tunnels. Et alors quoi ? Et bien elle y ait quand même allée, ramper dans un de ces foutues boyaux.
Rire dédaigneux. Amata se revoyait gamine, des expéditions dans les ruines elle en avait fait son passe temps favoris. La peur elle l'a connue, et elle l'a domptée. Mais même à ses premiers pas, jamais elle ne s'en était trouvée apeurée au point de se faire dessus comme cette pauvre gosse.
-Nos jeunes sont devenues des êtres fragiles, je te le dis. Des précieux, toujours à l'abri qu'ils ont été dans leur case, à manger toujours à leur faim... Ils ne connaissent pas la véritable peur.
L'apprentissage de tout traqueur devait se faire dans la douleur, Amata plus que d'autres croyait en cette vision. Il n'y avait besoin d'aucunes subtilité, d'aucuns détours intellectualisant. Il fallait modeler l’être de l'initié à grand coup de poing car l'on ne choisissait pas réellement de devenir Traqueur : l'on y été poussé à l’être. Par les épreuves, les difficultés, l'expérience.
Son collègue haussa une énième fois les épaules, écourtant une nouvelle fois la discutions. Il avait déjà par trop de fois tenté de lutter, plus que de débattre, avec Amata sur de nombreux sujets. La traqueuse n'était qu'un énorme rocher, d'un seul bloc, absolument imperméable à toutes idées opposée à sa vision des choses.
-Je repart pour Babel demain dans la matinée. Le contremaître s'est proposé de nous offrir repas et literie alors si vous...
La traqueuse coupa court à l'invitation de son collègue :
-Non, nous ne restons pas. Je lui laisse une heure de repos et nous reprenons la route.
-Ah ?
La traqueuse leva les yeux aux ciels, irritée par l’incapacité de son collègue à formuler simplement une question compréhensible.
-Nous devrions arriver au caravansérail de l'oued tahar en fin de soirée.
Son collègue reçu la nouvelle avec une simple grimace :
-Des gens peu recommandable par là bas... Personne n'a oublié leur histoire dans le coin, la trahison et l'hérésie de leurs pères. Ils sont fui comme un village de lépreux.
-Une caravane Tahari a fait halte dans un ancien fort datant de bien avant la Fracture. Dans son sous sol ils y auraient trouvé des objets méritants que l'on s'y risque à y jeter un coup d’œil.
Le traqueur hocha la tête affirmatif, comme s'il avait la moindre idée de quoi il pouvait bien s'agir. Mais quand Amata lui dit qu'elle allait partir pour informer son écuyère de leur départ prochain, son collègue l’arrêta, se proposant plutôt d'y aller, lui, seul.


Le traqueur partit alors dans l'amoncellement de tentes de la Ferraillerie, ses genoux encore douloureux d’être resté assis une demie heure sans rien faire de plus que de boire du thé, siffler, et écouter les récriminations de sa collègue décidément d'une humeur constamment hargneuse.

Sortit de l'ombre de sa tente, déjà il suait à grosse goûte. L'air était chaud, le sable, sa cape, le fourreau de sa lame. Épongeant son front d'un tissu sortit de sa poche il continua à se faufiler dans le campement en pestant : qu'elle folie ces hommes avaient eut de s'installer ici. Tout cela pour la recherche du profit.
Oh ils l'on trouvé oui le profit, bien juteux, mais à quel prix ? A celui d'un soleil mortel et à l'exploitation d'orphelins des caravanes et de gosses des rues.

Le traqueur finie par trouver celle qu'il était venue chercher. Hopi avait filer trouver refuge là où elle avait trouver de la place et de l'eau : la tente de ravitaillement. Le chevalier alla s'asseoir à sa table.

Yeux rouges et fronts bas, il commença par l'informer des ordres de sa supérieur : ils allaient repartir dans l'heure. L'initié se crispa d'un niveau supérieur, si cela était musculairement possible.
Alors il eut un souffle de compassion :
-Je sais exactement ce que tu te dis.
Tu veux fuir. Tout lâcher. Qu'importe ton déshonneur, hein ? Tant que tu te sauves de ce malheur...
Mais à t'échapper tu ne te couvrira pas seulement de honte, ta famille, ton nom le subira aussi.
Gardes à l'esprit que tu t'es engagé dans une voie noble. Autant que difficile.

Et il en resta là, pour un moment.
Il scrutait Hopi à la recherche d'une quelconque réponse, mais il ne capta même pas le moindre mouvement de corps. Il se racla la gorge bruyamment, incommodé. Comment l’atteindre ? Il avait plein de qualité et le savait, mais réconforter les gens n'en faisait clairement pas partie.
-C'est une vraie vipère hein ?
Hopi eut presque honte de relever la tête à ce moment là. Lui eut un sourire.
-Son poison t'as amené à croire que tu n'as pas les épaules pour devenir un Traqueur, hein ?
Son sourire s'élargit encore et avec entrain il conclu :
-C'est pas elle qui pourra dire si t'es un bon traqueur.
Ce n'est même pas moi. Il n'y a que toi pour le savoir.

Se levant, il finit :
-Te laisse pas ronger ni par le doute, ni par son poison.
Une seule chose est sure : le doute te fera tomber dans l'échec.


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Mathusalem




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MessageSujet: Re: Flagellum dei   Flagellum dei I_icon_minitimeDim 15 Oct - 10:52

Flagellum dei 1508009219-bazaar



YUSSUF



Le Bazar aux amulettes se trouvait bondé au delà de toute entendement le soir venu.
Les ombres vespérales et la rumeur lointaine des chants provenant du Temple plus haut sur la colline, baignaient le marché tout entier dans cette ambiance mystique essentiel à sa renommée. A chaque coin de rue de jeunes prêtres délivraient leurs sermons à la foule de passants, des gardes tenaient bien haut et fièrement la bannière aux couleurs de l’Émirat et une foultitude de gamins turbulents se trouvaient agglutinés au fond des allées. De chaque cotés des rues : des échoppes et magasins en dur, volets et marchandises déployés : une infinité de fragrance différente d'encens se vendait et s’échangeait ici, tout comme des parfums, de la myrrhe, quantité de fioles et de pots contenants onguents, baumes et autres liqueurs aux vertus thérapeutiques aussi diverses que la forme de leurs flacons. Et bien évidement, des étalages entiers d'amulettes et de reliques, bénites dans les Temples de Lévantine et de Babylie. Il y en avait pour tout, absolument tout du mal de pied à l'aphrodisiaque, une pour s'attirer la faveur des esprits et d'autres celle des hommes.

Et au milieux de ces échoppes : un torrent permanent de monde. Les cris, les bousculades, l'odeur entêtante des diverses fragrance d'encens se mélangeaient en un entêtant magma olfactif.


Fendant la foule comme un navire brisant les vagues, une troupe de gardes s'approchaient d'un pas rapide de la place sud de la ville.
Quatre fantassins et leur sergent en tête tout revêtu de ses atours de la prestigieuse garde Zephyr : une tunique matelassée bleue aux diverses décorations bigarrées, une lame d'acier courbé gardée dans son fourreau d'une main couverte de bagues et de bracelets, affichant ainsi son grade, son secteur et ses médailles de service.
Le sergent tenait son casque à ses cotés de son autre main, dévoilant sa chevelure crépue et grisonnante coupée court, ses boucles d'oreilles et sa face burinée typique des gosses né dans l'Est désertique. Celui ci ne passait pas un mois sans repenser à l'infinité du désert, sa quiétude à peine brisée par le vent sifflant entre les dunes et les bêlements des bêtes du troupeau quand l'ont voyageait entre deux oasis.
De la chaleur du sable au bouillonnement des villes ça avait été un choc pour le Sergent. Il ne s'était jamais vraiment fait à cette frénésie, cette folie douce qui s'emparait des gens. Autant de personne vivant entassés dans de si petite zone, inévitablement ça créer des tensions. Les cités sont les mères de tout les vices. Pour preuve : pas besoins du moindre garde Zephyr dans les caravane ou les oasis...

Le sergent ne pouvait s’empêcher de ressentir un certain dégoût chaque fois que son regard plongeait dans cette marrée humaine.
Là, au centre de la place, une fois monté sur le kiosque central, une vue panoramique s'offrait à lui. Une image lui revenait. Ces hommes, ses femmes et ses enfants se bousculant, hurlant, bramant, ils se comportaient tel un troupeau lors de la migration hivernal. Un troupeau de bêtes, de gibiers.

Il se tendit d'un niveau supplémentaire en discernant enfin le Haut Sacerdoce du Temple de Nivi s'extirpant de la foule pour venir à la rencontre de lui et de ses hommes sur le kiosque.
Yussuf.
Les femmes étaient charmées de sa beauté : "O Sainte, ce n'était pas un homme, mais un ange noble que voici" s'exclamaient-elles. Et les hommes le jalousait pour cela, mais d'autre part le respectait pour sa verve et son humeur qui semblait toujours égale. Un gars sur qui l'on pouvait compter semblait-il de prime abord.
Le sergent n'était pas de cela. Car il avait eut plusieurs fois à collaborer avec le Haut Sacerdoce et le connaissait bien mieux que n'importe lequel des prêtres se tenant à ses ordres.

Les soldats et leur supérieur accueillir l'homme du temple par une courbette de rigueur.
- Sergent Mopatis, toujours le même plaisir de collaborer avec vous.
Yussuf décrocha un de ses sourires ravageurs qui rebondit pourtant sur l'impénétrable cuirasse du soldat.
- C'est vous même qui m'avez mandé pour cette mission j'imagine. Exprima avec lenteur le sergent, plus comme une affirmation que comme une question.
Pourtant des questions, il en avait qui le travaillait à cet instant. Il n'appréciait pas cela, comme piégé dans les manigance du sacerdoce. Yussuf savait pertinemment que le Sergent n'aimait pas intervenir en ville. Trop de monde, pas de place pour manœuvrer, trop de regards aussi. Il exécrait user de violence face à témoin, mais savait néanmoins où était sa place : les ordres sont les ordres, aucuns moyen de s'y dérober, d'encore plus quand l'homme qui vous commandé partait en mission avec vous.
Encore une particularité du Haut sacerdoce par rapport à ses paires. Un homme d'action diront certains, qui ne se contente pas lâchement de signer ses ordres et de les transmettre par messager sans jamais à avoir à se confronter aux conséquences de ses actes.
-La Foi et la Loi de nouveau unies dans la traque de la corruption. L'histoire semble se répéter mon brave.

La missive qu'avait reçu Mopatis faisait état d'un prêtre dissident à la Foi, prêchant dans le sous sol d'un entrepôt de la ville ses paroles délirantes. Rien de plus. La procédure sera simple : ils allaient entrer et mettre au fer toutes personnes se trouvant dans l’entrepôt.
-Dans quoi allons nous mettre les pieds exactement Yussuf ?
C'était là la première fois que le Sergent se permettait d'appeler le sacerdoce par son prénom. De toute sa vie même il n'avait fait preuve d'une telle familiarité avec un membre du Temple.
Mais voilà que Yussuf avait expressément fait appel à sa personne, sans qu'il n'en sache réellement la raison. C'était un homme intelligent, aussi Yussuf comprit, sans le faire transparaître néanmoins, qu'une telle familiarité relevait plus de l'insulte qu'autre chose.
-L'affaire sur laquelle vous me questionnez est d'ores et déjà décidée.
Suivez moi, sergent.

Et Yussuf dévala la série de marche le menant hors du kiosque et s’immergea immédiatement dans la foule. Mopatis eut un soupir, se tourna vers ses hommes et leurs fit signe de le suivre alors qu'il descendait à son tour, se laissant dévorer par la masse de corps.


-Je raffole de ce bazar. Une telle effervescence, n'est ce pas grisant ? Qui que vous soyez, être ici vous touchera d'une façon ou d'une autre.
Le sergent tira une moue, toujours à vouloir babiller ce Yussuf.
-Tout ce monde me noie, j'en finirais par perdre mon zénith et mon nadir.
-Il s'agit précisément de ça, sergent. Vous devriez essayer de vous relâcher. Il m'est triste de voir quelqu'un subir un tel endroit.
Yussuf resserra un peu plus son turban blanc, ne laissant que ses yeux et le haut de son nez de libre. Une escorte de gardes Zephyr était déjà bien assez voyante, mais si la foule commençait à le reconnaître lui alors là, ils se retrouveraient bloqués sans plus aucuns moyens d'avancer si ce n'était de bénir chacun d'eux. Comme quoi l'adoration pouvait aussi avoir quelques mauvais cotés.
-Ce marché n'en finit pas.
-Tout un chacun a besoin de protection sergent. Pour sois, pour ses proches.
Ou, pour les meilleurs d'entre nous, simplement honorer nos gardiens les Vigiles en s'offrant une amulette bénies en leurs honneur.

Mopatis vit clairement le soupçons s'amorcer dans le regard du prêtre à la fin de sa phrase. Celui ci se tourna vers le soldat, inquisiteur :
-Quelles amulettes portez vous, sergent ?
Il tint le regard sans tressaillir un seul instant malgré un bref frisson. Tout minot il avait assisté à bien trop de pendaisons d’hérétiques. Les temps étaient certes plus violent à l'époque, tout comme les conversions. La police de la foi veillait au grain et enquêtait toujours avec un zèle excessif. Les peuples de l'Est, ceux des caravanes et des oasis, eurent tôt fait de rejeter et ses idoles et ses rites pourtant ancestraux. Porter l'une des amulettes bénites par le Temple était devenue une sorte de carte joker à sortir quand la Foi débarquait pour s'assurer de la bonne conduite des nouveaux peuples convertis.
Mopatis s'était toujours refusé à porter ce genre de babiole. Par pure bravade.

Yussuf porta sa main sur l'épaule du sergent et prononça calmement :
-Je redoublerais de prière pour garder vos hommes et vous même à l'abri du mauvais œil durant cette opération sergent.
Il se détourna et reprit sa marche, se glissant dans la foule avec aisance. Mopatis le suivit alors en se maudissant. Se maudissant d’être lui, avec ses souvenirs. Les gibets entourant les oasis avaient été tous démantelés il y a bien longtemps de cela pourtant, la Foi s'était réformée en une institution plus raisonnable dans ses sentences. C'était l'époque qui voulait ça se martelait le sergent tout en essayant de garder la trace du prêtre qui se faufilait dans la foule. Mais il le savait bien au fond de lui, qu'il n'oubliera jamais que ce grand royaume s'était construit dans le sang et la terreur.

-C'est cet entrepôt.
Yussuf prit la précaution de ne pas pointer du doigt leur objectif se trouvant de l'autre coté d'une petite place, elle aussi bondée de monde et d'étales. Ce marché, en effet, semblait ne jamais en finir, s'étaler même en dehors de la ville.
Le sergent Mopatis passa une main distraite sur sa longue barbe grisonnante et questionna :
-Celui en adobe ou celui en bois ?
-En terre cru oui. Il y a une poterne derrière en plus de la double porte devant.
-Hm.
-Ils n'entrent et ne sortent que par la poterne. Il y aurait un guet à l'intérieur, prêt à faire sonner une cloche pour donner le signal aux autres d'évacuer par un tunnel qui débouche en contrebas de la colline.
-Comment avez vous réussi à récolter des informations aussi précises ?
Yussuf ne se tourna que pour lui donner un regard montrant qu'il ne donnera aucune précision sur le sujet.
Le sergent eut un souffle contrit, agrippa sa ceinture et, se tournant vers ses hommes, ordonna :
-Vous deux en contrebat de la colline, trouvez moi ce tunnel et campez y. Afdi tu assures la sécurité du Haut Sacerdoce. Azai et moi on déboule avec tambours et percussions par la voie express. Azai prépares ton arbalète fiston.

Mopatis bu une grande inspiration d'air pour se calmer les nerfs et donna un signe de tête pour que toute la petite troupe se mette en branle. A son tour il dégaina son sabre. Le soleil délivrait ses derniers rayons mais d'ici, et malgré sa vue en baisse, le vieux sergent distinguait clairement la lueur de lanternes éclairant la bâtisse de l'intérieur.
-Le risque d'incendie pendant ce genre de rixe est réel les gars. Et potentiellement catastrophique.
Alors tachons d'éviter ça en évitant la dite rixe, vue ?

Ses soldats accusèrent réception du message que par un bref hochement de tête. Même avec leur masque, Mopatis pouvait sentir leur respiration lourde. L'angoisse montait, et ils luttaient.

Voyant des gardes s’approcher, armes au poing, la foule se fendit en deux, laissant un couloir direct jusqu'à leur objectif. Mopatis s’engouffra sans tarder dans le chemin ainsi créé au trot après avoir enfilé son propre casque.
Ils déboulèrent en face de l’entrepôt, passèrent sur la ruelle accolée au bâtiment et débouchèrent de l'autre coté. Trois marches amenant sur une porte grande ouverte. D'un geste de la main le sergent ordonna à son arbalétrier de pénétrer dans la bâtisse. Le soldat sauta le minuscule escalier et disparu à l'intérieur, rapidement suivit par son supérieur qui se faufila dans la poterne.
Son cœur s'emballait et sa vue se brouilla un moment dans la pénombre du bâtiment mais bientôt il distingua un jeune homme à genoux, tenu en joue par l'arme d'Azai. Le gosse était terrifié, ses deux mains se tenaient tremblante au niveau de ses oreilles en signes de reddition, les yeux écarquillés de peur.

Mopatis fit signe à Yussuf de rester là et à son escorte de le suivre en bas. Le pas lourd de leur bottes sur le plancher grinçant de l’entrepôt n'avait pas du manquer d’alerter les locataire de son sous sol. Le sergent s'engouffra alors en premier en bas, préférant sauter directement dans la trappe plutôt que de prendre la courte échelle de bois qui menait dans le sous sol de l’entrepôt.

Le choc de la chute réveilla la douleur de ses vieux genoux et lui arracha un grognement alors qu'il se releva pour découvrir l'aménagement du sous sol.
Tapisseries, coussins, mobiliers... Le sergent ne se laissa pas trop distraire et se concentra sur les cibles. Le prêtre dissident fut immédiatement identifié au bout de la salle, encore assis en tailleur comme statufié. Une demie douzaine de jeunes gens pour tout oratoire lui faisait face en demi cercle, certains s'étaient déjà relevés.
- Assis ! Restez assis ou mourrez !
Mopatis s’avança de quelques pas, laissant son collègue sauter à sa suite, la garde de son sabre solidement tenue par ses deux mains.
-La Foi vous fait mettre aux fers pour accusations d'hérésies, vous...
Restes à terre !

La lame de Mopatis vint finir sa course à quelques centimètre à peine d'un gaillard qui avait eut le malheur de tourner la tête pour mieux voir ce qui était en train de lui tomber dessus.
-Erreur, vous êtes dans l'erreur ! Éructa le prêtre qui ne poussa néanmoins pas trop loin sa provocation en restant à sa place.
L'attention de Mopatis revint sur le prêtre, le temps de se questionner si oui ou non il se devait de lui donner un coup de botte droit dans sa gueule pour s'assurer de sa coopération. Le calcul était simple : ils étaient deux, et eux sept et le sergent ne connaissait aucunement le niveau d'hostilité dont était capable ces hérétiques, alors autant s'en tenir aux mots :
-Non. Vous l’êtes. Vous avez fait délibérément scission avec les préceptes de la Foi en tenant...
Le prêtre hurla alors, s'époumonant :
-J'ai vu de l'autre coté du portail ! Vos Dieux sont des DÉMONS !
La question du coup de botte dans les dents refit surface mais à peine eut il le temps de reconsidérer l'option qu'une nouvelle voix retentit dans le sous sol :
-Hérésie.
Hérésie !

Mopatis se retourna alors et vit Yussuf en bas de l'échelle, finissant d'enlever son turban.
Le prêtre dissident continua d'éructer :
-Pauvre fou ! Inconscient vous ne savez pas, rien vous ne savez rien vous n'avez pas vu pauvre... ! pauvre ! Fou !
Yussuf dépassa le sergent, pas le moins du monde angoissé de se mettre à porter de main des accusés. Il eut un soupir agacé en premier lieu puis parla calmement :
-Vous n’êtes aucunement compétent pour oser interpréter de tels visions, si compter que réel vision vous...
-Taisez vous mais TAISEZ vous !

Le sergent déboula alors, bousculant le sacerdoce dans son passage, brandissant son épée prête à frappée :
-Pas un mot de plus. Il plongea son regard dans celui du prêtre fou qui baissa immédiatement les yeux et effaça son rictus. Mettez les aux fers soldat et faites descendre Azai pour me tenir celui ci au calme, une arbalète posée derrière son crane.
Le sergent se tourna vers l'ancienne auditoire du prêtre dissident, désormais sien, et continua :
-Vous répondrez des accusations de la Foi ultérieurement. Pour l'instant vous êtes en présence de la Loi. Le moindre acte, parole ou regard jugé hostile serra puni. Sévèrement.
Il se tourna vers chacun d'eux. Dans la pénombre à peine éclairée par les quelques lanternes suspendues ça et là il ne pouvait distinguer leurs traits. Mais à leur posture et à leurs souffles seuls le sergent devina d'expérience qu'il tenait la situation. Ils se tenaient là tremblant, apeurés, craintifs.
Sa troupe ne risquaient rien.

Mais qui était donc ces pauvres jeunes sots à avoir écouter les élucubrations de cet hérétiques ? La curiosité, le défi ne les défendaient en rien. Ils avaient franchi un interdit et ils en payerait les conséquences. C'était inéluctable. Comment une telle idée avait elle pu... Mopatis chassa avec difficulté la peine qu'il ressentit en cet instant pour l'auditoire du prêtre fou.
Le livre de la Foi était d'une grande clarté : nul autre personne que les Vigiles ne peuvent prétendre pouvoir interpréter les visions de la Trame. Si vision il y a, vous devez vous rendre aux autorités sur le champ pour être auscultés, l'ordre des Vigiles possédant une permanence dans chacun des principaux palais de l’Émirat. Et eux seul, en sondant votre esprit et votre âme, pourront déterminer de la marche à suivre. Les Esprits auront pu choisir un individu du commun pour simplement délivrer un message, ou bien lui accorder un don... et, dans le plus terrible des cas, il s'agirait là d'une corruption ou pire encore, une possession démoniaque.
Voilà pourquoi les forces en oeuvre dans la Trame psionique, interférant avec notre monde, se doivent d’être répertoriée et analysée par un Ordre comprenant parfaitement tout l'enjeux de cette dimension mystique. Et par personne d'autre.

Yussuf vint se planter devant le prêtre, il ne resta pas longtemps à le surplomber et décida de se baisser à son niveau :
-Les visions que peut délivrer la Trame psionique sont d'une extrême... extrême complexité.
C'est bien pour cela que la noble institution des Vigiles existe. Il faut une vie entière d'étude et de maîtrise pour à la finale, acquérir la capacité de déchiffrer de tels messages.
L'erreur est tienne, camarade, d'avoir eut la sombre folie d'avoir cru posséder une telle faculté. Vous avez subie, interprété puis entraîné avec vous ces pauvres jeunes gens dans l'hérésie. N'avez vous pas pu imaginer un instant qu'un esprit démoniaque se soit joué de vous ? Ou pire, ait fait de vous l'un de ces agents, à votre insu. Et dans votre inconscience, voilà que vous entraînez avec vous ces pauvres jeunes gens, condamnant leur futur ainsi, en proférant vos prêches blasphématrices, corrompant leurs esprits
...
Les Esprits décideront de votre sort une fois que votre âme aura rejoint la Trame. Mais ici même votre peine est sans appel, et elle vous sera fatale.


La pression écrasait le prêtre de l'intérieur, sa mâchoire serrée et son teint s'empourpra, toute sa tête semblait trembler. Alors il couina :
-Miséricorde Sainte Carm...
Il finit sa phrase avec un genoux dans les dents. Celui du sergent qui épousseta ensuite son habit sans réussir à effacer la petite tache de sang ainsi créer. Pas un mot, qu'y avait il donc d'incompréhensible ?
-Allons les gars, emballez moi tout ça et qu'on les escorte jusqu'aux cachots de la caserne.
Les gardes relevèrent par le col les disciples du prêtre fou, les mains menottées devant eux.
Chacun de leurs visages semblaient déchirées. Par la haine, un peu, mais par la honte surtout, et une peur bleu d'autant plus.

Alors qu'ils finissaient de les faire remonter par l'échelle, Mopatis devina bien à quel point ils n'avaient pas idée de la chance qu'ils avaient. La chance d’être né à une telle époque.
Qu'allait il donc leur arrivé à eux tous ? Un interrogatoire par la Foi allait juger l'étendu de leur hérésie. Et au vu de leur comportement, il ne s'agissait pas là d'une dissidence affirmée, plutôt d'une curiosité malsaine.
La même curiosité qui dévorait la majorité des gens du "commun", ceux à qui les Esprits n'ont pas jugé bon de les doter de leur pouvoirs. Qu'est-ce qu'est la Trame psionique ? A cette question il n'y avait pour toute réponse que les discours nébuleux des prêtres dans les Temples... Alors oui, si un beau jour un ami vient vous trouver pour vous dire qu'il connait un ancien prêtre qui, lui, ose enfin révéler les secrets se trouvant de l'autre coté du voile de la vie, peut être céderiez vous vous aussi.
Les inquisiteurs de la Foi les condamnerons certainement à quelques années de servitude dans un Temple ou un sanctuaire sacrée.
Rien en comparaisons aux tortures que pratiquaient l'inquisition du temps où Mopatis n'était qu'un jeune homme découvrant l'immensité des villes. Il se souvint très clairement de l'allée des damnés à Tell Azir. Il s'y trouvait là, de chaque coté de la route, fiché dans le dur des pierres, des centaines d'arceaux en métal. Pour une accusation telle que d'avoir écouter une prêche jugée hérétique aux dogmes de la Foi, l'on vous coinçait le cou là dedans. Ni assis, ni parfaitement debout, seulement dans un entre deux douloureusement inconfortable, avec un centimètre de jeu à peine pour mouvoir votre cou. La folie s'emparait des condamnés après une première nuit sans sommeil. Ainsi, bien qu'étant l'allée la plus large de la capitale de l’Émirat, peu se trouvait capable de l'emprunter tellement les hurlements, par centaine, se trouvaient être insupportable.

Heureusement cela n’appartenait plus qu'au passé, la pratique ayant été interdite il y a quarante année de cela, en vue d'une réforme progressive de la Loi et de la Foi, tendant vers des peines moins extrêmes et barbares.
Voilà qu'aujourd'hui l'on vivait dans un pays moderne et juste. Pas de quoi en pleurer ainsi pensa alors Mopatis en poussant le dernier prisonnier, encore hoquetant, hors de l’entrepôt.

Dehors attendait la foule. Elle avait vu une escouade de garde de l'Emirat se jeter à l'assaut, arme au poing, de ce simple entrepôt. La Foule est une bête très curieuse. Tout comme elle se trouve être assoiffée de spectacle.

Alors, quand les gardes sortir de là avec leurs prisonniers, la foule grandit. Et quand Yussuf, le sacerdoce vedette de Ninive, fut reconnu, la rumeur se propagea comme une traînée de poudre, explosant en un brouhaha d'exclamations.

La foule réclamait spectacle.
Yussuf n'allait pas les décevoir.

Le haut sacerdoce alla se placer aux cotés du prêtre dissident, tenues en chaines par le sergent Mopatis. D'un grand geste théâtrale il sortit vivement son bras de sous ses habits, faisant claquer au vent sa fine cape, présentant de sa main ouverte l'hérétique qui gardait la tête et les épaules baissés, écrasé par la honte, appréhendant terrifié le comportement de la foule qui ne cessait de gonfler.
Le silence c'était installé instantanément, alors Yussuf déclama :
-Ce prêtre que vous voyez là c'est rendu hérétique à la Foi du Temple en prêchant, ici même, un discours dissident ! Pervertissant l'esprit et l’âme !

Yussuf laissa retomber son bras et coupa court aux insultes remontant de la foule en s'approchant de celle ci, pas le moins du monde impressionné. Il leva son doigt au ciel, le secoua et dit :
-La Foi est ce qui nous garde des périls de ce monde comme de l'autre !
C'est pourquoi nous devrons juger les hérétiques. Et les punir aux yeux des hommes et des dieux.


Il finit enfin de déambuler au milieux de son auditoire une fois qu'il eut trouver une lourde caisse de bois sur laquelle il grimpa, dominant la foule qui déjà, se tenait dans sa main. Alors il sermonna de savoix forte mais pourtant toujours bienveillante :

-Les démons sont parmis nous.
Ils l'ont toujours été et le seront toujours !

Ils nous épient, à l'affût, nous tentent... ils veulent détourner notre Foi en empoisonnant nos esprits. Les démons veulent vous éloigner des temples, vous abuser en insultant nos saints protecteurs les Vigiles. Les démons poussent aux blasphèmes, à la profanation du sacré pour au final vous faire renoncer à votre humanité.
Car c'est ce qu'ils constituent : la plus grande menace de notre espèce.

Et c'est pourquoi il vous faut, tous, déployer une vigilance constante pour démasquer les agents des esprits démoniaques comme... cet homme !
Cet homme s'est détourné de la Foi, s'est détourner de la protection des Vigiles, s'abandonnant aux esprits malins de la Trame. Ce genre d'individus sont les agents des démons sur notre Terre, ils sont ceux mettant en péril nos âmes et notre salut.

N'oubliez pas que les Vigiles nous garde. Mais que cela ne nous soustrait pas à notre devoir, propre à chacun, de faire preuve de discernement. Nous sommes aussi nos propres vigile !


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Mathusalem




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MessageSujet: Re: Flagellum dei   Flagellum dei I_icon_minitimeDim 15 Oct - 15:58

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JAWHAR AL SHARWAR & LE SIBI




Les nuages, d'un blanc cotonneux, venaient par centaines écorcher le ciel, eux aussi bousculés visiblement par les même rafales de vents qu'au sol, filant plein sud comme s'ils fuyaient les montagnes. Le soleil, éblouissant, brûlait affreusement la peau les rares fois où il apparaissait, dardant ses rayons entre deux filaments de nuage.

Tout autour de la troupe la nature s'agitait. Ils étaient tous impressionnés du spectacle, cette étendue herbeuse de la steppe s'agitant à la rage des bourrasques, créant comme des vagues végétales. Les quelques arbres et arbustes se dressant valeureusement ça et là semblaient bien en mal, leurs branches et feuillage tantôt balancés d'un coup puis de l'autre, au grès de ce vent fou.
Au loin, déjà, retentit l'orage. Au premier raisonnement du tonnerre l'atmosphère se glaça d'un degrés supplémentaire.
Encore une journée de tempête...

Les traqueurs jetaient des regards suspicieux pour Jawhar autant que pour leur Sergent Chevalier. Les soldats en noirs maugréaient, persuadés que l'orage allait leur tomber dessus comme l'apocalypse et ne sachant qui blâmer réellement pour cela : leur sergent pour leur avoir donné l'ordre ce matin même de reprendre la route malgré les trombes d'eau qui s'était déversée durant la nuit et l'orage terrifiant qui n'avait eut de cesse de l'accompagner ; ou bien de blâmer le vieillard, Jawhar al Sharwar, qui avait assuré à leur chef qu'ils ne subirait pas d'orage en ce jour, en dépit de la nuit sans sommeil qu'ils venaient de subir et du temps plus que menaçant qui s'était présentée dès le départ.


Pour la maudite troupe, tout avait commencé il y avait deux jours de cela lors de la venue d'un corbeau à Chabischa, dernière forteresse du dispositif Frontière mis en place par leur très éclairée Reine pour contenir la menace des monstres se trouvant au delà du royaume. Chabischa, minuscule fortin perchée dans les premières montagnes du Zargos, cette cordillère prenant pied dans le Levant pour se perdre en deux chaines de montagnes : celle partant jusqu'au Norska, le Zargos Septentrional et celle retombant dans le désert pour finir dans les terres mortes : le Zargos oriental.
Ils n'étaient qu'une poignée de traqueurs à garder le lieux, épaulé néanmoins par une importante cohorte de servant en tout genre.
Le corbeau, venant de Tömörbat la cité la plus au Nord du Royaume, était porteur d'une bien sombre nouvelle et d'une urgente requête : la dernière tribu montagnarde du Zargos venait de tomber, prise par un féroce assaut ayant durée tout une journée, mené par diverses monstruosités mutantes. Les survivants ont afflué dans la ville et le Bey de Tömörbat craint le déferlement prochain de ces monstres sur sa propre citée.

Ainsi le commandeur du fortin de Chabischa avait ordonné à son second sergent de prendre avec lui trois quarts des effectifs ainsi que plusieurs servant amenant avec eux vivres, pharmacopée, matériel et outils de construction, et de partir immédiatement pour Tömörbat.



Ce troisième et dernier jour de marche se passa sans éclaboussure aucunes, malgré le tonnerre grondant et le vent menaçant pas une goutte ne vint gêner la troupe.
La quinzaine de traqueurs et leurs suivants arrivèrent aux portes de la cité de Tömörbat en plein milieu d'après midi. C'était une ville antique, aux origines si ancienne qu'aucuns ne pouvait retracer son histoire.
Elle s'organisait ou plutôt s'étalait en un foutoir de bâtiments en pierre sèche et en paille comme en bois et en toiles avec en son centre l'antique palais. Un palais lugubre, extrêmement ancien, haut d'une quelques trentaine de mètre et incroyablement droit : la construction n'était en réalité qu'un grand rectangle percée d'ouvertures symétrique de chaque cotés, ses murs étaient d'un gris triste et uniforme. Étrange construction dont seule les anciens d'avant la Fracture connaissait la recette de fabrication.

Les montagnards survivants s'étaient réfugiés dans la périphérie, au sud de la ville. Un foutras d'hommes, de bêtes, de chariots et de tentes. La survie s'organisait.

« Quel bordel mais quel bordel !»
« Mais qu'est ce qu'on vient foutre dans cette purée ?»
« Quel genre de monstre a bien pu venir à bout des Dents Durs ?»
« Encore un de ces assauts ordonné...»
« ... la tribu de montagnard la plus coriace, quel bordel ouais.»

Chevauchant leurs destriers, les traqueurs se frayèrent un chemin à grande peine dans la masse. Ils purent observer au plus près le désespoir, la peur, la colère... une myriade de ressentiment plus que de sentiment, accroché sur chacun de leurs visages. Les cris des enfants, les pleurs des nourrissons, les hurlements des mères, excédées.
« Combien peuvent ils donc bien être ?»

Jawhar passa devant trois hommes, assis sur une longue caisse de bois. Les traits typiques des montagnards du Zargos, le visage anguleux, une longue chevelure ramenée en tresses, la moustache fournie. Ils fixaient tout trois un grand rien. Un vide, un néant absolu. La mine morte. Aucuns d'eux ne sourcilla ni ne bougea le moindre œil alors que la monture du traqueur passa devant eux.
Ils avaient tout perdu. Leurs biens, leurs abris, la terre de leurs ancêtre, leurs montagnes sacrées. Leurs société.

Jawhar se tourna alors vers Sibi, chevauchant un poney robuste à ses cotés.
- Parmi la multitude de tribus de montagnards qui se tenaient en Zargos, celle des Dents Dures s'est depuis toujours trouvait être la plus populeuse. Et la plus prospère. Une dizaine de milliers de montagnards vivant dans les deux vallées au nord de Tömörbat. Cette ville qui d'ailleurs ne s'est bâti que pour faire commerce avec eux.
Vois tu sibi, les dents dures sont extrêmement réputé pour leur élevage. Caprin, ovin, ours.
Il y a une génération de cela ils fournissait à eux seul bien le tiers des viandes consommées dans l’Émirat.

Le sibi releva la tête dans la direction de son mentor qu'un bref moment avant de se concentrer sur la route, son unique main valide tenant les brides de son canasson.
Tous considérait l'étrange garçon comme un imbécile profond car il ne parlait jamais. Jawhar lui le jugeait d'une grande astuce parce que justement, il ne parlait jamais.
Une chose était certaine, quand Jawhar parlait, le garçon lui prêtait une grande attention.

Alors qu'ils pénétraient dans la ville sans remparts, un jeune traqueur vint prendre place de l'autre coté du vieil homme et lui demanda, d'abord hésitant :
- Cheikh, savez vous pourquoi "Dents Dures". Hm, pourquoi on appel ces sauvages ainsi ?
Fermant les yeux et hochant la tête en silence, Jawhar prit son souffle et répondit clairement :
- Vois tu, les vallées et les montagnes où vit cette tribu bénéficient d'un gras pâturage. Vert et opulent. D'un climat d'un général doux. D'arbres aux fruits gros et riches comme les seins d'une nourrice.
Ils n'ont jamais eut la nécessité de travailler la terre et donnait cette abondance de ressource toute entière à leurs troupeaux.
Tu connais la réputation des montagnards pour la viande ?

- Oui, il ne mangerait que de cela, les fruits du sol sont comme impurs pour eux.
- Précisément. Les dents dures seraient si friand de viande qu'ils mangeraient même les os et les carcasses. D'où le nom que leur ont donné les habitants de cette citée.
Jawhar se laissa balancé par la marche de son cheval, satisfait de son discours contrairement au jeune écuyer qui demanda une précision :
- Mais ils mangent donc les os des bêtes ces montagnards alors ?
Le vieux traqueur ne pu lâcher qu'un "Ah !" aussi sonore qu'hilare. Ces jeunes n'entendaient donc que ce qu'ils voulaient.
Les montagnards, ces sauvages par excellence... Ils semblaient différent en tout pour le commun, par leur carrure, leurs couleur de peau, leurs tignasse abondante, leurs cultures, leurs rites. Les gens du peuple du Levant comme de Babilie n'auraient certainement pas cru, même si un Vigile lui même le leur disait, que ces "barbares" des montagnes étaient bien plus proche d'eux dans bien des aspects que le reste des peuplades étranges disséminés dans le reste du continent.

Le vieux traqueur fut une nouvelle fois tiré de ses rêvasserie en entendant une voix se porter par delà une foule, sermonnant celle ci de son accent chantant de Tell'Azir :
"VOUS avez mis les esprits en colère ! VOUS avez appelez les démons !
Car VOUS avez refusez le Temple et sa Foi ! Car VOUS..."

Le traqueur se détourna de dégoût, sourcil froncés, lèvres pincées. Sur le chemin il avait déjà croisé un prêcheur du Temple dans sa tunique grise, une table de la Foi calée sous une aisselle et tenant haut un encensoir, marmonnant prières ou peut être même invectivent ce peuple "mécréant" pour ce qu'il en savait.
Et voilà que s'offrait le même genre de vision, dans un contexte différent : un prêtre du Temple prêchant plus pour lui même que pour les autres. La foule (en fait des réfugiés étalés d'un coté et de l'autre de la grande rue) entendait bien mais ne comprenait pas. Peu de montagnards parlaient levantin, seulement les marchands échangeant directement ici connaissaient ce langage. Le prêtre lui, avait bien évidement conscience de sermonner des sourds, ne risquant ainsi peu pour sa vie tout en espérant s'attirer les bonnes faveurs des esprits de par son action.

La scène disparue derrière eux alors qu'ils arrivèrent au centre de la citée. Les jeunes chevaliers et les écuyers découvrant le palais de Tömörbat y allèrent tous de leurs commentaire étonné :
- C'est...
- Impressionnant ?
- Grand !
- Moche.
- ... et tout ça à la fois.
Conclu le sergent en se jetant à bas de sa monture avant même qu'un des valets du Bey ne viennent lui prêter une aide bien inutile pour descendre.

Le chef de l'escouade de traqueurs, après avoir brièvement échangé avec le valet, se tourna vers sa petite troupe qui elle aussi, mettait pied à terre, certes avec moins de panache que leur sergent :
-Restez ici. Moi même et Jawhar allons à la rencontre du Bey, de ses conseillers et de quelques chefs de clans.
Le sergent claqua des doigts pour réveiller son écuyer encore papillonnant devant l'étrange palais de la cité pour que celui ci emboîte le pas de son maître et d'Al Sharwar, ce dernier jetant un regard par dessus son épaule, voyant Sibi le fixer alors qu'il s’enfonçait dans l'entrée du palais.


Les ombres les étouffèrent alors qu'ils entreprirent de monter jusqu'au deuxième étage par l'antique escalier en béton. Malgré les quelques torches et braseros éclairant faiblement l'endroit, Jawhar aurait eut bien du mal à se repérer si le valet ouvrant la marche n'avait tenue une lampe bien haut.
Ils arrivèrent alors face à une porte, fermée par un lourd tissu brodé aux couleurs de la ville. Trois simulacre de gardes se tenaient attablés à l'autre bout du couloir laissant à deux servants moins malingre, garder plus dignement la porte menant à la grande salle. Ces deux derniers les invitèrent à rentrer à leur suite sans les introduire.
Le temps n'était ni au protocole ni aux politesses.

Les traqueurs découvrirent une poignée de personnalités dans la grande salle, la plupart debout, entourant une carte posée sur une table de buffet. Par ci et par là plusieurs petits groupes conversaient. Des nobles et des puissants. Chefs de tribus, conseillers, officiers.
Tous se turent pourtant en voyant les manteaux noirs arriver.

Le Bey s'extirpa de la table, les bras levés en signe de bienvenue et les traits visiblement soulagés. Pourtant son humeur ne lui permit même pas d'esquisser un sourire chaleureux, déjà trop accablé par les événements. Celui ci se trouvait très simplement vêtu, d'une simple tunique que l'on aurait pu prêter à n'importe quel commerçant de la ville, alors il se pressa à présenter rapidement les membres en présences. Une demi douzaine de chef de clans, quelques un de leurs champions aussi, le conseiller du Bey et ses deux épouses se trouvaient là aussi.

Le traqueur eut une courbette si minime qu'elle en était imperceptible et se présenta en suivant :
-Chevalier Yatis, premier sergent de la commanderie de Chabischa. Désignant ensuite son collègue : Cheikh Al Sharwar, chevalier traqueur. Puis d'un coup de tête alors qu'il avait faillit oublier : Et mon jeune écuyer.

Quelques voix s'élevèrent pour traduire, le sergent attendit quelques secondes que le silence soit revenu et reprit :
-Votre corbeau est arrivé il y a un peu moins de trois jours. Nous avons réagit immédiatement en réunissant quinze traqueurs, des chariots pour transporter bois, clous, haches, grains, tissus et médecine. C'est peu mais c'est tout ce que notre commanderie est en capacité à vous donner.
Mes hommes attendent en bas vos ordres.


Le Bey resta coi un certain moment, ses doigts maigres caressant sa barbe naissante. Il finit par envoyer l'une de ses épouse et son proche conseiller rejoindre la troupe de traqueurs en bas du palais pour les mettre à l'oeuvre immédiatement.

-Que c'est il passé et quel est la situation à présent ?
Encore un moment suspendu. Le Bey continua à passer sa main sur son menton, tête baissée cette fois ci, laissant aux clans des montagnes s'échanger des regards.

Une chef de clan décida alors de prendre la parole, s’avançant d'un pas :
-En une journée ils nous sont tomber dessus. De partout. Une voix lourde, rocailleuse. Elle renfila bruyamment. Nous avons été massacré.
La montagnarde en resta là, ne trouvant plus de mots. Alors d'autres de ses semblables firent voix :
-Des goules dans la vallée au matin. Chaque heure il en arrivait des centaines.
-Une nuée de vorace s'en est prise aux refuges du Nord avant de tomber sur les villages en contrebas
-Une meute de chacal par la rivière...
-Et des locustes...
-D'autres vorace encore en fin de journée alors que l'on venait chercher les survivants...
-...toute sortes de monstres
- une abomination...

Tous y allèrent de leur commentaire, morose, sur ce qu'ils avaient pu voir.
En moins d'une journée, une multitude d'espèces mutantes, de monstres et d'horreurs avait massacrés les Dents Dures. Les montagnards avaient luttés les premières heures, mais l’afflux allait en s’intensifiant et rapidement, la lutte tourna à la tuerie. Mais les monstres n'ont pas quittés les montagnes, laissant s'échapper les fuyards dans les plaines sans oser les poursuivre.

Et depuis, les jours d'angoisses s’enchaînaient.

Crispé, le sergent réussit néanmoins à se tourner vers Jawhar. Le vieillard, la mine tout aussi sombre que le reste de l'assemblée lui confirma :
-Attaque ordonnée.
Jawhar plus que quiconque connaissait le Zargos et ses peuples. Et les malheurs qui a engloutit chacune de ses tribus.
Depuis un peu moins d'une vingtaine d'année, les tribus montagnardes semblaient souffrir d'une malédiction. Mauvaises récoltes, conditions climatiques anormales, maladies. L'on disait les montagnes peuplée d'une centaine de tribu. Et celle ci commençait à disparaître, les une après les autres.
Un phénomène allant s’intensifiant. Jawhar s'était efforcé tout du long de sa carrière, à récolter les témoignages des survivants, quand il en retrouvait.
Par deux fois, et il y avait bien des années, il avait entendu pareils phénomène. Dans ses rapport, il les a nommés "Attaques Ordonnées". La faune mutante s’arrêtant de chasser, de s'entre dévorer, de protéger leurs territoires pour tout bonnement agir comme Un. Un esprit. Un but. Exterminer un foyer de population. Dévorant littéralement une tribu entière.
Jawhar n'y avait, au début, prêté que peu de crédit. Les montagnards pêchent par excès de fierté, voir leurs tribus chassée par une simple meute de loup semblerait honteux, il n'était pas absurde de les imaginer enrober leurs histoires. Mais au deuxième cas similaire, le traqueur s'était fait plus modéré dans son jugement. Mais toujours, toujours méfiant. Une horde monstrueuse déferlant sur une pauvre tribu des montagnes... Comment, Pourquoi ?

Comment... Pourquoi...
Les mêmes questions sans réponses vinrent lui brûler l'estomac alors que son esprit se rendait peu à peu compte de ce qu'une telle possibilité laissait entrevoir.

La dernière tribu montagnarde venait de tomber.

Et les monstres s'unissaient pour nous exterminer.

Les éléments se trouvaient là, devant eux et l'on ne pouvait se dérober à la seule conclusion possible, bien que déroutante et alarmiste : la vision prophétique de leur reine, cette apocalypse annoncée, venait tout juste de débuter.

Le Bey prit alors la parole, de sa voix toujours aussi hésitante :
-Nous allons commencer à mettre en place nos défenses... Avec l'aide des montagnards, nous fortifierons la ville et ses alentours.
Nous ne savons pas quand nous seront attaqué... nous ne savons même pas quoi nous tombera dessus. En vérité nous ne savons rien et je, nous, enfin ... je...

Le sergent eut un geste apaisant et prit la parole, évitant au Bey de se mortifier sur place et devant les chefs de tribus restant.
-Nous devons mettre sur place une première mission de reconnaissance dès aujourd'hui, avant la nuit tombée. Une partie de mes hommes, et des guides des tribus des montagnes. Il est nécessaire d'avoir au moins un bref aperçu de la situation dans les deux vallées. Voilà pour un premier point.
Deuxièmement : réfléchir puis mettre en place les fortifications comme vous l'avez suggérer.
Agissons rapidement.


Après traduction une autre chef de tribu se leva pour se porter volontaire comme guide ainsi que le champion de sa tribu, une brute à la tresse lui descendant jusqu'aux omoplates, visiblement peu ravi d’être obligé à remettre les pieds dans sa vallée.
Le sergent acquiesça et pressa les deux montagnards à le suivre en bas pour mettre en place le plus rapidement possible l'équipe de reconnaissance dont il prendra lui même la tête. Il avisa au Bey qu'il lui laissait une partie de ses traqueurs pour commencer à organiser la défense de la citée.

-Et si je ne revient pas, mes hommes seront quoi faire. Qui prévenir, quelle nouvelle approche prendre. Les traqueurs sont là, et nous prenons les choses en charge.
Le sergent tourna immédiatement les talons, sa cape claquant derrière lui, et fila par les escaliers, laissant son écuyer et les montagnards le rattraper.

-Le sergent a une grande habitude de ce genre de mission de reconnaissance, il a effectué de nombreuses sorties par delà la frontière. Vous n'auriez pas pu espérer un meilleur traqueur pour répondre aussi vite à votre appel. Lança Jawhar une fois le sergent et sa suite redescendu.
Mais le Bey sembla rester sonné tout comme le reste de l'auditoire encore présent. C'était comme si la mauvaise nouvelle venait d’être officialisée, les experts sont venu, on constaté et on dit : le pire est à venir, et le pire est pour bientôt.
Se grattant frénétiquement le cou, le Bey sembla maugréer pourtant :
-Qu'une quinzaine de capes noires, ce ne sera jamais suffisant, jamais.
Vous n'imaginez pas, les monstruosités... des abominations...

Jawhar eut un regard pour les montagnards derrière le Bey. Les yeux vitreux, les traits figés comme s'ils avaient rendu leur dernier souffle. Ils avaient fui leur pays en panique et cette panique ne les avait pas quitté.
Étrangement une pensée vint au traqueur, il manquait quelque chose ici :
-Où sont vos chamans ? Pourquoi n'ont ils pas été conviés ici ?
Echange de regard, étonnement presque incrédule jusqu'à ce que l'un d'eux ne lui réponde :
-Cela fait plusieurs semaines que nos chamans sont partis. Des Vigiles sont venu, l’Émirat de Levantine voulait s'entretenir avec eux d'une affaire qui ne les concerne qu'eux, les mages.
-Pense pas que ça aurait changé la chose qu'soit là ou pas.
-Oï, rien n'aurait pu nous préparer car rien n'aurait pu arrêter ces monstres.
Jawhar reçut la nouvelle qu'avec une moue énigmatique puis il remercia les montagnards et partis à la suite du sergent chevalier.

Sergent qu'il retrouva en bas, en discutions avec les deux montagnards volontaires pour la mission de reconnaissance et d'autres chevaliers. Tout autour d'eux les autres traqueurs s'activaient, déchargent les chariots, transportant et entreposant les sacs de grains et outils là où on leur commandait.
-Al Sharwar !
Le sergent venait de se détacher du groupe et rejoint le traqueur. Les deux mains agrippées à sa ceinture, le front ruisselant de sueur, les yeux fuyants il s'interrogea :
-Ai je fais les bons choix ?
Cheikh, je pressens que nous allons être très rapidement dépassé par les événements.


Jawhar prit un temps de réflexion avant de poser une main réconfortante sur le chevalier et de lui dire :
-Nous faisons exactement ce qu'il faut.
Ne vous mettez pas en danger. Il nous faut seulement savoir si ces horreurs sont encore dans les plaines ou si elles ont regagnées les montagnes. Un coup d’œil suffira.

Le sergent acquiesça, rassuré :
-Oui, oui. S'ils n'y sont plus, nous commencerons une reconnaissance de plus grande ampleur demain et les jours suivants.
-Le moral est bas, très bas. Le Bey est fébrile. Il n'arrivera pas à gérer la crise. Ni lui, ni les chefs de tribus, encore sous l'emprise du choc. Vous devez dès à présent prendre la tête.
-Cheikh Al Sharwar, non, vous vous devriez prendre en charge toute cette...
-Impossible. Je dois partir.

Le sergent recula alors, abasourdi puis perplexe.
-Sergent, envoyez des messages aux autres commanderie de la Frontière. Qu'ils redoublent de vigilance, qu'ils envoient des missions de reconnaissance par delà le royaume. Informez les de notre situation et demandez leur de nous apporter toute l'aide possible.
-Mais où allez vous ?
-Tell'Azir. Je dois en référer au commandement. Mais aussi m'entretenir avec les Vigiles.
Si ce que nous présentons tous est bel et bien entrain d'arriver, ils seront notre salut.
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MessageSujet: Re: Flagellum dei   Flagellum dei I_icon_minitimeJeu 19 Oct - 15:01

Salim ne cessait de cligner très fort des yeux et de toussoter ; Quelle idée les autres avaient eu de l’amener ici, en plein désert ? Devant sa peine et ses larmes qui coulaient sur ses yeux rougis, les chasseurs ne pouvaient s’empêcher de rire et de se moquer de lui. Seul Khaled, bien trop concentré, ignorait les brimades que le castrat subissait.

« Salim, met mieux ton turban ! » dit Abdul, dressé sur son cheval. « Ce n’est pas un petit soleil qui devrait te faire ressentir ça ! »

Mais voilà, c’était il y a quinze minutes. Et maintenant, le vent n’avait eut cesse de faire sentir ses rafales, et de projeter en l’air des grains et des petites particules, qui entraient dans la bouche, qui piquaient les yeux, qui faisaient souffrir. Et maintenant, plus personne n’osait se moquer du demi-homme. À l’inverse, maintenant, ils se mettaient à silencieusement maudire le noble qu’ils avaient suivi.
Chasser, c’était la passion d’Abdul. Ça demande de la force, de l’endurance, ça fait voyager, et pourtant ça reste un but utile en soi. Et la chasse selon Abdul, c’est comme la vie selon Abdul : C’est somptueux. Pour partir traquer des antilopes et des gazelles dans le désert, il n’avait pas amené quelques fiers combattants et de bons archers à cheval. Il avait amené tout un convoi. Seize charrettes, dont la plus grosse était tractée par douze bœufs. Il avait amené toute sa cour, tous ses obligés, des tas de courtisans et de lèches-bottes qui le suivaient partout, et même des femmes de son harem qui étaient jalousement gardées dans une grande voiture tractée, enfermées à l’abri avec des divans et des soies fines. Bien sûr, tout ça exigeait en plus d’être gardé, donc il avait fallu amener des cavaliers, des mamelouks et des fantassins à pied. Ils venaient polluer l’immensité lévantine, à eux tous, à balancer par les fenêtres des cruches de vin et des carcasses d’animaux rôtis et délicieux. Chaque nuit était une fête impressionnante, chaque journée plutôt ennuyante, à faire la sieste pour rattraper la nuit blanche. Et au final, on chassait très peu.
Il n’y avait que Khaled pour la prendre véritablement au sérieux. Tous les matins, il réveillait Abdul, lui demandait de reprendre le chemin, le pressant, et alors le fils du bey se chargeait de réveiller sa cour et ses invités ; Mais le temps que tout le monde soit bien debout, propre, et ayant bien mangé, le soleil était déjà en train de se coucher, on avait la gueule de bois, et ce qui aurait dû être une journée de chasse fructueuse se transforma alors en une autre nuit de fête et de beuverie à la belle étoile, au milieu d’un rien impressionnant.

Jusqu’à ce que la canicule frappe.

Tout le monde l’avait vu arriver en plus. On la prédisait facilement, il y avait qu’à observer les nuages et les vents. Mais Abdul aimait la beuverie, il aimait aussi la chasse, contrairement aux invités qui préféraient uniquement la seconde, pervertissant le but premier. Alors, tandis que tout le monde disait avec plus ou moins d’insistance qu’il voulait rentrer, Abdul lui se gaussait, se moquait, et, subtilement encouragé par Khaled qui tenait étrangement à réussir à tuer un animal innocent, ils avaient continué à aller de l’avant.

« Nous ne trouverons rien avec cette chaleur !
– Il nous faut rentrer, c’est le mieux...
– On perd une journée pour rien. Il y a des choses à chasser près du palais ! »
disaient-ils tous les uns après les autres.
« Je trouverai une magnifique antilope ! Juste une et la journée sera finie ! »

Alors pendant une heure ils avaient marché loin des caravanes, postées en cercle à un point donné. Et ils avaient marché dans cette savane, ce paysage sec mais loin d’être stérile, de petits arbustes grossiers, sous un soleil de plomb. Et si les nobles s’étaient bien gaussés du petit eunuque qui les suivait, eux, les gros messieurs et leurs valets, qui marchaient tout fièrement avec leurs arcs avec lesquels ils s’entraînaient depuis l’enfance, tout avait changé avec les heures. Maintenant le soleil les brûlait. Ils avaient sué toutes leurs eaux, et maintenant ils devenaient rouges. Les petits chiens qui les accompagnaient avaient la langue pendante et la truffe sèche, à deux doigts de tomber raides morts. Pour se rafraîchir, ils avaient pissé d’une urine jaune sur leurs turbans avant de les enfiler. Ils avaient bien des gourdes ; Mais les nobles se réservaient le plus d’eau fraîche, laissant les serviteurs à l’agonie.
Plus vite ils auraient tué un animal, plus vite ils pourraient rentrer à l’abri et rentrer. C’était ça qu’ils se disaient, finalement.

« Khaled ! Moins vite ! » Fit Abdul en rigolant aux éclats, voyant le jeune blanc-bec bronzé qui restait tout droit et qui partait en avant.
« Parlez moins fort, monseigneur. Je sens que nous sommes peut-être proches. » Il avait dit « seigneur » dans sa langue d’étranger, et non « sidi » comme on avait prédit qu’il le dirait. Abdul, rouge et suant comme un porc, ne fit que rigoler. Il savait que Khaled disait des mots de sa langue natale, quelques fois, uniquement pour chercher à piquer au vif ces grands hommes investis de tant de préjugés.

Mais pour tout étranger qu’il était, Khaled était véritablement un chasseur sans pairs. Et voilà qu’il avait réussi à conduire le groupe juste sur une petite butte, où ils se couchèrent. Devant eux, en contre-bas, à distance, une flaque d’eau, une oasis inespérée ; Et des antilopes qui venaient s’y réfugier, laper l’eau et dormir à l’ombre des quelques arbres, une ombre si rare et si salvatrice.
Immédiatement, Abdul tiqua des lèvres, inquiet.

« Ah, c’est rageant... Ils sont si nombreux. Mais si nous quittons cette bute, ils verront nous approcher et fuyeront.
Faut qu’on tire d’ici.
– Quelle distance entre nous et l’oasis ?
Demanda l’un des nobles.
– Hmm... Cent cinquante... Peut-être deux-cent mètres.
Qui s’estime assez bon archer pour réussir ? »


Tous bien sûr. Absolument tous. Ils étaient fiers et orgueilleux, et à juste titre : Tir à l’arc depuis l’enfance, nous l’avons dit. Ce sport, l’archerie, était la marque de fabrique des nobles de l’émirat, le symbole de leur pouvoir. À l’origine, tous les beys, tous les vizirs, tous ces petits chefs locaux, ils devaient leur pouvoir à leur talent à l’arc. Les mubarizum, ces guerriers d’élites des premiers émirs, étaient récompensés par des terres, et ils avaient construit des palais pour les défendre. Quand bien même beaucoup étaient gros, décadents, et peu intéressés par la guerre, le tir à l’arc occupait une grande place dans leur existence.
Réussir à tuer une antilope, ce serait l’assurance de profiter pour longtemps de la largesse d’Abdul. De se faire offrir des femmes et de l’alcool pour toujours. Mais échouer, ce serait s’attirer ses foudres et sa colère. Un pari extrêmement risqué.

« Je vais le faire.
– Toi, Khaled ?!
Dit le vizir en riant. Tu es un bon archer, très bien, tu t’entraînes depuis que je t’y encourage ; Mais tu es loin, très loin d’être le meilleur archer d’ici !
– Je ne vais pas le tuer à l’arc.
Salim, vas-y. »


Salim se leva et retira l’objet étrange qu’il portait sur son dos. Il était enroulé dans une sorte de gros linge. Quand il le découvrit, tout le monde put voir une espèce de bâton étrange, avec des organes métalliques taillés dedans. Abdul reconnut de quoi il s’agissait, et se mit à crier.

« Non ! Certainement pas ! Vous n’allez pas utiliser cet... Objet atroce et inutilisable ! »

Les nobles aussi se mirent à rugir, en cœur.

« L’antilope est trop loin, cette chose ne fonctionnera pas !
– Cela va faire du bruit, et les antilopes vont s’enfuir ; On devra recommencer à parcourir le désert pendant des heures !
– Et encore, seulement si cette chose n’explose pas à la figure. »


Le bâton à feu. C’était connu, cet objet de mort. Une arme encombrante, lente à charger, et qui émettait un éclair imprécis et peu puissant. C’était une arme utilisée par les infidèles et les fidèles durant l’ancien temps, le siècle précédent ; Mais à présent, avec l’enfermement des frontières, cette arme avait perdu tout intérêt. Il était bien moins précis, puissant, ou efficace que l’antique arc. Il correspondait à la nouvelle guerre, qui n’était en réalité plus qu’une chasse permanente contre les monstres. Si des bâtons à feu existaient encore un peu partout, ils étaient laissés à l’abandon, gagnés par la poussière, inutiles.
Mais c’était sans compter sur cet imbécile de Salim, cet eunuque vaurien et idiot ! Il s’était mis en tête de fabriquer de la poudre à canon. La chose avait duré des semaines. Des semaines où il avait entassé de la merde de cheval et des crottes de pigeon, et qu’il avait recueilli scrupuleusement les urines des femmes du harem pour utiliser le souffre naturellement présent dedans. Les mouches avaient envahi avec la chaleur, et au milieu d’une grange du palais se trouvait une odeur délétère et immonde à vomir qui avaient alerté tout le monde. On avait ordonné à Salim d’immédiatement faire nettoyer tout ça, puis on lui avait donné vingt coup de fouets ; Mais il semblerait qu’il ait réussi à en tirer un peu de poudre. Et donc, Khaled était complice de cette histoire ? Abdul se mit à hurler, même s’il s’efforçait de garder sa voix basse.

« Vous deux ! Vous allez crever ! Vous vous rendez compte de ce que vous faites ?! Ne vous ai-je pas interdit de fabriquer de la poudre ?! Vous avez empesté mon château de merde et de puanteur ! Et tout ça pour ça ! »

Khaled n’écoutait plus. Se saisissant du bâton à feu, il mit un petit objet de métal à l’intérieur près de la culasse. Puis, il enfonça de la poudre compacte dans un trou à l’autre extrémité, qu’il tassa à l’aide d’une baguette. Alors que tout le monde l’insultait, il s’agenouilla sur la butte, et mis l’arquebuse en joue.

« Une arquebuse ne porte pas plus loin que cinquante mètre !
– Elle est totalement imprécise !
– Elle va blesser une des bêtes sans même la tuer ! »


Alors Khaled utilisa un briquet à main, qu’il frotta contre une pierre, jusqu’à obtenir une petite flamme. Il l’approcha de la mèche de la culasse, qui s’enflamma. Et au bout de cinq secondes, une détonation terrifiante cracha son écho.
Près de l’oasis, une des gazelles tomba, raide morte. Sous le regard stupéfait et le silence temporaire des nobles.

« C’est... C’est de la magie !
Se récria Abdul.
– Non. Ce n’est pas de la magie. »

Khaled se leva et montra à tous la crosse du fusil. Une inscription impossible à déchiffrer, en alphabet latin, se trouvait gravée en lettres dorées dessus.

« Ceci est un fusil d’une espèce spéciale, qui était autrefois fabriqué dans la ville-atelier envahie de nuages noirs, Nuremberg. La ville des chroniqueurs. Ces fusils étaient fabriqués en grande quantité jusqu’en l’an 108. Il équipait la Garde Augurale, et les armées franciennes.
C’est parce que vous imaginez que c’est de la magie que l’émirat sera un jour envahi, et que vous mourrez tous. »


Il y eut un silence de mort. Abdul se leva, attrapa le fusil des mains de Khaled, et le jeta au loin. Quand le petit blanc-bec se leva pour protester, Abdul le sécha d’une claque du plat de sa main, avant de l’attraper par le collet.

« Petit con ! Comment oses-tu dire ce genre de choses ! Toujours à me parler de technologie ! Toujours à me parler des monstres au-delà de la frontière ! Toujours, depuis dix ans, à raconter qu’un jour on sera envahis et nous mourrons tous !
C’est pour ça que tu as fais tout ça ? C’est pour ça que tu m’as encouragé à me perdre au milieu du désert ?!
– Personne ne m’aurait jamais cru si je l’avais dis à haute voix ! Ceci était une démonstration ! Une preuve ! Nous ne pouvons pas rester enfermés éternellement au sein de nos frontières !
– Tu remets en question la stratégie d’une Reine ?! Qu’est-ce qu’un homme comme toi est contre Sa Majesté ?! Ne sais-tu pas que ce sont des visions qui l’ont poussée à nous fortifier ?! Ne sais-tu pas que grâce à elle, nous avons profité d’une décennie de paix et de tranquillité ?!
Tu me parles sans cesse depuis une décennie de la France, des Gothiques, des Hellènes, de l’Augure du Latium... Mais que sont-ils devenus, hein ?! Tu sais ce qu’ils sont devenus, avec tes espèces de bâtons qui crachent du métal ?!
Ils sont morts ! Ils sont morts Khaled ! Ils sont morts et c’est cette mort que tu risques d’attirer sur nous tous, à continuer à prêcher de la sédition et de l’hérésie ! »

Sans même le remarquer, Abdul avait étranglé Khaled. Il l’avait mit à genoux et était en train de l’étouffer. Se reprenant soudainement, Abdul le lâcha et le laissa tomber à terre.
Il se passa la main sur son front couvert d’eau, et se retourna vers ses invités, qui semblaient encore plus inquiets et mal à l’aise.

« Nous rentrons.
Je compte sur vous pour ne pas parler de ce qui vient de se passer ici. »
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MessageSujet: Re: Flagellum dei   Flagellum dei I_icon_minitimeLun 30 Oct - 15:27

Comme chaque matin depuis leur arrivée aux portes de la cité, Hapu se trouvait saisit du même ébahissement. Sa caravane ne revenait que toute les trois années dans la grande ville pour faire commerce. La toute première fois il se trouvait si jeune qu'aucuns souvenirs ne lui était malheureusement restés. La seconde fois, Hapu s'était trouvé terriblement malade, d'un mal tel que sa mère n'avait pu quitter son chevet toute la semaine durant.
La troisième fois lui fut enfin favorable.

Gosse des sables, Hapu connaissait sa caravane marchande, ses grands oncles et ses cousins éloignés, formant une grande famille, il connaissait les dunes du désert et ses campements de bédouins, les oasis et ses villages d'agriculteurs.
Mais aucun contes n'avait pu le préparer au faste et à l'extravagance des grandes citées de Levantine. Superbe et splendide, éclatante et brillante, immense et monumentale. Dans un seul quartier pouvait vivre dix fois la population du plus grand village de sa connaissance. Ici pas de huttes, mais des insula à deux trois voir quatre étages, comportant des dizaines d'appartements.
Au loin, dressé sur la plus haute colline tout au bout de la cité, se trouvait le temple de la Foi. Un édifice lourd et majestueux, ancré dans le sol et prêt à faire face à des millénaires d’intempéries. A coté se trouvait préservé un antique observatoire lunaire, fait de pierres dressées, à présent recouvert par l'ombre du temple.
Cette seule vision, pourtant lointaine, donnait d'irrépressibles frissons au jeune Hapu.

Voilà quelques jours que la caravane avait plantée son campement en contrebas de la ville. Quand bien même l'on aurait autorisé Hapu à entrer dans la ville, il ne l'aurait osé. Ici, en bas du vallon, dans son campements de tentes au milieu d'une prairie verdoyante entourées de palmiers familier il se sentait en parfaite sécurité. C'était là son environnement.

Pourtant il ne put résister plus longtemps à l'attraction de la ville.
Alors il s'en approcha, délaissant les siens en plein heure du dîner.

Les rires, les chants et les odeurs alléchantes moururent derrière lui alors qu'il commença à emprunter le chemin remontant les collines.

Ici plus de verdure mais de la rocaille. Plus de bavardage, plus de sourires accueillants.
Les gens se trouvaient pressés, leurs têtes baissées ne voyant que leurs torses lourd d'amulettes et de colliers.

Plus il s'approchait, plus il perçut le souffle tiède de la citée.
Hapu frémit. Un coup de froid.
Il s’arrêta non loin de l'entrée de la ville, ses sandalettes crissèrent sur la terre sèche et les graviers.

Alors un frisson l'enveloppa, du bas du dos jusqu'à la glotte.
Une vibration.

Puis un vrombissement. Lointain, surnaturel.
Comme soudain fiévreux, Hapu eut le sentiment d’être dans un rêve. Étrange.

Le vrombissement devint un bourdonnement assourdissant.
Le soleil devint noir.
Une ombre vint engloutir et la ville et ses gens.

La calamité s’abattit avec la brutalité d'un orage soudain.

Cris, hurlements, courses folles.
Hapu resta ahuri jusqu'à ce qu'il se reçoivent un premier coup. Sur la tête, il sentit qu'on lui tira les cheveux. D'instinct il passa sa main et en retira une énorme sauterelle.
Le garçon hurla de terreur, secouant frénétiquement sa main faisant fuir l'immonde bestiole.
Il reçu alors un deuxième choc, puis un troisième et un quatrième. Elles se saisirent de sa toge avec leurs mandibules et leurs crochets, leurs ailes s'agitant en un vrombissement glaçant. Les sauterelles pleuvaient littéralement du ciel ombrageux. Le garçon hurla, hurla comme il ne l'avait jamais fait. Mais personne ne s'entendait dans le vacarme. En un instant il se retrouva presque entièrement couvert de ces immondes bestioles et de leurs cliquetis. Hapu s’arrêta de hurler car elles montaient dans sa bouche, s'écrasant sur ses dents et sur sa langue.

Un souffle chaud, surnaturel, lui redonna étrangement courage : Il faut fuir. Fuir.
La voix, de son chaleureux accent étranger, résonnait dans la tête du garçon, déjà trop hystérique pour pouvoir se raisonner.

Il y eut une première secousse qui figea instantanément les gens. Suivit d'une seconde qui en fit tomber certain, laissant s'échapper, en une nuée bruyante, les bestioles accrochées sur eux.
Le tremblement se rapprochait inexorablement.

A terre, Hapu leva péniblement ses yeux pour observer l’incommensurable.


le Fléau des Dieux:


Hapu se réveilla dans une peur panique, luttant un premier temps contre ses couvertures enroulées et l'étreinte de Saïda.
Il sortit de la tente en trombe, le cœur fou, les yeux noyés de larmes, ses entrailles convulsant.
Le garçon alla finir par s'écraser en boule derrière l'un des enclos.

Saïda partie rapidement retrouver son protégé après s’être assurée qu'il n'avait réveillé personne de la caravane. Le désert semblait avoir engloutit son réveil tonitruant.

Elle eut un bref moment de stupeur après s’être accroupie aux cotés du garçon une fois qu'elle l'eut trouver. Il tremblait comme l'un de ces vieillards atteint de maladie.
Saïda serra alors la petite boule humaine tremblotante entre ses bras.
Mais celui ci se dégagea vivement en un soubresaut, faisant tomber en arrière la bédouine, se releva d'un bon mais tituba pourtant plus qu'il ne courut sur quelques mètres. Son visage coulait de larmes et de morves mêlées, de sanglots et de cris étouffés.
Le garçon s'écrasa rapidement à terre, les deux mains dans la terre et dégobilla après un douloureux spasme au ventre. Ses bras plantées dans le sol tressautaient littéralement sous ses tremblements incontrôlés.

La bédouine eut une grimace profondément peinée, les larmes lui venant déjà au bord des yeux. Un tel spectacle de souffrance était insupportable. Alors elle s'approcha à nouveau et le prit, plus doucement cette fois, entre ses bras.
Hapu ne tenta même pas de se débattre. Mou, vidé comme la carcasse d'un porc pendu par les pieds et que l'on venait d'égorger.

Elle tenta bien de le rassurer en chantant l'un des contes qu'il appréciait tant, mais l'histoire mourut bientôt dans un sanglot. Les crises d'Hapu allait en s'intensifiant et elle se trouvait totalement démunie face à cela. L'abattement gagnait peu à peu.

Saïda se permit un nouveau regard vers le campement, s'assurant que celui ci était toujours endormis. Il ne fallait pas qu'ils sachent pour Hapu, jamais.
Le garçon avait été pris d'étranges convulsions deux semaines auparavant, alors que la caravane se trouvait loin à l'Est, par delà les limites du royaume. Une bien étrange tempête les avait tous surpris et forcé à faire demi tour. Une tempête aux éclairs violacés ne touchant jamais le sol. La panique s’était rapidement installée et la zizanie aurait pu suivre si les anciens n'avait pas réagit promptement, ordonnant la levée du campement et la fuite vers l'ouest.
Hapu et Saïda s'étaient trouvés loin des autres ce jour là, fort heureusement. Et le garçon eut sa première crise à la seule vision des nuages menaçant.

La bédouine se doutait bien de quoi il s'agissait. Et ce que cela impliquait.
Mais jamais s'était elle promise, jamais les Vigiles ne mettront leurs griffes sur Hapu.

Saïda revint brusquement et douloureusement à elle en sentant soudaine la poigne du garçon sur ses bras. Elle se retourna vers lui presque en sursaut, et vit de grands yeux fou la transpercer :
-Il faut fuir ! Fuir !
Et il hurla, hurla à en réveiller toute les bêtes du désert.







* * *







Grand Temple de Ninive.

Flagellum dei 1509373582-temple


Une rumeur circulait parmi les servants et mêmes quelques prêtres du Temple, mentionnant l'existence de cachots, en dessous même de l'autel. Seul le haut sacerdoce en posséderait les plans et les clés.

Yussuf se trouvait dans l'un de ces cachots, ruisselant d'une sueur froide, assis hébété sur un tabouret poussiéreux. De sa main gauche, tremblante, il l'approcha de sa bouche avec lenteur, finissant par la plaquer sur celle ci, sentant un haut le cœur venir. Sa main droite, molle, laissa choir au sol une poire d'angoisse trempée de sang frais.

En face de lui : un mort encore debout. Le prêtre dissident, arrêté la veille, gisait pantois, cloué au mur par un arceau de fer lui cerclant le cou. La mâchoire du macchabée pendait grotesquement, déboîtée, ses dents brisées.


C'était peu après le dîner que Yussuf s'était décidé à aller plus amplement questionner ce qu'il considérer comme étant son prisonnier. Celui ci avait pourtant bel et bien était jugé le matin même par toute une assemblée de pontifes, l'affaire fut vite entendue.
La rapidité de la procédure déplaisait profondément au haut sacerdoce. La Foi se trouvait prompt à condamner, mais pas à comprendre. Parfois, il semblait à Yussuf que le pourquoi n'avait d’intérêt que pour lui parmi tout ses confrères. Pour eux, la chose était vite entendu, le Livre de la Foi se trouvait être clair sur la procédure à adopter et le jugement à appliquer.

Condamné à une lapidation publique le lendemain, Yussuf n'avait devant lui que cette fin de journée pour tenter de comprendre le pourquoi.
Il s'était montré d'emblée sincère sur ses opinions et son objectif. La lutte des regards fut longue, puis vint celle des mots et seulement après le sacerdoce put entamer un début de discutions avec l'hérétique.
La discutions l'amena peu à peu à découvrir un homme riche de savoirs, mais à l'esprit terriblement retors. Il bondissait de traits d'esprits en insultes, s’arrêtant parfois pour s'ouvrir au dialogue.
Quand tout commença à s'emballer follement ?
Au moment où l'hérétique sembla se surprendre lui même à époumoner d'odieux blasphème ? Ou bien celui où Yussuf commença à soupçonner un phénomène de possession ?
La haine semblait peu à peu prendre prise sur le vieillard : folie provoquée par une soudaine prise de conscience de sa fin inéluctable ou bien démon s'emparant d'un esprit déjà ouvert à lui ?

Non, le moment de bascule fut l'instant même où Yussuf s'empara du fléau. Après cela ce ne fut que succession de coups, amenant l'hérétique à baver un torrent d'insanités donnant lieu à encore plus de coups.
La douleur finirait par faire ressortir le démon, il s'en trouvait convaincu. Alors il alla chercher couteaux, braises et instruments de tortures...


Pour aboutir à ce final.
Un prisonnier, au ventre violacé, aux jambes scarifiées, aux doigts et à la mâchoire brisés. Et son tortionnaire, écrasé sur son tabouret, comme meurtri de l'intérieur.


Le silence vrilla douloureusement le crane de Yussuf.
Se levant d'un bon il dégagea le tabouret de son chemin d'un violent coup de pied. Les hurlements de l'hérétiques raisonnaient encore dans sa tête, empoisonnant son esprit.
Il tenta alors la fuite, déboulant hors du cachot, claquant la lourde porte de celui ci après s'en être extirpé, puis courant dans la pénombre à peine éclairée par une poignée de torches déjà mourantes.
Yussuf faillit chuter en remontant l’escalier et se reprit in extremis à la main courante. Écrasé contre le mur froid, essoufflé il entendit des cris et des hurlements, des grognements et de monstrueux aboiements.
Apeuré il regarda fou derrière lui, devant, et même au dessus.

Il n'y avait toujours que l'ombre, le froid, et son souffle lourd.
C'est par un effort incommensurable que le sacerdoce réussi à ordonner ses idées, s'évitant de remonter dans le temple en hurlant comme un aliéné. De sous ses draperies il ressortit de ses nombreux colliers une amulette qu'il porta sur les lèvres. Il la baisa une centaine de fois, s’efforçant de reprendre son calme, suppliant les dieux de lui pardonner son écart. La haine, le dégoût et la bestialité qu'il avait ressentit était un poison que son propre esprit venait de déverser dans l'ater-monde, la Trame où errait les esprits des défunts. Son ressentiment avait peut être amenait à malmener plusieurs de ces esprits, voir certains dieux eux même. A cette pensée glaçante, Yussuf répondit par une autre centaine de baisés pour son amulette.
La colère est péché. Il avait péché.
Les esprits lui pardonnent.

Le bourdonnement à l'intérieur de son crane mourut et le silence revint l’entourer.
Il grimpa les quelques marches restantes sans les sentir sous ses pieds, et finit par passer une poterne, dégagea la tapisserie cachant l'entrée et déboucha sur un couloir du temple. Encore abasourdit et préoccupé, il ne nota même pas que le soleil délivrait ses derniers rayons par les vitraux, alors même qu'il était à son zénith quand Yussuf s'était enfoncé dans les entrailles froide du temple.

Enfin il sembla sortir de sa stupeur en découvrant une scène de ruine : statues renversées, pot éclatés et draperies arrachés. Et du sang, jeté par un peintre fou au sol et sur les murs.
Le bourdonnement revint lui vriller le crane alors que l'effroi glaçait son corps de bas en haut, jusqu'à lui bloquer la respiration.
Des bouts humains. Des mains, de la chaire, des entrailles et des os.

A la limite de l'apoplexie, Yussuf tourna sa tête, par à coup comme un automate, pour constater au bout de la grande allée du temple une meute de monstres.


Spoiler:


A trois, ils s'arrachaient un tronc humain entre claquement de mâchoire et jappements satisfait.
Alors que son cœur s'emballait et que ses jambes semblaient perdre force, Yussuf traîna des pieds jusqu'à un couloirs adjacent sans jamais, o grand jamais quitter ce tableau d'horreur de ses yeux exorbités.
Ne lâchant pas son souffle jusqu'à atteindre le bout de son couloir, il sursauta littéralement en attendant un lointain cris de terreur, rapidement suivit par des aboiements. Son courage et son bon sens moururent alors, noyées par une vague de panique.
Yussuf courut, monta un escalier, passa un couloir, sauta par dessus une barricade improvisée et finit enfin par déboucher sur l'esplanade extérieur.
-Maître Yussuf !
Celui ci se tourna, terrifié et découvrit un servant du temple. Il reconnu instantanément son visage, sa voix, ses habits mais aucuns noms ne remonta. Derrière lui deux autres servants enlacés l'un à l'autre et encore derrière un jeune prêtre appuyé sur la barrière de pierre taillé longeant toute l'esplanade.
-Vous êtes sain et sauf !
-Nous vous cherchions depuis des heures !
-Les esprits vous gardent Haut Sacerdoce ! Ils vous gardent !

Yussuf reçu leurs accolades comme un vieux chêne le vent.

En bas de l'esplanade, Ninive sombrait.

D'ici il voyait les départs de feu bien évidement, mais il lui parvenait tout aussi clairement les cris affolés et les hurlements de ses habitants.
Soudain, des éclairs semblèrent illuminer les rues à l'ouest de la ville.
-Qu'est ce ... ?
-Des coups de feu. Répondit Yussuf, étonné lui même de percevoir sa voix.

-Par la sainte ! Vous avez vu ? Regardez ces gargouilles tomber sur la foule sur la place !
-Mais où sont passé les gardes ?
-Là regarde, je crois en voir en prise avec un... un...

-Oh... foutrerie.

Le jeune prêtre se tourna alors vers Yussuf, l'on voyait à sa posture qu'il se retenait de se jeter à ses pieds pour le supplier. De sa voix, serrée d'angoisse il demanda :
-Qu'est ce qu'on fait ?

Il fut désemparer de voir son maître fermer les yeux.
C'était un cauchemars.
-Que s'est il passé ? Demanda Yussuf, puisant dans ses dernières ressource pour afficher un ton apaisé.
-On s'pas ! nous on'té en cuisine ! S'exclama l'un des servants.
-Je me trouvait dans les quartiers pour l'entretien cet après midi. J'ai vu une nué de rapaces, comme un nuage sombre, s’abattre à l'entrée de la ville. Ils s'en prenaient aux gens, je les ait entendu hurlés du temple !
Les monstres n'ont pas tardés à venir jusqu'ici... on s'est regroupés, on a barricadé et...

-Et ils sont tous morts ! Hurla le jeune prêtre, assaillit par la vision d'un monstre passant par dessus de l'une de leurs ridicule barricade de meubles empilés, arrachant puis broyant les têtes de ses confrères de ses trois bras difformes.

Tous se tournèrent, paniqués, en entendant de lointains aboiements.
Le cœur fou mais l'esprit soudain vif, Yussuf vit passer à toute vitesse idées et souvenirs dans son esprit, il fit le tri, dressa des plans, et sélectionna le meilleur :
-Rejoignons les baraquements à l'Ouest ! Les gardes s'y trouvent encore, nous avons tous vu les coups de feu, allons leur prêter main forte !
Il n'y eut même pas la moindre ombre de l'idée d'une objection quelconque. Tous, mortifié de peur, s’accrochèrent avec le désespoir d'un naufragé, aux conseils de la seule personne ici qui avait gardé la tête froide.

La troupe courut, descendant l'esplanade, passant les jardins, et se dirigeant vers les faubourgs de Ninive se trouvant entre le temple et les baraquements -une simple grande bâtisse dressée sur une colline-.

Qu'est ce qu'il se passait à la fin ? Comment une chose pareil pouvait être en train de se produire ? Les dieux le punissaient ils ?
Yussuf chassa toutes idées parasites de son esprit, se concentrant sur son souffle, sur sa prochain enjambée dans sa course jusqu'à un hypothétique abri. Mais son esprit se trouvait en ébullition, l’ébouillantant bien malgré sa volonté de sentiments de peurs.
Il hurla à son esprit, pour garder courage : les dieux me gardent, les dieux me gardent. S'exaltant par sa soliloque désespérée.

Ils croisèrent au loin un groupe d'habitants fuyant, marmots sur le dos, vers les collines à l'extérieur de la ville, mais ceux ci ne répondant pas à leurs appels, le groupe venu du temple préféra continuer et s’enfonça rapidement dans les ruelles de la banlieue de Ninive.
Odeur de brûlé, cris lointain et grognements.

Déjà trop affolés, ils ne remarquèrent qu'à peine les cadavres qu'ils croisaient. Des hommes et des femmes, parfois des gardes et des monstres abattus.

Regards à droite et à gauche délivrant la même vision d'un départ précipité.
Yussuf ne s’arrêta qu'une unique fois, au détour d'une ruelle la lumière d'un incendie porta l'ombre d'une créature abominable que son esprit eut bien du mal à s'imaginer... broyant le corps d'un homme. La moitié de celui ci fut rejeté, atterrissant non loin de Yussuf. Une moitié de femme, l'abdomen ouvert sur une gerbe de viscères.

En quelques minutes à peine, ils arrivèrent au baraquement et faillirent bien finir là, découpés par une salve de balles si Yussuf n'avait eut la présence d'esprit de déclarer leurs identités.

Un Traqueur et un garde de Ninive vinrent alors à leur rencontre et les escortèrent jusqu'au baraquement. Les nouveaux venus bien qu'essoufflés, y allèrent tous de leurs remerciements, aux esprits, à leurs bonnes étoiles, aux gardes. Ils leurs crièrent tous les abominations qu'ils avaient pu voir là bas, au temple, mais aucun de leur témoignage ne sembla intéressé leurs sauveurs qui coupèrent court à leurs plaintes d'une question pressante :
-Vous n'avez pas croisés un chevalier ? Plusieurs gardes de la ville ?
Mines confuses et échanges de regards pantois débouchèrent sur une réponse négative.
La mine du garde se déchira en un sanglot à peine réprimé alors que le traqueur eut un hurlement rageur.
-Vacherie de cons ! On a envoyé une escouade il y a une moitié d'heure pour aller porter secours au temple et une autre au palais du Bey. Les autres sont déjà revenus.
Le traqueur ordonna d'un geste sec à lui emboîter le pas et la troupe laissa derrière elle le garde, épaules basses et yeux larmoyant.
-Son frère était de ceux partis vers le temple. Lacha sèchement le traqueur pour toute explication, sans un regard ou mot pour le garde.

On les amena alors dans un grand pré-haut attenant à la bâtisse appelé par le commun "le baraquement". L'espace était immense et s'y entassé chevaux et quelques réfugiés de la ville. Au bout l'on pouvait apercevoir un camion, vestige des temps anciens.
Partout on s'agitait, créant un grand tumulte électrique, les ordres fusaient au milieu des pleurs des rescapés.

D'une fenêtre de la bâtisse un homme interpella trois traqueurs réunis en contrebas. Ces derniers se tenaient debout, contemplant le désastre de la ville plongé dans un cauchemars sanglant, impassibles.
-On a perdu contact avec le post de Tell'Azir !
Une traqueuse se tourna, eut un geste impatient et répondit :
-Hé bien n'attendez pas, réparez ce problème d'antenne ou je ne sais quoi et reprenez le contact immédiatement !
L'opérateur radio, toujours penché à la fenêtre, eut un mouvement de tête négatif faisant ballotter son micro-casque :
-Ça ne vient pas de chez nous chef ! C'est... C'est arrivé jusqu'à chez eux.
A croire que tout le monde avait eut l'oreille tendue car le brouhaha sembla s'étouffer en cet instant.

-Archers ! Beugla soudain l'un des traqueurs. Plein Est ! En bas !
Sa cape claqua au vent alors qu'il sortit de son dos un fusil d'assaut qu'il épaula, galopant jusqu'à un rocher sur lequel il bondit pour prendre de la hauteur alors que derrière lui déjà une dizaine de gardes arriva au trot peu à peu, s'organisant peu à peu.
Le traqueur sans un mot tendit un doigt sur une silhouette monstrueuse.

démon:

Une première flèche atterrit à ses pieds, rapidement suivit par toute une volée. La monstruosité continua sa marche inexorable malgré l'impact d'une demi douzaine de flèche dans son corps hideux.
Désespérés, certains archers commencèrent à hurler d'effroi alors que d'autre criaient un torrent d'insultes, que ce soit pour la bête ou leurs couards frères d'armes.
La traqueuse bouscula les archers, épée en main et fonça à la rencontre du monstre qu'elle occis d'un coup d'épée.

-Mais qu'est ce qu'y s'passe...
Yussuf se tourna vers l'un des servants. Pitoyablement en larmes, la lèvre tressautant, celui ci tenait mollement son collègue par la taille. Ce dernier était livide, les yeux clos comme endormis. Le sacerdoce mit un temps à constater la flaque de gerbe écrasé au pied du servant.
Les yeux de Yussuf se posait sur chacune des personne présente dans le hangar. Certains pleuraient, d'autres se tenaient serrés les uns avec les autres, s’échangeant une chaleur et une présence humaine réconfortante, et beaucoup priaient avec ferveur. Soient ils murmuraient leurs prières à leurs amulettes soit ils psalmodiaient en direction de la lune qui se dessinait dans le ciel nocturne. L'astre était associé dans l'imaginaire collectif comme étant la porte par laquelle la Trame Psionique communiquait avec le monde physique.

Le haut sacerdoce reconnu au bout du hangar, à coté du camion, la famille princière de Ninive. Les nobles présentaient l'exact même angoisse que les marchands, les artisans et les autres citoyens réfugiés ici avec eux.
Quelle vision...
-Vous !
La traqueuse qui avait pourfendu le monstre se rapprocha de Yussuf d'un pas pressé :
-Vous êtes le haut sacerdoce du temple hm. Rejoignez la famille du Bey là bas, nous allons vous évacuer.
Elle lui prit le bras pour le guider mais celui ci se dégagea vivement.
Amata décocha son regard le plus venimeux à Yussuf.
-Non. Ces gens ont besoin de mon aide. Mon devoir est de réconforter les âmes et...
La traqueuse se rapprocha brusquement et siffla, menaçante :
-Obéissez.
-Non ! S'insurgea alors Yussuf qui n'en démordit pas. Je n'ai pas à obéir à un traqueur, la Loi stipule que je n'obéis qu'aux soldats du royaume car ceux ci n'obéissent qu'à la reine !
Amata recula étonnamment d'un pas et laissa son regard divaguer un instant avant de reprendre, amère :
-Notre Reine est morte.
Maintenant c'est aux traqueurs de gérer la crise. Nous avons ordre d'évacuer tout les dignitaire à Babel.
Obéissez à mon ordre ou je vais rapidement perdre patience...

La traqueuse serra ses poings gantés mais n'eut pas le temps de mettre la main sur Yussuf qu'un garde l'interpella calmement, s'interposant entre les deux :
-Permettez moi de gérer ça Ser Chevalier, je le connais.
Amata cracha un odieux rire moqueur à la face de Mopatis. La traqueuse tourna les talons pour trouver l'un des gardes de la ville à l'entrée du hangar.
L'homme se trouvait statufier, sous le choc, son arc tombé à ses pieds. La traqueuse empoigna avec force l'avant bras du garde qu'elle leva devant elle, l'exhibant à Yussuf et Mopatis. Le garde se trouvait comme statufié, comme un mort encore debout, les yeux fixé dans le vague comme un aliéné d'asile. Sa main tressautait, incontrôlable.
Amata vociféra alors, agitant la main molle du garde qui ne réagit toujours pas :
-Est ce que vous avez vraiment l'impression que vous autre vous gérez quoi que ce soit ?
La traqueuse dévisagea de haut en bas le vieux Mopatis et finit par lâcher le bras du garde qu'elle bouscula en partant, lâchant tout de même :
-Faites le monter dans ce foutue de diable de camion.

Yussuf eut du mal à détacher son regard du garde encore en état de choc. Cette vision là d'un corps dépourvu de force vitale lui était encore plus renversante que celle de monstruosités cauchemardesque.
-Ça va aller, vous accusez pas trop le coup ? Commença calmement Mopatis, posant une main réconfortante sur le prêtre.
- ... Qu'est il arrivé à notre Reine ?
Le garde eut un souffle douloureux retournant dans sa tête différente approche. Mais qu'importe désormais :
-Niris se serait donnée la mort cette nuit.
Dans ses appartements.

Yussuf tituba sous le choc, trouva un mur derrière lui qui pourtant ne l’empêchant pas de chuter. Il glissa lentement, le dos collé au mur du pré-haut.
-On a reçu un corbeau en début d'après midi ici même, au baraquement. Les chefs n'ont pas réussi à étouffer une telle nouvelle.
Et il se tut, n'ayant plus rien à ajouter. Mopatis respecta une minute de silence, laissant au haut sacerdoce le temps de commencer à digérer au moins, la douleur.
-Alors nous y sommes... Murmura finalement Yussuf. La fin de l'Homme. La fin de ce monde.
Mopatis s'accroupit à ses cotés malgré sa douleur aux genoux :
-Les démons n'ont pas encore gagnés. Les traqueurs tiennent la Babylie. Le peuple a plus que jamais besoin de gens comme vous. Les hommes en noirs protégeront la dernière frontière, mais nous aurons besoin du Temple pour garder l'intérieur.
Debout, Yussuf.

Le garde l'aida alors péniblement à se relever.
-Allez y, rejoignez la famille du Bey. Et sauvez vous pour nous sauver nous.


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Thomas Dole
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MessageSujet: Re: Flagellum dei   Flagellum dei I_icon_minitimeLun 20 Nov - 19:35

Les portes du palais s’ouvrent, et Abdul se retrouve à courser dans le grand hall aux dalles de marbre. Tous les valets bien habillés se mettent à le regarder. Couvert de sueur, haletant, escorté par des soldats en armes, il fait tâche dans l’environnement. Surtout que le voilà qui s’élance dans les escaliers en criant avec tout le souffle qui lui reste :

« Père ! Père ! »

Dans le grand escalier large comme deux vaches, il saute sur les marches, vite poursuivi par ses gardes qui bousculent de braves garçons à peine vêtus qui portent de grands coffres dans lesquels on a rangé des étoffes, de l’or, et des bijoux en toute sorte, renversant sur le bois d’ébène des richesses magnifiques que certains intéressés patentés subtilisent pour les cacher dans leurs braies ou leurs chemises. Khaled continue de s’époumoner en hurlant alors qu’il descend, et crie à tue-tête :

« Père ! Père ! »

Il descend jusqu’à la porte la plus importante du palais du bey, dépassant les bureaucrates qui vident leurs bureaux, les sergents qui s’emparent de leurs armes, les servantes qui rassemblent les vêtements. Et cette pièce la plus importante, ce n’est pas la chapelle dédiée à Sainte Carmen, ce n’est pas le tribunal de justice, ni même la salle du trône.
La pièce la plus importante, c’est le harem.

Abdul ouvre la porte de cette pièce interdite. Les gardes qui le suivent s’arrêtent, hésitent, puis décident de ne pas entrer. Nul homme n’a le droit de pénétrer à l’intérieur, hormis pour le père et ses invités. Et Abdul se retrouve au milieu de cette pièce au niveau de la terre, où la lumière du soleil entre et se tamise, où il y a des bains qui font couler une magnifique eau propre au milieu du désert, et où de jolies et jeunes femmes, peu vêtues, certaines nues, rient, pavassent, bouquinent, écoutent de la musique, parfois s’embrassent et se touchent par pur saphisme, sans aucune peur de l’excès ou de la bonne bien-pensance. Découvrant l’eunuque Salim en train de rédiger un livre dans un coin, Abdul fonce vers lui, en criant :

« Où est mon père Salim !
– Sidi... Votre père n’est toujours pas rentré...
Vous avez prévenu les-
– Oui oui ils sont en train de partir !
Bon sang ! »

Abdul se frotte les lèvres et la mâchoire. Il fulmine. Il commence à faire les cent pas autour du bureau de Salim. Celui-ci, étrangement plus calme, continue à faire patiemment son travail. Il réunit des papiers, et continue d’écrire. Le fils du bey se met à rugir de plus belle :

« Tu crois vraiment que c’est le moment de faire le copiste ?! On s’en va ! Rassemble tes affaires afin que nous partions !
– On n’a pas encore embarqué tous mes livres.
– On doit surtout embarquer les affaires de première nécessité !
– Oui, je vois des gens qui embarquent des étoffes et des tapis, mais mes livres ne sont pas important...
Je vous assure Sidi, que mon travail est de la plus haute importance. Je suis en train de rédiger une lettre. Observez. »

Abdul pivote autour de la table, pour rapidement lire le papier de l’eunuque. Il mime les mots avec sa bouche pour rendre la compréhension plus aisée, puisqu’il est devenu lettré sur le tard, avant de soudain soupirer.

« C’est pas une bonne idée...
– Vous êtes un traqueur, non ?
– Officiellement oui... Mais c’est plus compliqué que ça. J’ai trahi mes vœux et je suis revenu après des miens.
– Qu’importe sidi, vous avez des soldats ; Si les traqueurs refusent d’ouvrir la commanderie à leur frère, nous pouvons la prendre de force.
– Nous verrons, je n’ai pas la tête à penser à ça. J’attends le retour de mon père. »

Salim acquiesça, avant de terminer de rédiger avec attention et propreté la lettre. Il prit de la cire rendue molle au contact d’une bougie, l’appliqua dessus, posa le sceau, et enroula le papier pour le faire porter tout au sommet du palais, au pigeonnier. Abdul, lui, vint au milieu des femmes dévêtues, s’allonger au fond des divans moelleux. Il n’eut même pas le temps de bien se poser, qu’on se mit à l’assaillir de question. Les donzelles, malgré leur calme et leur sérénité d’apparence, semblaient proprement terrifiées par les rumeurs qui parvenaient jusqu’à elles. Jusqu’au palais, qui avait provoqué le départ soudain de la famille du bey, et bientôt, de toute la ville.
Est-ce vrai que des démons ont franchis la frontière ?
Est-ce vrai que les hommes sont submergés ?
Est-ce vrai que la Reine est morte ?

Salim aimait le harem. Lui qui avait passé une vie d’ermite à errer sur les routes, voilà qu’il pouvait passer ses journées à exercer son art : écrire, apprendre, étudier. Et il le faisait dans le calme et la sérénité d’une pièce climatisée, apaisée, avec de l’eau fraîche. Bien sûr il étudiait au milieu de jolies jeunes femmes, qui parfois venaient se jouer de lui en le taquinant, avec frivolité, montrant un appétit dont Salim ne pouvait dire s’il était feint ou réel. Mais à part ce point de détail, être castré était un petit prix à payer pour ce paradis. Il ne quittait jamais le harem, sauf cas particuliers. Alors, quand il dû monter les grands escaliers en colimaçon, il se mit rapidement à être essoufflé, et malgré l’urgence de la situation, il se permit une petite pause de quelques instants à un moment.
Enfin arrivé tout en haut, il se retrouva dans une petite annexe en bois, dont l’atmosphère était brûlante et étouffante. C’était un miracle que les pigeons soient encore en vie et non morts d’une insolation. Il marcha sur un parquet grinçant et couvert de merdes d’oiseau, avant d’accrocher le petit message à un des pigeons, qu’il envoya en direction de la commanderie la plus proche.
Il exigeait d’ouvrir les portes à l’arrière d’un frère traqueur, Abdul el-Sawarim. Elle ne précisait pas que Abdul viendrait avec son père, sa famille, deux centaines de fantassins, deux douzaines de mamelouks, trente-six femmes de son harem, quarante-six serviteurs, des domestiques, des chevaux, des bœufs tractant des étoffes, le Trésor, la vaisselle, et tout un tas de choses inutiles ; Un convoi énorme, qui allait bientôt être suivi par une masse innombrable de réfugiés apeurés qui vont encombrer les routes et se battre pour manger, sitôt que les vivres viendront à manquer.
La lettre précisait juste : Abdul el-Sawarim, frère-chevalier de l’Ordre des Traqueurs.

Salim vit le pigeon s’envoler en battant vivement des ailes. Il soupira, et décida malgré la chaleur de se reposer quelques instants, au moins pour se préparer psychologiquement à la descente.
Il s’assit et se mit à se reposer, et à rêvasser un petit instant.

Le harem allait lui manquer. Il détestait la chaleur. Il détestait le bruit et l’agitation. Il était répugné à l’idée de retrouver sa vie d’avant, sa vie de mendiant, celle de devoir errer dans la rue, de dormir aux pieds d’un porche, d’être plongé dans la peur constante. Abdul el-Sawarim lui avait tout donné. Il lui avait donné l’or, la quiétude, des montagnes de livres des temps anciens à étudier. Et qu’importe qu’on lui ait écrasé ses testicules entre deux grosses pierres ? Ça avait une souffrance qui dura un peu de temps, mais à présent il n’avait que le bon côté de cet arrangement. S’il était intéressé par la poursuite de la chair, il aurait même put souiller les femmes du harem, puisque son statut d’eunuque lui permettait. Il faut dire qu’il n’était pas un vieillard, et malgré ses origines modestes, il avait encore de quoi attirer, assez étrangement, grâce à la fascination assez étrange que ressentaient les demoiselles envers lui.
Surtout Nadia.

Il n’eut pas le temps de penser à Nadia. Il entendit du bruit dans le pigeonnier. Il se leva et se mit à se récrier, instinctivement :

« Qui va là ? »

Pas de réponse.

« Eh oh ?
– C’est moi Salim, du calme ! »

Khaled apparut. Il s’était habillé comme pour sortir dehors en exploration. Il avait un pantalon bouffant, un voile pour se protéger la bouche, des lunettes qui recouvraient ses yeux, un grand sac à dos, trois gourdes très pleines qui tombaient sur son torse, une épée à son flanc, et même, en bandoulière, le fusil qu’ensemble ils avaient fabriqué, à l’aide de plans qu’ils avaient trouvé dans un ouvrage qui avait appartenu à un chroniqueur.
En voyant ça, Salim fut interloqué :

« Tu as gardé l’arquebuse ? Abdul n’avait pas demandé à ce que tu t’en débarrasses ?
– J’ai réussi à le convaincre. »

Salim ne demanda pas « comment ». Lorsqu’il vit Khaled baisser les yeux et retrousser un bout de la lèvre, il avait compris. Il avait compris que Khaled avait convaincu Abdul dans sa chambre. Dans son lit.

« Pourquoi tu es habillé comme ça ?
– Pour partir.
– Soit. Mais tu sais t’aurais pu prendre une tenue plus décontractée ; Abdul te prend avec lui dans sa voiture.
– Et tu crois que ça va durer longtemps, cette histoire de voiture ?
J’ai déjà vécu ça. Un exode. Je l’ai déjà vécu par le passé. Les routes vont être encombrées. Le trafic va ralentir. On va se retrouver avec des tas de cul-terreux qui vont fuir comme pas possible face aux monstres. Et les monstres vont nous rattraper, et ce sera pas joli.
– Nous ne sommes pas loin de la frontière. On va se rassembler avec l’armée.
– Ce sont des monstres qu’on fuit, et pourtant Abdul embarque tout. Tu sais pourquoi ? Parce que Abdul est un traqueur, il sait la réalité de notre situation. Nous ne rentrerons jamais ici, Salim.
Mais moi je m’en fiche, je ne suis pas chez moi. Ce n’est pas la première fois que je quitte les miens.
– Abdul t’aimes, Khaled.
– Camille. Je t’ai déjà dis de ne plus m’appeler Khaled. Ça me dégoûte.
– Abdul t’aimes. Comme un fou. Et si tu t’enfuis... Je ne suis pas sûr qu’il s’en remette.
Je t’implore. Ne t’enfuis pas. Pour moi. »

Camille fronça les sourcils.

« Tu te rends compte de ce que tu me demandes ?
T’es vraiment pas un pote. »

Salim ferma les yeux. Khaled, lui, soupira.

« Tu sais, quand on quitte une maison, il est de coutume de la brûler. Histoire de bien montrer qu’il n’y a pas de retour en arrière possible. Que ce départ est définitif. Ça a quelque chose de... Cathartique.
Brûle ton harem, Salim. Ou bien tu ne t’en remettras jamais. »

Et sur ces mots, Camille se retourna et laissa l’eunuque seul.
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MessageSujet: Re: Flagellum dei   Flagellum dei I_icon_minitimeMar 5 Déc - 21:53

Des villages, des plaines, des cités, ils ont commencé un grand exode. Des éleveurs nomades, des artisans urbains, d’honnêtes fermiers et de viles crapules, ils ont prit leurs affaires, leurs familles, leurs animaux, et ils se sont élancés à toute vitesse sur tous les axes routiers, sur tous les ponts, sur toute la voirie construite par les Rois de Babylie.

« Mon père ! J’espère que mon père nous rattrapera ! »

Abdul ronge son frein. Il devrait prendre du repos. Comme à son habitude, il devrait voyager dans la voiture géante et confortable réservée au bey, une tractée par pas moins de trente-six bœufs et dont les roues géantes racpaient la terre dans des sillons de géants. Une voiture dans laquelle se trouve de jolies femmes, beaucoup d’alcool, et des parois suffisamment isolées pour garder un air frais sous un soleil de plomb. Il n’en est rien. Le bey est sur son cheval, en armure lamellaire, accompagné de tous ses soldats en armes. Même Camille, ou plutôt Khaled, chevauche à ses côtés, dans son armure de chevalier francien retaillée à l’orientale, un turban autour du heaume, pour résister à la chaleur et au sable. Depuis maintenant quatre heures qu’ils sont partis de leur ville où les beys règnent depuis quelques générations, Abdul n’a cesse d’avoir les mêmes mots, auxquels on doit toujours le rassurer : Où est son père ? Où est le bey ? Dans le ciel vont et viennent des pigeons voyageurs, hagards, pour tenter de trouver de ses nouvelles. Est-il chez l’un des fils de sa concubine, qui effectue son apprentissage pour entrer au sacerdoce ? Est-il chez un ami qui est également le gendre d’une de ses nombreuses filles ? Abdul n’en sait rien. Mais finalement, plutôt que d’attendre éternellement dans la ville, il a plié aux suggestions de ses plus proches officiers et conseillers, et a décidé de plier ses bagages, de partir avec la nombreuse famille de son père et de ses femmes, et de faire route vers la Lévantine avant qu’il ne soit trop tard. Le bey est un homme intelligent et bien gardé ; Sans aucun doute, il est en route vers la frontière. Peut-être même l’a-t-il déjà franchie.

Camille a toujours sur son dos le mousquet. L’un des officiers du bey le remarque, et siffle à l’intention du blanc-bec caparaçonné d’acier :

« Tu as amené ce bâton magique avec toi ?
– Ne crois-tu pas qu’il nous sera utile, sidi ?
– Je n’ai jamais aimé les hommes d’au-delà la mer, confia Saddam le chef des mamelouks. Toujours à s’estimer supérieurs, avec leurs armes bruyantes et diaboliques. Est-ce que les arbalètes, est-ce que les harnois, est-ce que toutes les bombardes de Nuremberg ont empêché aux tiens de finir dans le Saqar ?
– Ce ne sont plus les miens, sidi. J’ai été converti.
– C’est ça, oui. Je suis au courant pour la croix que tu caches.
C’est quoi cette idée débile, de prier un mec qui a été cloué ? »


Camille quitta le regard du soldat Il savait que c’était une mauvaise idée de le défier ou même de le tenter. Il faisait partie de cette milice, « les mamelouks », des hommes entraînés depuis l’enfance pour combattre et pour servir leurs maîtres. Autrefois, il s’agissait d’esclaves affranchis, mais le règne des Babyliens a adoucit les mœurs, et aujourd’hui, les mamelouks n’étaient plus « esclaves » que par tradition et esprit de corps, sans qu’ils aient de quelconques droits inférieurs à autrui. Tout au contraire, les mamelouks étaient vénérés pour leur ardeur, non plus au combat, car il y avait longtemps qu’il n’y avait plus aucune guerre en Babylie, mais dans les joutes et les tournois.
Et cela ne plaisait pas à Camille. Cela avait été la même chose chez les chevaliers de Francia. Autrefois, ils étaient connus pour leur force et leur témérité, et aucun monstre n’aurait su les résister. Mais la paix les a rendus faibles et vulnérables. Et maintenant, il n’y a plus de Francia.

Comment résisteront-ils, face à la pression du Mal ? De Lucifer ? Il arrive, même pour les incroyants.

« Tu ne me réponds pas, Khaled ?
– Je ne prie pas d’hommes sur une croix. Je prie comme toi. Les Veilleurs me protègent. Les Traqueurs sont mon bouclier.
– Je ne te menace pas, je te demande sincèrement ! À quoi cela rime-t-il ?
– Les compagnons de Carmen priaient bien l’homme sur une croix, non ? Carmen elle aussi, elle Le priait.
– Mais parce que la Sainte n’avait pas été encore révélée ! Leur religion est périmée !
– Ils vénèrent aussi Carmen au-delà de la mer. Mais en tant qu’instrument, pas... De cette façon. »


Saddam leva les yeux au ciel. Khaled ne l’intéressait plus. Il s’en détourna donc pour regarder l’un de ses soldats, et lui dire qu’il fallait être prudent.
Khaled en profita pour faire accélérer son cheval au trot et rejoindre le fils du bey, qui suivait son convoi.

« Où est Salim ?
– Avec les femmes. J’ai laissé Souad et les servantes avec mes sœurs et mes nièces dans la voiture de devant, tandis que Rouïad et les sergents du palais marchent en arrière avec mes neveux, mes cousins et mes frères.
– Nous sommes partis en retard... Tu as entendu les éclaireurs parler ? La voie est bouchée.
– Je sais... Je sais... Mais nous atteindrons la Lévantine avant les monstres. Il n’y a pas de problèmes. »


Khaled acquiesça d’un simple mouvement de tête, sans véritablement y croire.
Au nord, sur un rocher escarpé, le chemin vers lequel ils se dirigeaient, une gigantesque commanderie de Traqueurs. Elle grossit à l’horizon. Et alors, Salim ouvrit la porte du harem ambulant et se posta à la barre à côté du chauffeur et du sergent qui dirigeaient les bœufs. Il fit un mouvement de main vers le bey qui caracolait à ses côtés, et pointa du doigt le fort.
Le bey fit « non » de la tête.

« Nous ne risquerons pas cela.
– De quoi parlez-vous ?
Demanda Saddam.
– Rien qui ne te concerne. Reste auprès de tes hommes.
– Bien sidi. »


Le milicien s’en alla. Abdul observa son amant.

« Petit chat ? Tu ne me demandes pas de quoi Salim parle ?
– Je sais que la curiosité est un vilain défaut.
– Brave petit chat. Tu m’en veux toujours, n’est-ce pas ? »


Khaled eut un sourire amer, dont il tentait de cacher le dégoût.
Abdul était un homme... Impulsif. Et dont les émotions changeaient souvent. Un jour, Khaled avait fouillé dans sa correspondance. Le fils du bey entra dans une colère noire. Il décida de donner vingt coups de fouets à son amant, avant de le violer dans sa chambre. Mais dans son esprit, cela n’avait été qu’être taquin.

« Salim me proposait d’utiliser mon statut en tant que traqueur pour entrer dans cette commanderie... Mais comme tu le dis, nous n’avons pas de temps à perdre.
– Pourtant nous pourrions y attendre votre père, fit Salim en sachant pertinemment quelle corde sensible toucher.
– S’attaquer aux traqueurs est une très mauvaise idée, répondit Khaled. Leur statut est divin.
– Mon statut est divin, en tant que traqueur. M’as-tu déjà vu en présence de paysans ? Ils font preuve d’une humilité toute particulière qui ne consiste pas qu’en un zèle servile. Depuis que j’ai été ordonné traqueur, partout où je vais, on s’aplatit devant moi. Alors même que je ne porte que le manteau ! Il n’y a vraiment que vous deux pour être si... Neutres, face à mon rang.
Toi Khaled car tu es un ancien infidèle.
Et toi Salim car... Eh bien. Pourquoi ne respectes-tu pas mon rang ?
– Je le respecte sidi. Éminemment.
– Et pourtant tu conspires pour qu’on vole l’Ordre. N’importe quel Babylonien normal préférerait s’égorger que de tenir des propos aussi blasphématoires.
Mais personne ne sait véritablement d’où tu viens. Tu étais... Un vagabond. Pourquoi donc ?
– Cela fait quelques années que vous me posez la même question, sidi. Et à chaque fois, je ne vous réponds pas. Quand cesserez-vous de demander ? »


Abdul éclata de rire. Qu’on le défie de la sorte n’était qu’une blague. Il fit un clin d’oeil à Salim, l’air de dire « gratte-moi le dos », et observa à nouveau la route.
Le reste de leurs discussions ne furent qu’ennui, banalités, échanges. À un moment, Abdul, suffisamment fatigué et endormi, décida de remonter dans son harem ambulant pour être au milieu des femmes.
Dehors, les soldats, les piétons, les mamelouks fatiguaient, comme leurs montures. Ils cuisaient sous le soleil. Mais l’urgence de la situation interdisait tout arrêt. Et de toute façon il n’y avait pas d’étape. Ils avaient franchi un village, mais il était entièrement abandonné. Les éclaireurs, inquiets, avaient bien tenté de fouiller toutes les maisons, mais rien. Il ne restait pas d’animaux, que de la nourriture en pagaille, et un puit avec le seau au fond. Les gens avaient déguerpi sitôt qu’ils avaient appris la rumeur de la mort de la Reine.
Une rumeur non-confirmée et hautement démenti. Avant de partir, Abdul avait ordonné qu’on fasse pendre douze personnes accusées d’avoir dit de telles choses. Et lorsqu’on lui demandait, le fils du bey répondait avec une grande colère que ce ne pouvait être vrai.
Il mentait aux autres pour mieux mentir à soi-même.

Nous étions dans l’après-midi, quand le convoi tomba enfin sur les fuyards en exode.

C’était massif. Sur la seule route praticable, entre les dunes de sables, un tas de gens étaient agglutinés. Des vaches d’éleveurs et les éleveurs, des chèvres et leurs bergers, des enfants fatiguaient qui montaient sur les brouettes en bois où des villageois avaient posés les affaires de toutes leurs vies. Des mulets, des ânes, et beaucoup, beaucoup de piétons aux souliers troués.
Si au départ les éclaireurs des mamelouks avaient bien tentés, avec leurs fouets et la menace de leurs cimeterres damasquinés, ils avaient vite oublié cette mission en voyant le nombre incroyable de gens qui encombraient les routes. Ils étaient revenus vers le convoi du bey, pour lui porter cette nouvelle. Celui-ci paru soudain inquiet, et appela à lui ses officiers et ses vassaux pour un conseil improvisé.

Très vite, on déploya quelques tables et des chaises sous de grandes étoffes pour cacher le soleil. Et il fallut attendre une demi-heure pour que tout le monde vienne et puisse se servir en alcools et en pâtes de fruit. Sur une table, on avait posé une carte qui montrait les routes et les voies du désert vers la Lévantine.
Pendant ce temps, des gens de tous les villages et des villes continuaient d’emprunter la route, qui ne faisait qu’être encore plus embouteillée.
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MessageSujet: Re: Flagellum dei   Flagellum dei I_icon_minitimeDim 10 Déc - 20:43

La magnifique tente bougeait un peu au gré du vent. Dressée sur une dune, on en avait depuis une vue plongeante sur la route embouteillée de villageois s’enfuyant des quatre coins de Babylone pour atteindre le plus vite possible la Lévantine. Un spectacle désolant et terrifiant, que deux officiers bronzant au soleil relevaient, l’un avec une longue-vue, l’autre avec un parchemin sur lequel il grattait à la plume. Les mouvements, le nombre de personnes, l’encombrement de la voie de communication. Ils tentaient, de façon approximative, de relever le nombre de personnes qui allaient et venaient, leur provenance, et où ils allaient.
Mais surtout, le convoi ayant quitté les terres du bey profitait enfin de repos. Après une marche forcée éreintante, les soldats avaient lâché leurs piques pour s’effondrer à l’ombre, les chevaux étaient amenés sous des tissus pour prendre de l’eau fraîche, et tout le monde pouvait maintenant essayer de souffler et de changer. Seuls les mamelouks, l’élite de la garde privée du bey, ne s’étaient pas mis torse-nus pour se jeter sur les vivres. Deux d’entre eux, reconnaissables à leurs moustaches et à leurs grands cimeterres, tenaient la garde devant la tente du bey.
Lorsqu’un de ses officiers, le cadi AlQayyim, fit enfin son apparition avec ses sergents, le conseil était au complet. Le bey accueilli le juge à bras ouverts, lui embrassa sur ses joues brûlantes et mates et l’installa près de la table autour de laquelle tous les grands de ses terres ayant prit la fuite étaient réunis.

« Honorables pairs, merci d’avoir pu vous joindre à moi. Je vais être bref, aucun d’entre vous n’ignore la situation : La voie vers la Lévantine est complètement embouteillée, si bien que cela ralenti fortement notre retraite vers l’émirat. Je vous ai donc réunis ici pour que, ensemble, nous puissions choisir une décision éclairée sur l’épreuve qui nous attend. »


Autour de la table, divers officiels se reposaient : Le cadi, le vizir, le chef des mamelouks Saddam, des officiers locaux et des représentants de marchands. Tout un tas de gens qui étaient avachis sur des divans ou des fauteuils, en sueur, tandis qu’on leur apportait alcool, eau fraîche, friandises et opium. La plupart étaient trop exténués pour véritablement réfléchir ou s’exprimer sur le péril qui pourtant les menaçaient.

« Selon mes éclaireurs, continuer à notre rythme rendrait notre trajet pour un triple plus lent. Or, nous n’avons pas d’informations sur la horde qui nous poursuit... Il se pourrait bien qu’elle nous rattrape très rapidement.
Nous devons donc faire un choix.
– Peut-être pourrions-nous traverser par le désert plutôt que par les routes... Suggéra le petit seigneur Abbas.
– C’est une très mauvaise idée... Nos chariots et nos voitures ne pourrons pas le traverser. Je pensais en réalité proposer une autre voie stratégique.
Nous pourrions nous replier avec nos fantassins sur la commanderie des Traqueurs et y tenir jusqu’à ce que nous ayons des nouvelles sur d’autres fronts. C’est un lieu sécurisé, et mon statut de traqueur fait de moi un interlocuteur privilégié pour m’y rendre.
L’autre solution est aussi de continuer sur cette route pour nous rendre en Lévantine.
J’ai également envoyé de nombreux pigeons, à destination du sud et du nord, du levant au couchant, dans l’espoir d’avoir enfin des nouvelles plus fournies sur le chaos qui nous menace. Jusqu’ici je n’ai reçu que des rumeurs parfaitement infondées, notamment celles qui... Vous voyez de quoi je parle. »


Les conseillers se regardèrent les uns les autres. Mais la lâcheté, la fatigue et l’insécurité eut raison d’eux, et tous admirent que la troisième solution était la meilleure. Tous, sous couvert de ne vouloir prendre une décision qu’une fois qu’ils auront plus d’informations, acceptèrent un sursis qui consistait à attendre au milieu du désert, à regarder l’exode, pendant qu’ils fumaient et appelaient de jeunes danseuses du ventre.
Camille, qui attendait devant la tente avec son fusil, cracha à terre et s’en alla. Abdul le vit faire, et discrètement s’évada devant ses mamelouks pour aller le rattraper et se saisir de son bras.

« C’est quoi le problème ?
– On reste ici ? Dans le désert ? Au milieu de nul part ?
Tu sais qu’au moment où on parle les oasis et les puits du désert sont envahis de nomades ? Que la horde s’approche ? Qu’on va tous crever ?
– Tu préférerais quoi ?
– Qu’on abandonne les chariots. Les fantassins. Les femmes et la vaisselle. Qu’on se casse à cheval, qu’on trace sur la route en armes légères.
– C’est une solution de lâches. Une qui nous laisserait sans armes et sans rien. On bat en retraite aujourd’hui, mais c’est pour mieux se battre demain.
– Espèce de con... »


Camille ria puis s’éloigna.
Abdul retourna dans la tente, à l’abri de la chaleur étouffante.

Salim était dans le harem ambulant et sur roues. Mais alors que les femmes riaient et s’éventaient, qu’elles se caressaient et buvaient du bon thé, l’eunuque semblait occupé à une tâche étrange. Encore ses papiers, se disaient les jeunes filles qui le taquinaient de loin. Mais Salim ne cherchait plus à sauvegarder. Il cherchait à détruire.
Il attrapa des papiers, des livres, des croquis étranges et qu’il avait depuis tant d’années cachés à l’œil de tous. Il quitta le harem, prenant une bouffée de chaleur en ouvrant la porte et en mettant ses pieds sur le sable. Autour des chariots et des voitures, des dizaines de petites tentes de soldats étaient montées sur les côtés de la route, où toujours, paysans et leurs bêtes s’échappaient en avant. Nomades du désert et artisans des villes.
Salim s’éloigna près d’un petit puits. Il sortit un petit briquet à main, le frappa contre un caillou, et alluma un petit feu dans lequel il jeta un à un les papiers et les livres.


Abdul se reposait dans la tente où les conseillers « attendaient » le retour des pigeons voyageurs. Il fut réveillé et tiré de sa semi-inconscience par des cliquetis métalliques et du mouvement. Il se leva, fiévreux, sur ses deux pattes, et tira son épée. Les pans de toile de la tente se soulevèrent, et Abdul crut défaillir devant l’homme qui était entrait.

« Père ? »

Abdul se jeta à genoux devant lui. Le bey était là, cinquantenaire fringant, couvert de poussière sur ses beaux habits, le visage et l’épée ensanglantée, avec ses soldats derrière lui, des mercenaires étrangers qui portaient l’arbalète et le chapel de fer. Ils étaient tous blancs, et rentraient visiblement du combat.
Tout le monde se leva pour s’agenouiller et pour aller embrasser le bey. Mais celui-ci se mit à hurler, d’une voix de petite fille :

« Que faites vous encore là ! Pourquoi ne fuyez vous pas ?!
– Père ? Comment ça ?
– Vous n’êtes pas au courant ?!
La Reine est morte ! Sa Majesté est tombée ! Le Mal écrase tout et vole vers nous !
Le Saqar va nous emporter ! »


Le bey s’écroula de côté. L’un des mercenaires étrangers dût l’attraper pour qu’il ne s’écrase pas au sol. Et alors, devant tout le monde, le bey qui avait été un seigneur de guerre cruel et sans peur, se mit à pleurer comme une petite fille, sous le regarde interloqué et les pulsations augmentant de son fils héritier.
Il y eut des hurlements sur la voie. Alors le fils du bey se jeta hors de la tente.

Dans le ciel volaient des ailes de gros oiseaux. De gros oiseaux avec des ailes décharnées, sortis de l’enfer. L’un d’eux tomba en piqué, vola vers un soldat qui se levait et bandait son arc, avant que les pattes géantes de l’oiseau n’attrapent sa tête, ne le soulèvent à 30 mètres du sol sous ses hurlements, puis qu’il tombe et aille s’écraser sur la terre.

« Damnation !
Archers ! Avec moi ! »

Des hommes sortirent des tentes et bandèrent leurs arcs. Ils levèrent leurs armes et tirèrent.
Les flèches volèrent, mais aucune n’atteint la portée suffisante pour atteindre les oiseaux qui bientôt furent si nombreux qu’ils obscurcirent le ciel. Mais eux tombaient, et avec leurs becs et leurs pattes, ils arrachaient les yeux et les gorges des hommes au sol, dont certains s’enfuyaient à travers le désert.

Les arquebuses et les arbalètes étrangères eurent un peu plus de succès ; Mais il n’y en avait pas assez pour contenir une quelconque vague d’assaut.

« Mes femmes ! Camille ! Père !
Rassemblez les chevaux ! Nous fuyons ! Nous fuyons et nous tuons tous ceux qui se tiennent sur notre chemin, hommes ou démons ! »
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MessageSujet: Re: Flagellum dei   Flagellum dei I_icon_minitimeMar 12 Déc - 19:25

BABEL
2 semaines plus tard.




-... le recensement préliminaire nous amène le chiffre d'un rescapé pour... pour cinq. Mais cela fait trois jours que la moindre personne n'est passée par la nouvelle frontière. Pas la moindre.
Ainsi cessa l'incessant laïus de l'écuyer.
Celui ci tenta bien de forcer une dernière fois l'attention sur lui, regardant avec insistance à sa droite son chevalier tuteur, le visage à peine visible sous son capuchon puis à sa droite le Cheikh qui gardait son regard fixe droit devant lui, ne scrutant pourtant rien d'autre que ses pensées. L'écuyer ne risqua même pas un regard pour l'étrange garçon au bras coupé chevauchant son poney un peu en retrait de son vieux bergers de chevalier, et se résigna finalement à garder ses lèvres closes.

Enfin un peu de silence souffla Jawhar en sentant le regard de l'écuyer glisser sur son masque d'indifférence. Depuis que les quatre hommes avaient quittés les murs de la citadelle des traqueurs et s'étaient trouvés plongés dans le dédale labyrinthique de l'immortel Babel, Yerushalaim, l'écuyer, n'avait eut de cesse de parler. Un flot de paroles visant à la catharsis de son stress qui, pourtant, n'eut pour effet que d'afficher celui ci de vive voix.

Les chevaux des traqueurs semblaient renâcler plus bruyamment que leurs maîtres, expirant l'air acre de la citée poisseuse de désespoir et de peine. Jawhar, s'il était malheureux dans les rues propres et les allées aérées de la, à présente défunte, Tell'Azir, ici son âme s'en trouvait broyée de claustrophobie.

En effet Babel n'était qu'une citée sibylline. Existant depuis des siècles avant la Fracture, une peuplade s'était installée sur des ruines, puis d'autres sur les ruines de celles ci longtemps après. De l'antique citée l'on avait construit, après la fracture, une ville nouvelle au bout de l'ancienne et à présent celle ci se trouvaient à son tour encerclée d'un campement géant de réfugiés.
Un pour cinq avait avancé Yerushalaim. De ce que l'on en savait, cela pouvait être cent mille comme cinq cent mille réfugiés dans toute la Babylie.
Des princes, des nobles, des aristocrates pour beaucoup. Et le clergé pour le reste.

Jawhar s'était énormément questionné les jours d’après le déferlement, comme tout un chacun, mais contrairement à eux en gardant une distance, certes difficilement, et un esprit critique sur la tragédie. Aujourd'hui voilà que l'on se retrouvait noyé sous les nantis-mendiants, et les princes drapés d'or crèves la faim.
Ils étaient la caste des administrateurs et des juges mais surtout des artistes. Ceux ci avaient pour mission sacrée de garder l'harmonie des flux psioniques en donnant bonheur à leurs sujets comme à eux même par le chant et la musique, les libations et les banquets, l'art du théâtre comique et celui de la méditation.
Une population heureuse donnaient une énergie positive, se répercutant ainsi sur la Trame psionique, gardant les esprits des démons, protégeant par là même le monde physique du Mal.

Pourtant... pourtant voilà, alors même que la population du royaume n'avait jamais été aussi prospère, que l'apocalypse prophétisé par leur défunte Reine s'était violemment abattu.

Le choc...
Le choc fut au delà de toute philosophie.
Pour chaque homme, femme et enfant du royaume.


Les chevaux des traqueurs passèrent devant l'un des innombrable temple de Babel. Jawhar eut un bref regard sur celui ci. Sur sa façade, couronnant la porte massive, une cartouche de pierre taillée où se trouvait l’immanquable extrait du livre de la Foi : "QUAND LA TERRE TREMBLE, LES EMPIRES TOMBENT". Cela faisait simplement référence à la Fracture même. Cet extrait surplombait chacun des temples du royaume, et se trouvait être inscrite en latin. Le livre de la Foi, destiné à tout un chacun, se trouvait écrit et copier en Levantin, mais présentait d'innombrables phrases en latin. Ce qui eut pour conséquence certaines d'initier un grand nombre de Levantin aux rudiments du latin, langue apportée par les premiers traqueurs et la Sainte.

Sur la porte, par centaine se trouvaient cloué des lambeaux de papiers, portant un nom. Un père, une mère, un frère ou une sœur, un ami... des enfants. Certains noms se trouvaient même désespérément gravés grossièrement dans le bois.

En face du temple de quartier, une marrée de tentes étouffant ce qui avait été il y a peu un jardin ornemental. L'on en discernait même plus les feuilles des érables et des oliviers.
Déambulant entre les toiles et les affaires, tel des braises mourantes expulsées du feu de la vie, des gens à l'allure apathiques, à la mine grise et aux yeux éteints.

- Charité... La charité par la Sainte !
Un homme venait de se détacher de la masse éparse de personnes, se traînant littéralement sur ses genoux jusqu'au milieu de la route, sa longue et épaisse toge amortissant la morsure des graviers.
Il leva des mains tremblantes...
- ... du pain. Seulement du pain !
Yerushalaim se raidit sur son cheval, ne sachant plus où poser le regard et bafouilla péniblement :
-Nous... je n'ai rien sur moi mon brave.
Devant lui, ses compagnons ne s'étaient pas arrêtés et continuaient d'avancer le long de la voie. L'écuyer eut un malheureux regard sur l'homme implorant puis en direction de son supérieur.
-Je... je dois...
-DU PAIN !

Hurla alors l'homme alors qu'il fut prit d'un violent sanglot.
-Je dois y aller. Souffla l'écuyer d'une voix si faible et brisée par l'émotion que lui même n'entendit pas ses propres mots. Alors le traqueurs resserra les rennes de son cheval pour lui donner l'ordre de continuer d'avancer. L'homme, toujours écrasé sur ses genoux, fut bien obliger de lâcher prise. Celui ci, dans sa supplique en était venu à enrouler ses bras autour d'un des pieds du cheval.
-La charité ! La charité...

Le sang glacé et la gorge serrée, Yerushalaim donna un coup d'éperon pour mettre au trot sa monture, pressé de rejoindre ses frères traqueurs et remerciant intérieurement ceux ci d'avoir continués leur route et de ne pas s’être appesanties comme il avait eut le malheur de le faire.
L'écuyer se sentit terriblement tiraillé. Coupable d'avoir plus que les autre, honteux de n'avoir rien à donner, écœurer et révulser par toute cette misère humaine.
Lâchement il n'eut pas le moindre regard en arrière, ce qui l'eut protéger de la vision d'un homme isolé sur la route, le visage écrasé sur ses deux mains, sanglotant, accablé.

-Pourquoi passons nous par ici ?!Finit par cracher d'une rage non contenue l'écuyer aux deux chevaliers après quelques minutes.
Tout d'abord il cru qu'ils allaient rester une nouvelle fois indifférents. Au bord de la crise de nerf l'écuyer aurait commencé à hurler si au dernier moment, Jawhar n'était intervenu :

-Le manque commence tout juste à se faire sentir. Un malheur s'ajoutant à la misère de la fuite et... à l'affliction de notre Reine.

At Spes non fracta.
Nous sommes le dernier rempart. Le dernier espoir.
Prenez bien conscience de notre charge écuyer, et tenez votre rang. Les traqueurs ne doivent pas faiblir. Nous ne pouvons désormais juste plus flancher. Qu'importe ce que nous voyons ou...

Il fut surpris de voir soudain les mots mourir dans sa bouche, indépendamment de sa volonté, mais se ressaisi pour finir, sur un ton moins assuré qu'il n'avait commencé :
- ... ou ce que nous avons vu.
Jawhar garda bien enterré au fond de lui les événements de Tell'Azir, la princesse de Levantine, l'émira Samahala... non, c'était... impossible.

Yerushalaim avait eut cette chance d’être restée en Babylie pendant les événements. Du cataclysme, de ses massacreurs et de ses horreurs il n'en vit que les stigmates. Et déjà pourtant le jeune écuyer en accusé le coup.


Les traqueurs s’extirpèrent un moment du dédale de briques et de tentes, redescendant une colline vers la plaine. Ici, un grand espace de terre nue, dépourvue de plantes comme de rochers venue ornementer la plaine.
Le crépuscule tombant, l'heure était venue d'allumer de nouveaux bûchers funéraires. Depuis deux semaines, il ne s'était pas écoulé un soir sans que la nuit soit éclairée du rougeoiement de feux mourants. Pour la majorité des cas jusqu'à présents ils 'agissait de blessé succombant de leurs injures.

Les cavaliers passèrent dans un silence sépulcrale. Et si Yerushalaim garda son regard baissé tout du long, Jawhar contempla la cérémonie alors qu'ils passèrent à ses abords.

L'on constatait sur la pille de bois dévorée par les flammes une dizaines de draps, enveloppant d'anonymes dépouilles. Au centre du bûcher : l'idole de bois. Grossièrement constituée de planches clouées entres elles en un schéma précis, elle représentait la Sainte.

Tout autour du bûcher funéraire : une foule de plusieurs centaines de personnes.
Aucuns pleurs.
Tous à genoux ils priaient, murmurant à leurs amulettes qu'ils embrassaient et portaient sur leurs front à plusieurs reprises.

Les plus proches du bûcher étaient les prêtres du Temple et, inévitablement, au moins un Vigile. Ici ils étaient trois. Cela ajouté à l'importance de la foule, Jawhar compris immédiatement qu'il s'agissait là d'éminentes dépouilles.
Les Vigiles communiaient avec les esprits tout du long de la procession, ayant pour mission de guider et rassurer les esprits dans leur voyage vers la Trame.
Les hommes et les femmes de la Foi eux entonnaient des chants, accompagnait d'un tambourin, d'un tambour et d'un cor. Bientôt toute la foule se leva pour entonner le dernier chant.
Les cérémonies funéraires en Babylie se trouvait loin d’être lugubre, les sentiments négatifs comme la tristesse ou la colère étaient proscris. Pas de pleurs, pas de cris. Seulement le chant la danse et les prières.


Jawhar ne l'aurait confié à personne, mais il appréciait ce genre de cérémonie. La mélodie de la vie pour exorciser les craintes et les chagrins. Une certaine joie tristesse semblait même s'en dégager à la fin, alors que certains danseurs, souvent les proches, entraient en transe et que les feux mourraient après des heures à avoir consumer et le bois et les chaires.


Tout cela ils le laissèrent derrière eux, comme tout le reste, et s'enfoncèrent à nouveau dans les rues de Babel, s'approchant de leurs destination.
Après encore quelques minutes d'une tranquille chevauchée, les traqueurs débouchèrent dans l'une des artères principales de la ville et entreprirent de la remonter, en direction des palais royaux.
Il s'agissait d'un ensemble de bâtiments et de tours agglutinées les uns aux autres, présentant un impressionnant panel de couleurs : du blanc immaculé du marbre au rose, l'ocre, anthracite des briques et au rouge, bleu et dorures éclatantes des décorations peintes. Exceptionnellement tout les fanions et drapeaux se trouvaient noués d'un tissu blanc et noir, portant le deuil de la Reine Neris, retrouvée morte en ces lieux deux semaines auparavant, pendue dans son jardin.

Un unique escalier massif menait au complexe.
Au pied de la première marche les attendaient d'autres traqueurs. Armures d'apparats, drapeaux et bannières de l'ordre fièrement dressés par les écuyers, fusils d'assaut au dos et épées dans les fourreaux, ils attendaient.


Les nouveaux arrivants posèrent  pieds à terre, laissèrent le personnels du palais prendre leurs chevaux et rejoignirent le reste de leurs frères après les avoirs saluer un à un.
La trentaine de manteaux noirs au complet garda un silence de mort l'heure durant.

Ils attendirent et attendirent encore. Gardés debout par la tension.
Le vent soufflait, remontant leurs lourds manteaux et la nuit tombait. L'on distinguait clairement les feux par ci et par là dans la ville, puis les chants funéraires eux aussi, diffus à travers les ruelles.
Les gens commencèrent alors à se regrouper au bord de l'avenue, petit à petit, accompagnant et répondant à la rumeur.
Une masse critique fut atteinte aux derniers rayons du soleil mourant. Les lanternes bordant l'avenue furent allumées et complétées par des bougies apportées par la foule.

La rumeur gonfla, le brouhaha s'intensifia soudain.
Et mourut de façon encore plus subite.
Les gens étaient dans la rue, aux bords des fenêtres et sur les toits.

Ils arrivent.

Au bout de l'avenue ils aperçurent la procession.

Un silence. Total. Solennel.


Une cinquantaine de Vigiles venus de la Sainte mosquée. Tous montés sur des chameaux, ornementés de chaines et de tissus, parfumés d'encens et de myrrhe. Sur eux, les vigiles vêtu de leurs toges d'apparat : un tissu blanc et lourd où se trouvait brodé d'innombrables formules, en latin pour la plupart, en langue occulte pour d'autres, en sois un code incompréhensible pour tous.
Les Vigiles dressèrent haut leurs étendard arborant la main, symbole de leur ordre mystique. Au centre de la procession, la plus sainte de toute les reliques du royaume dressée haut par des porteurs : la Griffe d'Orichalque.
Derrière suivaient les chariots de provisions.
Mais les gens n'avaient d'yeux que pour leurs héros. Ils étaient ceux qui combattait le Mal, ils étaient les combattants des deux mondes. Les champions de la race humaine. Le bouclier dressé contre les ténèbres

La foule entière gravait cet instant en un souvenir impérissable. Tous se mirent à genoux.
Certains psalmodiaient des prières, d'autres levaient leurs amulettes, d'autres encore tendaient leurs mains sans oser toucher mais dans le seul but de s'en rapprocher. Yeux écarquillés et bouches béantes pour les enfants. Regards extasiés, presque fous pour les adultes.


Là bas, au bout de l'avenue, au pied du palais de Babel, le sibi prit la main de son mentor dans la sienne sans quitter le spectacle des yeux.







* * *


Karriba pénétra dans l'auberge le pas lourd. C'était une bâtisse antique magnifique aux allures de riad, avec sa cours centrale cerclée d'un grand couloir ouvert.
Voilà que la nuit était tombée depuis bien longtemps, la comédie des Vigiles entrant comme en triomphe dans une Babel meurtri par le chagrin et l'angoisse, passée depuis quelques heures. Ici, ceux qui n'avaient même pas réagit à la nouvelle étaient les âmes perdues, hagarde, tentant de se sortir de la noyade avec plus de vins.

Karriba avait abandonné pour de bon sa tenue de garde zéphyr, ceux ci avaient péris jusqu'au dernier en protégeant l’Émirat des hordes monstrueuses.
Supposément.
Ici même il reconnu un sergent de sa caserne. Lui aussi avait enterré son costume bleu dans le désert.
Il lui fit un clin d’œil enchaîné d'un sourire en coin, l'autre enfouit sa tête entre ses épaules. Intérieurement Karriba se gaussait de la situation.

Quelques questions au tenancier plus tard et Karriba pu retrouver la trace de Joa.
Il le trouva attablé avec un inconnu mal en point. Le bonhomme avait la mort dans l’âme. Joa avait une main compatissante sur le dos de l'autre, écrasé la tête sur la table, pleurant comme un nouveau né.
Entre deux hoquets morveux il postillonna pitoyablement :
-... exécutés.... douze on les a...
douze...

Karrib eut un bref regard méprisant pour la chose noyée de larme avachie sur la table, comme un cadavre échouée sur une plage. Tomber aussi bas, dépourvu de la moindre fierté... on ne méritait aucune estime en retours.
-Laisse cette limace humaine dans sa honte...
Comme frappé d'un violent coup en pleine gueule Joa se leva d'un bon, son ami arrivait encore à le sidérer par son manque total d'empathie :
-Gardes ta langue Karrib ! Tu n'imagines pas ce que cet homme a vécu ! Comment peux tu... arf ! comment oses tu être aussi...
Par la sainte ! Maîtrise tes mots.

Haussement de sourcils.
-Ce mec la est tellement bas qu'aucuns mots ne peu plus l'atteindre. Et, avant même que Joa eut à répondre quoi que ce soit, Karriba enchaîna, le ton plus doux néanmoins et l'expression moins narquoise : Tu n'es pas médecin de l’âme. Des types brisés je fais un pas dehors j'en vois. Laisses donc, il n'y a qu'eux mêmes qui peuvent se sauver.
Alors, de ses bras ouvert il invita son ami à se serrer contre lui, entérinant le conflit.
Ils eurent un bref regard pour le cadi, la face toujours écrasée sur sa table, avant de partir.

-Ce type. Il a fait pendre douze personnes pour avoir dit que la reine était morte.
C'était le jour même, juste avant le déferlement. Ce n'était qu'une rumeur et...
-Laisses tomber tout ça. On ressasse pas la merde. Encore moins celle des autres arh !

Il balança une claque à son ami pour expulser ses mauvaises pensées qui lui bouffaient le crane.
-Des jours qu'on t'as plus revu au campement Joa ! Les gens du village s'inquiètent, ma femme... même ma femme commençait à s'inquiéter ! J'dois me poser des questions à ce stade là ?
Il eut se regard trouble où l'on ne pouvait discerner la vérité de la comédie. Joa était le seul à pouvoir percer ce regard, il compris bien que son ami le charriait comme à son habitude.
Les comparses eurent la surprise de retrouver parmi les réfugiés des survivants de leurs village natal. Peu, trop peu malheureusement. Joa n'était passé les voir qu'une seule et unique fois.
-Il me faut encore du temps. Soupira-t-il sombrement.
Il vit distinctement les traits de son ami se glacer sur son visage et Karriba n'émit qu'un grognement incompréhensible.

Les deux amis marchèrent à faible allure en silence pendant un moment, accomplissant le tour de la cour centrale.
Partout une scène humaine pathétique. Des faces chamboulées, déchirées et mortes. Des pleurs contenus et d'autres abondants.Parfois des plaintes, murmurées dans l'ombre à sois même. Parfois des coups frappés brusquement contre une table, un mur ou son propre corps. Parfois des gens portaient un regard sur eux, implorant d'un désespoir retentissant l'on ne savait quoi : une main pour les relever ou un poignard pour les achever ?

Meme Karriba eut se pincement dans ses entrailles quand ils aperçut deux hommes avachis, dos au mur.
Deux restes d'homme. Le dos plaqué au mur, les jambes raides jetées devant eux, la tête penchée... et d'immense yeux d'un rouge brumeux, grand ouvert sur un rien encore plus grand, un rien que l'on devinait abyssal. L'un d'eux tenait encore d'une main molle une grande pipe, renversée, son pantalon moucheté de cendres froides et d'herbe sèche. C'était un gaillard au physique impressionnant, torse nue, dévoilant de vieille cicatrices reçu certainement durant son entrainement. A ses cotés, son collègue n'avait pas prit la peine de retirer son uniforme de Traqueur.


A ce moment là Karriba ressentit le moment d'attraper le premier tabouret passant à sa porter et de s'écraser dessus.
-Alors... c'est la fin ?
Joa haussa tellement les sourcils de surprise qu'il faillit tomber à la renverse. Il n'hésita pas un instant à s'attabler à ses cotés. Deux semaines que les hordes apocalyptique c'étaient abattus. Lui même, Karriba et sa famille se trouvait à Tell'Azir se jour là et si Karriba n'était pas venu le voir pour le forcer à fuir dès qu'il eut intercepter la nouvelle dans la caserne, ils y seraient passés comme tant d'autres. Karriba, de toute cette foule humaine de rescapés, avait été le seul, de ses yeux vu, à n'avoir pas changé. Toujours le même sourire en coin, la même assurance, l'exact même mordant. Pas un seul instant il n'avait afficher de crainte ou d'inquiétude. Bref, Karriba dans toute sa splendeur, comme il l'avait toujours connu, comme il était né et comme il mourrait.
Et là, voilà que...
Non. Joa, l'esprit ailleurs, n'avait pas réellement fait attention au ton de son ami. Avait il dit cela avec abattement ? D'un ton désabusé ? Rieur ?
-Ne te...
Alors il le coupa net, redevenant lui même :
-Je sais bien. On s'en est sorti. Ma famille, ma femme, mes deux jumeaux.
Ouais on est pas à plaindre.
Je sais, tas de cons, je le sais.

Karriba eut un regard à la fenêtre grand ouverte, aérer l'ambiance de décomposition empestant l'auberge, de loin, le Phare de Babel dressé avec orgueil. Une masse sombre dans la nuit.
-Tu vas me dire que nous avons encore celui la pas vrai ?
Et moi de te répondre : autant que le phare de Tell'Azir nous a protégé...


Plongeant son regard dans celui de Karriba, Joa ne su dire ce qu'il y vit, et ce qu'il en décrypta.

Silence.
Joa regarda alors à sa droite, à sa gauche puis derrière lui :
-Il se passe quelque chose. Ca parle chez les Vigiles, même chez les recrues.
Il se passe quelque chose de gros.
De très... très gros.




* * *

Château des Traqueurs à Babel.
Tard dans la nuit.


Dans la grande salle de château, impressionnant comme un prétoire antique, se trouvait masser une trentaine de traqueurs pour moitié moins de vigiles.
Les chefs parmi les chefs, les experts des experts.
Gilias, Maître chevalier le plus populaire parmi ses paires. Le Grand Maître lui même. Et parmi les Vigiles les plus érudits.


Gilias fit silence dans l'assemblée. Réunis en cercle, tous se penchèrent pour mieux voir ce qu'il brandit bien haut.
Un minuscule et étrange rectangle.
-Il y a trois jour de cela, un oiseau messager nous est parvenu en ses lieux.
Attaché à sa patte, non pas un message mais ceci.
Observez.


On se bouscula presque dans l'excitation curieuse pour s'en approcher.
-Cela m'est tout à fait étrange !
-Étrange oui, oui, oui.
-Cette matière...
-Étrange ?
-Et ce symbole.


Gilias rabattit l'objet sur son poitrail et recula d'un pas.
Il fit le tour de l'assemblée.
-Celui des chroniqueurs.
Explosion.
Rires, étonnement, puis discours confus, interrogation et dédain frôlant l’insolence.
-IMPOSSIBLE !
-Mais que dis te vous donc là ?
-Des preuves ? Avancez vos preuves !
-Mystification !
-Il a raison !
-C'est évident !
-Mais... Vous avez tous perdu raison ?
-Du calme ! Dois je invoquer le nom de la Sainte pour avoir du calme ?!


Le brouhaha mourut peu à peu.
-Je sais de quoi il s'agit.
Tous se retournèrent, Gilias le premier, vers cette voix lourde mais pourtant féminine.

Amata décroisa ses bras et s’avança jusqu'au Maître Chevalier. Celui ci eut un mal incroyable à se décider à céder à la traqueuse l'objet.
Elle prit enfin celui ci, lâchant un regard exaspéré à son éminent supérieur.
-Il s'agit d'un dispositif antique. Du premier peuple.
C'est un dispositif électronique de stockage d'information.

-Pouvons nous décrypter son langage ?
Amata eut une grande respiration. La plus profonde de toute sa vie.
-Je crois savoir que les chroniqueurs ne nous ont pas seulement légué des armes après la fracture... mais aussi de la technologie.
Gilias s'étouffa alors que le brouhaha sembla repartir :
-Comment ... ?
-J'ai bien compris que l'on cultivait un certain culte du secret parmi les Maîtres. Il m'aura fallut du temps pour m'en rendre compte.
Et encore plus pour découvrir de quoi il en retournait.

La traqueuse se recula d'un vif pas en arrière, bousculant un vigile derrière elle, croyant que le chevalier allait la gifler.
Une voix dans la foule s'éleva :
-Mettons cette clé dans la serrure de la machine, et ouvrons son message !
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Thomas Dole
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MessageSujet: Re: Flagellum dei   Flagellum dei I_icon_minitimeDim 17 Déc - 16:17

Dans l’obscurité de la nuit, la lumière est fuyante. Au milieu du bidonville formé autour de Babel, des feux de camps brûlent et élèvent leurs flammes vers un ciel ayant revêtu son manteau noir parsemé d’astres célestes. La chaleur étouffante du jour a été remplacée par un froid glacial digne du froid, et l’on voit quelques ombres aller et venir avec de grandes capes sur leurs épaules.

Près l’un de ces feux de camps, des hommes font chauffer une grande marmite dans laquelle ils jettent des légumes en tout genre, pour préparer un potage rapide et nourrissant. Un homme s’approche d’eux. Il traverse les rues boueuses formées entre les tentes et les taudis où les réfugiés dorment, car partout où les hommes fuient ils se sentent obligés de reconstruire leur jungle de toiles et de tissus. Il s’approche avec un petit bol en terre cuite, et d’une petite voix rauque montrant son âge, il demande :

« Charité... La charité par la sainte... »

Les hommes autour du potage se retournent. Six paires d’yeux brillantes comme des chats à la lueur de leur foyer. Six visages, six visages qui glacent le sang du mendiant. Six visages âgés, couturés de cicatrices, aux lèvres fendues, aux joues perforées, aux fronts où les rides sont croisées avec des blessures renfermées par les soins, les sutures et le temps. Six visages blancs, qui grimacent, qui montrent de la haine et de la colère. Et une voix grave qui, dans un levantin avec un fort accent, tonne :

« Dégage, cloporte. Va trouver une autre âme pour te nourrir. »

Le mendiant avale sa salive. Et malgré l’ordre, il fait un pas en avant, en montrant son bol vide et en touchant son ventre :

« Pitié... Juste un peu de soupe... Juste quelques croûtons...
– Et si on te donne, alors un autre rapace comme toi viendra, puis un autre, puis encore un autre.
Charité bien ordonnée commence par soi-même. Dégage.
– Pitié...
– Tu nous as pris pour des sacerdoces qui te donneront l’aumône ?! Raille un autre en mettant la main à sa ceinture. Dégage ! Allez ! »


Le mendiant n’écoute pas les ordres et s’approche une deuxième fois, et maintenant, il montre son bol juste sous le nez des hommes, en répétant les mêmes phrases, le visage un peu touché par des larmes.

« Ce n’est pas de la soupe pour moi... C’est pour mon fils... Je vous en supplie, il n’a pas mangé depuis quatre jours...
– Je m’en bats les couilles, dit un.
– Tu comprends pas quand on te parle ?! Continue un deuxième.
– Dégage ! Hurle un troisième, brisant le silence relatif du quartier.
– Juste un peu de soupe ! »


L’homme à côté de lui lui prend son bol et l’arrache de ses mains, avant de le jeter au loin sans regarder où il tombe. Le bol s’écrase à terre sur du gravier et des cailloux, et se fend immédiatement. Le mendiant hurle en levant les mains au ciel ; Mais un deuxième lui attrape son manteau, le tire et l’éloigne, le faisant s’écraser à terre. Un troisième lève sa botte et lui donne des coups dans les côtes. Un quatrième sort son fouet attaché à sa ceinture, le déplie et s’apprête à éduquer le mendiant, tout en criant :

« Espèce de chien ! Tu vas connaître ta place ! »

Le mendiant crie en se couvrant le visage, tandis que le soudard le fouette. Voilà une arme horrible qu’il n’a jamais vu de sa vie : Personne, personne dans toute la Babylie n’utilise de fouet. Ni contre les hommes, ni même contre les animaux. Un seul coup le fait hurler. Il se lève et s’éloigne, mais trébuche et tombe sur son visage. Il reçoit un deuxième coup sur son dos, et cette fois, malgré son âge et sa maladie, il bondit et s’échappe.
Les six soudards le regardent déguerpir. L’un d’entre eux ricane. Les autres sont mornes et gardent leurs têtes renfrognées. Ils retournent en face de leur marmite, et se servent de grosses louches de soupe à mettre dans leurs gamelles de fer.
Sur le feu de camp juste à côté, Salim regarde avec les sourcils froncés, terrifié :

« Ce sont des monstres.
– Presque, confirme Saddam le chef des mamelouks, à voix haute pour qu’ils puissent l’entendre. Ce sont des païens. »


L’un des soudards, celui au fouet, lève ses yeux pour fusiller du regard le mamelouk. Et il dit juste :

« Vive la Sainte. »

Salim sent la rivalité, le conflit dans l’air, qui oppose les mamelouks du fils du bey, avec les gardes étrangers de son père. Il décide donc de prendre le bras de Saddam, et de lui tirer la manche de sa chemise.

« Je dois changer votre bandage, sidi. »

Saddam serre les dents et ouvre sa chemise. À la lueur de son propre feu de camp, Salim peut observer l’évolution des blessures du mamelouk qu’il a sauvé.
L’état de son corps le terrifie jusqu’à lui provoquer un frisson et lui donner la chair de poule.

La fuite à travers le désert avait été violente et s’était passée dans un chaos indescriptible. Il avait fallu quitter l’émirat pour rejoindre le Royaume. Mais il y avait tant d’hommes qui encombraient la route... Des femmes, des enfants, des moutons, des troupeaux. Des familles entières, des villages et des quartiers d’artisans qui s’étaient mis en route, en toute hâte, fuyant devant les monstres.
Mais les monstres sont venus du ciel. De gros oiseaux qui sont tombés sur les routes tracées à travers le désert pour égorger et lacérer leurs victimes.
Les ababils étaient des oiseaux connus, féroces et dangereux certes, mais que l’on pouvait chasser, et même manger en temps normaux. Jamais, jamais personne n’avait vu autant de ces bêtes voler dans le ciel, et s’attaquer à une masse d’hommes avec une folie sanglante coordonnée. Tant de personnes avaient péris...
Devant le chaos indescriptible, Saddam des mamelouks, et Heinrich des janissaires, ont rassemblé leurs hommes et ont tout fait pour s’enfuir le plus vite possible. Avec, bien sûr, des pertes.
Prétextant que ses éclaireurs avaient vus des mouvements de vers de sables depuis l’ouest, Heinrich envoyant les miliciens de l’armée s’éloigner du convoi et préparer une défense. En réalité, ce n’était qu’un grand mensonge pour se débarrasser de ces bidasses inexpérimentées, ces militaires inexpérimentés, recrutés et armés en toute hâte, dont le service militaire se limitait à des compétitions d’arcs, de lancer de javelot et de combats honorables les jours de foires toutes les semaines. Les miliciens se retrouvaient sur les dunes et les plateaux, à subir les attaques d’ababils qui avec leurs becs et leurs pattes leur dévoraient les yeux et les langues sur place. Ainsi fait, Heinrich mobilisa ces hommes à cheval, se débarrassèrent de tous les convois inutiles (Les voitures transportant la vaisselle, les bijoux, les parfums, les vêtements, mais aussi les servants et les cuisiniers) pour n’emporter avec lui que le bey, son harem, son fils, et les vivres. Les neveux et les nièces, les nombreux cousins, tous avaient été abandonnés, eux aussi. Et alors les janissaires, ces soldats étrangers, quarantenaires ou cinquantenaires, galopèrent en avant, sabres au clair, en faisant place nette de tous les encombrants du convoi. Ils avaient bousculé et piétiné des paysans. Ils avaient tiré à l’arbalète sur ceux qui refusaient de déplacer leurs charrettes, avant de devoir mettre pied à terre pour la renverser sur le côté, en profitant des gens apeurés qui courraient autour, qui en s’agitant servaient d’appât pour les ababils qui flottaient au-dessus du ciel. Les oiseaux, vicieux, étaient néanmoins intelligents, et comprenaient qu’il valait mieux s’attaquer à des personnes désarmées et apeurées qu’à des soldats qui tiraient dans le ciel avec leurs traits d’aciers.
Au terme d’un bain de sang insupportable, les guerriers purent enfin s’enfuir. Non sans avoir laissé derrière eux tant de pauvres hères livrées à elles-mêmes.

Le pire, c’est que des hommes du convoi avaient malgré tout survécu. Le cadi, des miliciens, des paysans des villages de l’émirat revinrent, ensanglantés, apeurés, des larmes sur leurs visages. Mais quand ils s’approchèrent de la grande place sur laquelle le bey et ses hommes avaient élus domicile, ils furent promptement éloignés par Hermann et les janissaires, avec leurs fouets et leurs crachats... Et ils allèrent dans le bidonville, pour mourir de faim, de soifs et de pleurs.
Une ambiance horrible et insupportable, à laquelle les sacerdoces se devaient de mettre fin.

Même en s’échappant à toute vitesse, ils n’avaient pas été épargnés par les blessures. Salim, homme de sciences, avait dû cautériser, recoudre, nettoyer les plaies de la soldatesque. Saddam avait été sauvé de l’infection, et il avait été soigné assez vite pour ne pas mourir de perte de sang comme tant d’autres : On l’avait nourrit de beaucoup de viande rouge et on avait assaini les blessures avec du vinaigre. Il restait que son corps était impressionnant par ses entailles. Les serres des ababils avaient traversé son armure lamellaire, pour gratter son corps jusqu’au sang. Son cher équipement militaire avait au moins arrêté les pattes des oiseaux pour que seul la surface de son épiderme ne soit écorché ; Les paysans qui ne portaient que des chemises, eux, voyaient les pattes rentrer dans la chair et gratter les entrailles et les humeurs.

« Je... Il faut que je trouve des tissus propres...
– Où ?
– Ne posez pas la question... »


Le campement du bey ne manquait de rien. Ni de nourriture, ni de bandages propres, ni de bois pour se chauffer. Et il ne fallait pas être doué de talents psioniques pour comprendre comment cela était rendu possible. Hermann, profitant de la blessure de Saddam, avait prit le contrôle de la chose militaire, et y comprit logistique. Profitant du chaos horrible qui faisait qu’aucune autorité ne pouvait se faire sentir, il avait envoyé ses janissaires piller les caravanes locales pour s’approvisionner.
À présent que les Vigiles étaient en ville, il avait mit fin à ces vols sanctionnés par l’autorité de ses lames : Il préférait ne pas risquer que certains viennent se plaindre.

« Vous avez mal quand c’est à l’air libre ?
– Non... Répondit Saddam en serrant les dents et en sifflant entre ses crocs, pendant que l’eunuque lui retirait ses vieux bandages souillés.
– Au moins vous êtes en meilleur état que le bey... Il penche toujours entre la vie et la mort...
– Il délire encore ?
– Oui. Et il transpire tellement... Parfois il parle, il dit des mots incompréhensifs. Abdul est à son chevet, catatonique, il ne dit mot à personne.
– On ne sait toujours pas ce qu’il trafiquait dans l’émirat ?
– Non. Et ne comptez pas sur Heinrich ou le moindre de ses janissaires pour parler.
En plus le bey est arrivé à cheval avec seulement eux. Il a abandonné tous ses amis et sa famille.
– Et il aurait abandonné ses femmes dans le désert si je n’avais pas hurlé pour qu’on tire le harem à cheval pendant notre fuite.
C’est... Tellement... C’est tellement pas lui ce genre d’état. Le bey est un homme juste, bon. Tout l’inverse de l’administrateur sérieux et consciencieux : Il a toujours été d’une justice malléable, lorsqu’il devait rendre une sentence il lui arrivait même de dédommager la victime au lieu de forcer le coupable à le faire.
Et là, du jour au lendemain, il devient un homme traître et lâche ? Ça n’a pas de sens.
– Plus rien n’a de sens depuis quelque temps. Comme tous les animaux monstrueux d’au-delà les murs qui font une attaque coordonnée en même temps.
C’est depuis la mort de la Reine.
– Ou c’est ce que la Reine a vu qui a provoqué cette mort.,. »


L’eunuque termina de nettoyer les bandages, puis recouvrit les blessures cautérisées du chef des mamelouks. Un sourire en coin, et il s’éloigna.

« Je vais voir comment se porte le bey, sidi. »

***

Camille se déplaçait au milieu de ce bidonville rempli de gens affamés, apeurés, qui tentaient de lutter à tout prix contre leurs pleurs et leurs peines. L’ombre du jeune homme se déplaçait au milieu de la nuit, alors qu’il observait, tour à tour, de jeunes femmes chanter des berceuses pour des enfants (Qui n’étaient pas forcément les siens), un sacerdoce calmant un vieillard en lui parlant tout bas, des hommes qui jouaient de la musique, et qui trouvaient de la joie et du réconfort à boire une soupe trop liquide et un alcool trop âcre.

Des fous, Camille pensait, des fous. Ils étaient comme des agnelets qui ne remarquaient même pas qu’ils allaient se faire égorger.

L’homme avait déjà vu tout ça. Il l’avait vécu, alors même qu’il n’était qu’un enfant : Les exodes, les cris, les hurlements de terreurs la nuit, les soldats blessés qui revenaient du front, un front qui se rapprochait de jour en jour, de jour en nuit, forçant les civils à reprendre leurs tentes et leurs bêtes pour s’éloigner plus loin, plus loin encore, alors que les monstres se renfermaient sur eux comme un étau. Et la religion anabaptiste n’était pas heureuse et joyeuse comme les mœurs d’ici : Les prêtres rappelaient l’importance du combat, du sacrifice, de la lutte acharnée. Et pourtant rien de tout ça n’avait réussi à sauver l’Europe.
Au final, les seuls qui s’en étaient sortis, étaient ceux qui s’étaient enfermés. Les seigneurs qui avaient verrouillé les portes de leurs châteaux, et qui avaient refusé d’abaisser les ponts-levis, qu’importe les cris, les implorations, les sermons des prêtres qui menaçaient de l’Enfer. Les quelques idiots qui avaient ouverts leurs portes, ils ne pouvaient pas les refermer devant les flux de personnes en détresse, et voilà qu’ils étaient assiégés par des pauvres et des désespérés : Comment les nourrir et les soigner, alors ?
Sur la Cité, le Roi de Francia n’avait prit comme réfugiés que des hommes et femmes solides, avant d’expulser les vieillards et les blessés. Une décision qui avait valu son excommunication par l’Augure de la religion : Mais ensuite, le Latium était envahi de monstres, et l’Augure avait pu aller dans l’Après-Vie bien avant le Roi.

Combien de temps la Babylie pouvait-elle survivre, elle ? Elle avait eu son sursis. Mais même ses grandes forteresses épaisses n’avaient pas su résister éternellement. Quels murs et quelles armées tenaient devant eux ? Les Traqueurs, malgré leur force et leur expertise, n’avaient pas pu empêcher l’invasion, et ce n’était certainement pas des miliciens mal armés enrôlés de force ou des mamelouks rendus gras par les festins et l’alcool qui allaient pouvoir faire quelque chose. L’indolence doucereuse dans laquelle était plongée la Babylie depuis une décennie avait rendu son peuple trop mou, et trop faible.
Même la Garde Zéphyr avait été anéantie.

« Tu me sembles contrit. Quel est ton nom, jeune homme ? »

Camille s’arrêta au son de la voix qui venait de son dos. Il se retourna, une main prenant l’épée qui était cachée sous son mantel. Après avoir pivoté son buste, il reconnut devant lui un tout jeune homme, la vingtaine, le teint très mat et un beau sourire sur son visage. Il portait les habits du sacerdoce, mais donc le blanc avait été maculé de poussière et de sang.

« Khaled.
– Khaled. Ne t’inquiète pas, je ne te veux pas de mal, simplement te parler.
Tu as faim ? Tu as mangé aujourd’hui ? Où est ta famille ?
– Elle est morte. Mais cela va faire des années que je suis orphelin. Nul besoin de condoléances.
– Des... Condoléances ? »


Camille avait dit « condoléance » dans sa langue à lui, et pas en levantin. Pour la simple et bonne raison que « condoléance » n’existe pas dans la langue de Babylie. « Condoléance », « s’affliger avec quelqu’un », « s’unir dans la douleur ». Voilà qui était l’antithèse même des mœurs locales. En Europe, on enterrait les corps et on les marquait d’une stèle pour les remémorer à jamais et s’y recueillir autant que possible. Il était normal de pleurer, ou tout du moins d’avoir le cœur lourd et de ne plus jamais vivre de la même façon, suite au décès de quelqu’un. Mais condoléance, dans la Babylie ? C’était... Étranger.
Non, pire.
C’était proscrit.

« Que me voulez-vous ?
– Je ne veux rien Khaled. Juste te parler. Que fais-tu à errer dans la nuit, seul, et armé ?
– Je ne suis pas un brigand.
– Je ne t’accuse pas d’en être un. Mais tu ne devrais pas être là dans le noir, à broyer du noir. Viens avec moi, Khaled. Je peux te donner de la soupe et la chaleur d’un foyer, et la compagnie de proches.
– Je n’en ai pas besoin... Je me rends auprès de mon maître... Je n’erre pas, je marche vers une destination.
– Au temps pour moi. Que la Sainte guide tes pas, et surtout, ne perds pas espoir, car Elle protège. »


Camille força un sourire, il le força aussi fort que possible, avant de faire un signe de tête et de partir.
L’obsession des gens d’ici avec le bonheur et la paix était terrifiant. Si terrifiant que Camille se demandait si ces sourires tout autour de lui n’étaient pas plus oppressants que les grimaces de haines avec lesquelles il avait grandit. Ça suintait d’un malaise palpable.
Être malheureux n’était pas possible. Il n’y avait aucune raison de l’être. Les hommes de la capitale vivaient dans une opulence folle. Il n’y avait pas de pauvres ou de vagabonds : Tous les besoins de tous devaient être soignés. Alors, bien sûr, un vagabond était mal vu, et toujours attiré, vers un foyer, vers une fête, vers des tableaux sur lesquels il pouvait peindre, vers des assemblées où il pouvait chanter ou jouer du théâtre. C’était étonnant que Salim soit un vagabond tout court, encore plus un vagabond volontaire. Mais Camille n’avait jamais aimé cet affect qu’on lui témoignait. Il le terrifiait. Il fallait pourtant y prendre part, et tout le monde y prenait part.
Même les cochons de janissaires, comme Hermann, avec leurs gueules cicatrisées et leurs croix cachées sous leurs tuniques, ils y participaient. Même eux, ils se forçaient à sourire, à faire des rires nerveux, à baiser leurs femmes délicieuses.

Pour survivre dans un tel monde, Camille s’était trouvé un protecteur. Mais le sacrifice auquel il devait consentir pour se tenir protégé lui avait frappé le corps et l’âme.
Il lui fallait beaucoup de courage, et implorer chaque nuit le Crucifié, à genoux, pour ne pas se saisir d’un couteau et égorger Abdul qui ronflait, avachi sur le côté. Cet Abdul qui lui faisait tant de mal et de peine, sans s’en rendre compte, certainement persuadé de son charme et de sa douceur d’amant.

Alors, en y repensant, Camille serra les dents. Alors qu’il revenait vers le camp, avec caché dans son sac, des vivres qu’il avait volées à des réfugiés comme lui avait demandé le chef des Janissaires. Quelle joie que le bey était au bord de la mort. Au moins Abdul était assez occupé par l’état de son père pour ne pas songer à autre chose.

Revenant vers le campement, Camille s’approcha du feu de camp devant lequel six janissaires chauffaient leur soupe. En voyant venir leur camarade, l’un d’eux prépara une louche pour remplir la gamelle du jeune homme. Hermann, qui le regardait, grogna de sa voix rauque :

« Tu as trouvé un sacerdoce ?
– Non, menti Camille.
– Tu sais pourtant que c’est important. Le bey doit recevoir un sacerdoce avant de mourir, il y tient pour lui parler.
– Ce n’est pas un anabaptiste, il n’a pas besoin de sacrements.
– Ce n’est pas la question. Mange ta soupe et retourne immédiatement en chercher un. »

Le jeune Camille retira son sac et l’envoya à l’un des janissaires, Enguerrand, qui l’ouvrit pour regarder l’intérieur.

« Du fromage, pas mal... Mais il va falloir mettre fin aux vols. Les vigiles sont arrivés en ville. Et eux sont capables de remettre très vite de l’ordre dans ce bidonville.
– Ah ah, ces mutants psychonautes... Dire qu’ici on les vénère. »

Camille fit un grand sourire après sa réflexion. Mais devant lui, aucun des janissaires ne sourit à sa blague. Tout au contraire. Ils froncèrent leurs sourcils et montrèrent leurs dents.

« Fait très attention à tes mots, Khaled. Tu n’as pas envie de dire ce genre de chose alors que tu es censé ramener un sacerdoce dans l’heure.
– Du calme. Je pensais juste à-
– Je me fous de ce à quoi tu penses, Khaled.
Nous ne sommes pas amis. Et tu n’es pas comme nous. Le fait que tu aies la peau blanche et que tu parles en francien ne fait pas de toi un égal. Mange ta soupe puis repars, et je te conseille de faire vite. Autrement, je suis sûr que quelqu’un conseillera à Abdul de ménager la peine que lui provoque le mal de son père, en trouvant réconfort auprès de son amant...
Allez, grouille. »


Camille rejeta le contenu de sa gamelle dans la marmite, et s’éloigna aussitôt. Cette fois, les janissaires eurent un vrai rire honnête.

« Pédéraste.
– Je termine ma garde. Je vais voir comment les femmes du harem se portent.
Restez éveillés et prêts à éloigner les mendiants. Prévenez-moi quand il revient avec un sacerdoce. »


***

Abdul était au chevet de son père. Il ne l’avait pas quitté depuis des jours. Agenouillé près du lit sur lequel se convulsait son géniteur, des larmes ne cessaient de couler sur ses joues malgré tout le mal qu’il se donnait à les réprimer. Des jours, à observer le même spectacle.
Les officiers, du moins, ceux qui avaient survécut au désastre de l’exode, allaient et venaient à l’intérieur pour porter des nouvelles sur la ville. Ils parlaient à voix haute, restaient muets en attendant une réponse du bey, puis se signaient et partaient. Ensuite, Salim revenait pour nettoyer les plaies et changer les bandages du bey, nettoyait les plaies, et lui donnait à boire des potions qui faisaient baisser sa fièvre pour quelques heures. Ensuite, il fallait que des servants, les rares à ne pas avoir été abandonnés aux oiseaux, arrivent pour changer ses draps, car il faisait ses besoins sur le lit.
Quelques fois, une femme venait pour rassurer Abdul et lui dire de prendre une pause et de sortir prendre l’air ; Il lui promettait, mais restait ici auprès du père.

Si tout le monde était entré lui témoigner beaucoup de respect, même Hermann et Saddam, seul Camille n’avait pas montré son nez depuis leur arrivée à Babel.

Mais là les choses étaient différentes. Il y avait dans la caravane un jeune sacerdoce. Il était de l’autre côté du lit, et tâchait de calmer le bey en lui parlant. Abdul n’y prêtait aucune véritable attention, jusqu’à ce qu’il sente la main de son père tirer sa manche. Le fils, faux-traqueur, releva ses yeux pour observer le paternel qui était en pleine détresse.

« Tu entends ? Tu entends ce que tu dois faire ?
– Oui père...
– Il s’agit... De ton devoir ! Celui que tu as toujours rêvé de faire, depuis que tu as eu cette folie de rejoindre les traqueurs !
– Oui père, continua-t-il malgré les pleurs.
– Prends tous les hommes... Les mamelouks, les janissaires... Emporte Salim avec toi, c’est un excellent médecin... Prenez toutes les armes et les lames que vous pouvez tenir, et rejoignez les Vigiles. Mets-toi à leur service.
– Oui père... Oui... Oui je vous le promets...
– Je suis si fier de toi, mon enfant... Je t’attendrai. Ici. Et si la Sainte me rappelle à Elle, eh bien, je continuerai à te suivre depuis l’Au-Delà.
Arrête de pleurer, ce n’est pas digne de toi, et c’est inutile. La mort n’est pas définitive. C’est juste un passage. Tu m’entends ? Il ne faut jamais avoir peur de la mort.
– Non père... Je n’ai pas peur de la mort...
– Tu continueras d’avancer sans moi...
Tu sais, c’est normal pour un enfant de voir partir son père. La mort de ton grand frère, ça, ça m’a détruit. Je n’ai plus jamais été le même... Plus rien n’a jamais été pareil...
Mais toi tu ne dois pas me pleurer. Tu m’entends ? Arrête. Arrête de pleurer. J’ai besoin que tu sois ce grand lion fort que tu as toujours été. Tu sais que même bébé, tu étais tout gros ? Ta pauvre maman ! »
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Mathusalem




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MessageSujet: Re: Flagellum dei   Flagellum dei I_icon_minitimeDim 24 Déc - 18:02

Agitation enthousiaste dans l'amphithéâtre de Babel.
Étonnamment la capitale ne comptait qu'un seul édifice de la sorte. Bien avant la ville en comptait plusieurs, mais tous avaient été détruit et en partie réutilisé pour construire l'actuel amphithéâtre, monumental et fastueux, car riche ou pauvre devaient pouvoir assister aux même représentations, s’unir dans une même joie, dans un même rire.
Sur la dizaine de milliers de places que comptait le monument, moins d'un dixième se trouvaient occupées. Les premiers rangs, ornementé de marbre, se trouvaient bondés de monde, debout, regardant avec attention la scène centrale.
Là se trouvait la plupart des Maîtres Chevaliers Traqueurs dans leurs armures d'apparat, et derrière eux se trouvait une carte gigantesque, sortie du palais de leur défunte reine.
Face à eux plusieurs centaines de volontaires, tous avaient répondu à l'appel. Depuis deux jours les crieurs publics apportaient évangile : la Sainte en personne s'était déclarée à plusieurs Vigiles, exhortant une croisade qui éradiquera les démons de la terre, un combat final où le Bien triomphera du Mal, le Paradis sur l'Enfer.
Du message amené par les Chroniqueur, du nom même des Chroniqueur, les chefs Traqueurs comme ceux des Vigiles n'en ont rien soufflé. La mission se devait d’être amenée par la Sainte elle même.
Il ne pouvait en être autrement.

Aussi face à eux le publique mobilisé se trouvait être en bonne santé, apte à combattre, prêt à mourir et dévoué entièrement à l'Ordre. Les traqueurs et les Vigiles n'avaient sélectionnés que les meilleurs et permis à ceux ci d'entrer dans l'amphithéâtre.

Le soleil se trouvait haut, le ciel éclatant et le vent sec. Le brouhaha se calma un peu quand Gilias reprit la parole, baguette de bois en main, pointant la carte gigantesque derrière lui :
-Il nous faudra trois jours, via la route royale, pour atteindre Tell'Azir.
-Folie !S'exclama une voix dans la foule.
-C'est ici que ont convergés les hordes de démons ! Reprit son voisin.
-L'endroit doit être infesté.
Sourire en coin, Gilias s'était attendu à la remarque :
-Comme mentionné précédemment par Maître Berrus, notre armada sera... d'une puissance inouï.
Encore interrompu par une voix sortie de la foule, Gilias eut néanmoins un hochement de tête affirmatif en l'entendant :
-Rappelons nous les épreuves de la Sainte ! La Sainte, ses compagnons et les premiers Vigiles ! Contre le Seigneur démon et son essaim ! Ont ils faiblit ?
La Foi nous garde mes frères et sœurs ! La Foi nous garde !

Yussuf se rassis sagement, remettant son turban devant sa bouche.
Murmures approbateurs et ego gonflés dans la foule.
-Nous passons par Tell'Azir non seulement car nous empruntons la voie la plus rapide, mais essentiellement pour une mission annexe de récupération.
Ici, nous détacherons un premier groupe que nous laisserons derrière nous. Ils viseront les palais princiers, les temples, les casernes.
D'énormes quantités de matériaux, nourritures, médicaments, armes et j'en passe... Cette récupération est essentielle pour alléger le poids qui pèse toujours plus chaque jours sur le royaume.
Je passe les détails organisationnel, le groupe récupération sera briefé dans l'après midi une fois que chacun de vous aura rejoint son affectation.

Le Maître chevalier, pas le moins du monde écrasé par la centaine de regards fixées sur lui, alla calmement se servir une tasse de thé tiède. C'est qu'il avait la bouche sèche à autant parler, et aussi fort.
Revenant enfin sur la carte coloré s'offrant à eux, présentant les anciens royaumes qui se tenaient par delà les frontières (cette carte se trouvait être presque centenaire), il pointa sa règle de bois au Nord-Ouest de la Levantine, là où les montagnes du Zargos mourraient en laissant place à la plaine.
-Encore trois jours pour rejoindre le Bastion de Frontière.
C'est ici que nous séparerons l'armée en trois groupe.
Un premier,dirigé par moi même, fera route sur Port Alban, prendra navires jusqu'au Latium. De là les Alpyrénées s'offriront à eux, le Krak en son centre.
Le second, celui de maître Berrus passera immédiatement après Frontières à Mistros, de là taillera sa voie à travers l'Ouromagnie jusqu'à Charrois et le Krak.

Une voix lourde et lente questionna, irritant cette fois ci visiblement le chevalier traqueur, excédé par les interruptions.
-Port Alban est tombé, d'où dénicherez vous nos navires ?
Un Vigile se permit d'intervenir de sa voix aiguë, calmant toute interrogations futures :
-La Sainte nous guide.
Elle nous a laissée entrevoir Port Alban et ses navires.

-Bien. Reprit le chevalier, se rapprochant du bord de la scène. Passé Frontières nous devrons laisser nos véhicules, ils retournerons ici. Car ils sont notre meilleur arme désormais, la seule capable de repousser une déferlante, nous ne pouvons les risquer plus loin.
...
Guerriers !
Rejoignez nos scribes à l'extérieur, ils vous donnerons vos groupes et affectations.




* * *


A l'extérieur du théâtre, la grande place de Babel était noircie de monde. De loin l'on distinguait plusieurs file de volontaires, attendant leurs tours pour se faire assigner par les scribes de l'Ordre. Un recensement préliminaire avait été effectué, permettant de s'assurer de la santé physique et mental des volontaires.
Tout autour des fils d'attentes des passants, offrant amulettes, colliers et bénédictions. Des chanteurs et chanteuses, des danseurs et danseuses. Des curieux, des proches. Spontanément l'on vint leur donner de la nourriture et de l'eau. Tout juste midi et les estomacs commençaient à se creuser.

Dans sa file depuis maintenant une demie heure, Joa regardait la trentaine de personnes attendant comme lui, mais devant lui. L'instant se rapprochait autant que son ventre se nouait.
-Place ! Place !
Joa s'écarta pour ne pas être bousculé.
-Place ! Égards pour les Vigiles ! Se plaisait à répéter Jamal en repoussa gentiment mais ferment les gens barrant sa route.
Suivit par une poignée d'autres Vigiles, Jamal leur fraya une voie express jusqu'au scribe faisant passer l'incorporation des volontaires sous sa tente.
Et Joa les vit disparaître sous la tente.

-Enfoiré ! Salaud d'ordure !
Karriba émergea de la foule en sueur. Voilà une heure qu'il tournait dans la place à la recherche de son ami.
Joa ferma ses yeux un moment, mobilisant ses forces dans la joute prochaine.
-Jette toi donc dans un feu, ta mort viendra plus vite ! Attaqua-t-il immédiatement en se plantant devant son ami. Tu nous laisses là ? Le village ? Moi, Zaha ? Mes gosses t'adorent !
Joa du encore clore ses paupières. Il sentait qu'il n'avait pas assez puisé de forces pour pouvoir camoufler son trouble.
-Je fais cela pour protéger ce qu'il reste du village...
-Mes couilles dans la marmite ! Bon qu'à te faire embrocher et à quoi d'bon, v'là pas que ça nous aidera en quoi, que de la peine rien de plus !
-Le sacrifice d'une vie pour un juste combat est bon aux yeux de la Sainte. Je dois répondre à l'appel.

Karrib se sentit exploser, passant nerveusement une main sur sa barbe il grogna :
-Appel, appel de quoi, de qui ? De crieurs publique bha ! D'entogés bha ! V'là savoir donc c'qu'ils trament.
Joa fronça des sourcils, lui aussi bouillant de l'intérieur :
-Ne met jamais en cause la Loi comme la Foi ! Karrib !
Je fais ce qui est juste, je réponds à l'appel.

-Tu vas me laisser là...
-C'est mon devoir.
-Là et toi... tu vas te faire abattre. Traquer. Bouffer.
-Je réponds à l'appel.
-L'appel...
Karrib passa sa main noueuse sur son visage trempe de sueur, décomposé par le manque d'arguments, pris de court. Mais de quel PUTAIN d'appel tu me parles.
-La... la voix m'as rappelée. L'observatrice voit mon destin.
Et celui ci n'est PAS de mourir dans les foret sombre d'Europe, dévoré ou je ne sais quoi.

Encore cette foutue histoire ! Encore ! S'enflamma intérieurement Karrib, mais celui ci garda bouche close, se contentant de faire les cents pas enfiévré.
L'impuissance l'enragait.
Quand Joa en venait à invoquer le nom de cette Vigile qui lui murmurait à l'esprit, rien ne pouvait le ramener. Rien !
L'impuissance...
-Qu'est ce... qu'est ce que tu fout Karrib ?!
Planté à ses cotés, le regard droit, Karrib attendait.
-Tu vas pas les laisser... Le village, tes fils, Zaha !
Mâchoire et poings serrés il siffla :
-Ils vont s'en sortir. Ils ont mon sang. Zaha est de ma trempe. Et le village veille.
Toi, seul, tu vas te faire crever. Tu vas te faire crever sans moi et tu le sais.

-Mais tu... par les Compagnons et la Sainte je... comment...
-Plus. Un. Mot.



* * *


Le lendemain, aux premières lueurs du jour.
Le Départ.



Spoiler:


Shifa finit par expulser sa lourde carcasse d'un bond hors de la cabine du véhicule. Fin de l'ultime vérifications. Il n'avait passé les dernières heures qu'à cela d'ailleurs, inspecter chaque aspect du véhicule en tête de convois. Son véhicule.
Devant lui le désert sec des environs de Babel, coupée par la voie royale, pavé jusqu'à Tell'Azir.
Un gouffre vertical, une grande inconnue. Qu'est ce qui attendait derrière cette colline ? Et derrière cette autre ? L'armée sera visible sur des lieux à la ronde, le étonnement des moteurs et le cris de milliers de botes soulevant un panache de poussière ne laissait aucune discrétion dans leur approche.
Derrière Shifa : la dite armée découpée sur fond de l'immensité de la citée de Babel.
Un millier d'hommes. Un sixième de traqueurs pour un vingtième de Vigiles. Deux autres camions comme le siens, une dizaine de blindés léger, des mitrailleuses antiques montées sur chariots et des chevaux par centaine.
Tout autour la foule, immense, démesurée.
Tout un peuple.
D'aussi loin, le pilote ne distinguait rien de précis, qu'une masse uniforme. Il détourna rapidement son attention pour accrocher le regard d'un traqueur, debout sur un chariot de bagages. Shifa lui fit un signe de main, puis leva haut son pouce. Hochement de tête affirmatif en réponse.
Tout était prêt, mais ils n'allaient pas encore partir, pas avant que la prière soit terminée, il le savait. Alors le Nors remonta retrouver l'air frais de sa cabine. Il décrocha de son cou puissant une amulette qu'on lui avait donné hier à la sortie de l'amphithéâtre.
Il la scruta longuement, sondant l'objet à la recherche d'un quelconque attrait mystique. Qu'une bricole en cuivre et en étain aux inscriptions obscurs, voilà tout ce qu'il y voyait malgré la sincérité de ses efforts.
Il n'était qu'un homme avachis, un bout de métal serré fort dans sa main, le cœur battant follement, la respiration soudain courte, rongé par une angoisse sauvage.


Là bas, au centre du convois encore à l’arrêt, la prière toucha à sa fin. Les chants cristallins se répondant en harmonie des Vigiles se turent dans l'infinité de l'espace désertique. Alors on se releva, petit à petit. Traqueurs, volontaires, tout comme les curieux du public venu par milliers malgré l'heure pourrait on penser. Mais Babel cette nuit là n'avait pas dormit. Toute la ville avait célébrée ses héros.
On se releva donc, embrassant ses bijoux, ses amulettes et autres porte bonheur bénis dans les temples.

Les moteurs des véhicules vrombirent alors, coupant court au silence glaciale qui faillit suivre les chants de prières, plus joyeux, eux, que le sifflement froid du vent matinal à la mélodie plus funeste.

Puis l'on sonna des cors et on leva les bannières. On monta les chevaux et on claqua du fouet.
L'armée se mit en branle.


Fièrement dressé sur son cheval, Yussuf c'était vu remettre l'insigne honneur de porter la sainte bannière. Une bannière qu'avaient amenés avec eux les Compagnons et les Premiers Vigiles lors du combat contre le Seigneur Démons des textes de la Foi, bannière qui dit-on a été bénie par la Sainte en personne. Sur un fond blanc défraîchi se trouvait une main noire, symbole des premiers Vigiles. Un artefact puissant qui apportait sur eux bénédiction et protection.
De tenir entre ses mains un tel artefact emplissait le haut sacerdoce d'une joie extatique. Jamais il ne s'était sentie touché par un sentiment aussi puissant.

Il voyait, du haut de son destrier, le visage tout aussi frappé de fier révérence. Ce sentiment d’être plus. Plus que soi. Plus que un. D’être un tout, porté par l'exact même énergie, connecté par celle ci. Un regard sur la sainte bannière et ils étaient prêt à accueillir la mort, anesthésier par leur orgueil gonflé à l’extrême.
Ils allaient le faire, qu'importe le prix en souffrance. Car la Sainte avait envoyé sa vision. Une arme, sous le Krak des Alpyrénées, qui mettra fin à l'incessante lutte. Le Bien allait enfin l'emporter sur le Mal. La nation sera sauf, les esprits des aïeux apaisés et l'avenir... meilleur.

 
Ainsi le premier jour de marche se passa dans une euphorie guerrière. Le pas se fit volontairement vif, la cadence encaissé par l'ivresse de la fierté de leurs missions et le voyage se déroula dans les rires, les chants et les prières.
Il quittèrent le désert de Babylie sans le moindre encombre et arrivèrent rapidement dans les terres, certes aride mais propice à la culture, de Levantine.
La tension monta d'un cran alors que l'on se rapprochait de la capitale de l’Émirat. Une tension intérieur, dissimulé par l'exact même entrain qui portait l'armée depuis son départ.
A seulement deux repas par jour et aux nuits excessivement courtes, la fatigue se fit sentir chez les plus précipités des volontaires, tempérant leur feu.


Shifa fut dans les premiers à voir les bâtiments de Tell'Azir se dessiner. Le Nors pilotait le camion du groupe de tête, le groupe ouvrant la marche à l'armée. Ce groupe était composé de l'essentiel des blindés légers et d'une cinquantaine de cavaliers, des éclaireurs partant à quelques lieux en avant et se transmettant rapidement leurs informations glanés à la longue vue.

Tell'Azir...
L’estomac de Shifa se noua à la vision de ses bâtiments d'un blanc éclatant.
Lui s'était trouvé à Ninive ce jour sombre,n évacuant les nobles et le clergé.
De ce qu'il c'était produit à Tell'Azir il n'en avait eut que des brides parcellaires, formant une image d'un bain de sang sans pareil à ce qu'il avait vécu.
Chaque heure passée dans son camion il s'était imaginé les démons déferlant sur lui. De cette grotte là, ou de cette dune ci. Ses journées se trouvaient ponctués d'une soudaine et terrible certitude qu'il allait y passer, une vague monstrueuse lui déferlant dessus.
A quoi bon ? A quoi bon tout cela ? Se répétait Shifa. Tout les bastions de la Frontières n'ont servit à rien ce jour là, quand bien même ils avaient été construit en prévision uniquement de cette événement précis ! Combien étaient ils d'ailleurs en garnisons dans tout ces bastions ? Prés d'une dizaine de meilleurs de soldats, au moins, dont des Traqueurs aussi, en grand nombre et équipés !
A quoi bon alors...
-Ils ont vu quelque chose.
Dit soudain le traqueur à ses cotés. Arrêtes donc là un moment.

Les premiers bâtiments de la capitale se trouvaient à moins de cinq kilomètres d'eux.
Un éclaireur vint au trot se rapprocher du véhicule. Le traqueur ouvrit la portière une fois le véhicule arrêté.
Khaled el-Faransa baissa un pan de son turban pour dégager sa bouche :
-Vous vous êtes approchés ? Questionna le chevalier.
-Sans y entrer oui. Pas une trace de vie. Pas de bruits.
Ce n'est qu'un immense charnier.

Le chevalier hocha la tête en silence et se saisi du parchemin où il avait inscrit étape par étape comment l'on se servait de la radio. Il l'avait bien utilisé déjà une dizaine de fois depuis les deux jours écoulés mais cette technologie se trouvait encore par trop obscur et le chevalier s'en trouver fébrile à chaque fois qu'il devait l'appréhender.
Il communiqua finalement aux autres véhicules où se trouvait tout le haut commandement de l'armée.
La réponse fut clair : on s'en tenait au plan. Il leur fallait traverser la Capitale en laissant derrière une centaine de récupérateurs. Enfin si la ville se trouvait réellement vide...
-Vous ne m'avez pas entendu ? Qu'attendez vous pour redémarrer ?
Shifa sursauta presque mais se ressaisi vite et amena le blindé à poursuivre sa route.


* * *


-Wow.
-Par la Sainte...


L'on ne pouvait avancé que le visage couvert dans les rues mortes et inondées de cadavres de Tell'Azir.

Plus de chants, plus de rires.
Pour un long moment.

-Me voilà bienheureux de ne pas faire parties de l'équipe de récupération.

Les morceaux avaient séchés au soleil, les corps brûlés. L'odeur pestilentielle était diffuse. La tension transparaissait sur la majorité des visages. Pour certains des plus jeunes c'était là leur première confrontation à la mort.
Mais même les plus désabusés n'en restèrent indemnes.

Einreich et Enguerrand se détachèrent de la colonne centrale alors que celle ci passa à coté de la place centrale, poussés par une attention morbide. Ils marchèrent par dessus des dizaine de cadavres, contournant des piles de ceux ci et parfois se heurtait aux corps hideux de monstruosités mutantes.
Memes s'ils avaient pu desserrer les dents face à l'horreur, aucuns mots n'auraient pu sortir. La violence du spectacle atteignait un niveau ne permettant aucune description.
Ils finirent par s’arrêter, non loin du Phare de Tell'Azir, au centre de la place. S'interrogeant sur ce qu'ils voyaient.
Bientôt inquiété de ne pas être rappelés dan le rang, Enguerrand se tourna pour constater plusieurs autres personnes marcher dans leurs direction. Arrivant bientôt à leurs niveau pour...
-Par la... ! Regagnez vos rangs ! S'exclama Maître Berrus une fois arrivé au niveau de l'attroupement.
-Regagnez la colonne, c'est un ordre !
Il du s'y reprendre à plusieurs fois pour capter l'attention, poussant ceux ci en perdant patience.
Là, devant eux : le tesseract en Orichalque du Phare de Tell'Azir.
Brisé.
Tout autour plusieurs centaine s de membres, bras, pieds, mollet, doigts coupés et organisés pour dessiner d'obscur motifs.

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